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7 septembre 2012

Mursi présente sa carte de visite.
L’Amérique Latine fera partie du groupe de contact de l’Égypte pour la Syrie.

Il vaut mieux de ne pas se mettre dans le pétrin avec le Frère Musulman Mursi.

par Pepe Escobar *

 

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Directement après la Chine « communiste » – où il a été accueilli avec tapis rouge par le président Hu Jintao et le vice-président Xi Jinping – le président égyptien atterrit chez le « diable » Iran comme un vrai dirigeant arable mondial. [1]

Imaginez un sondage à Tampa, en Floride, parmi les délégués de la convention républicaine qui ont intronisé le duo rusé Mitt Romney-Paul Ryan à la candidature présidentielle. Il est probable que Mursi serait jugé pire qu’Hitler (oh, non ! Pardon c’était Saddam. Ou peut-être Oussama. Ou peut-être Ahmadineyad...)

Tampa-Teheran. Le cliché suprême de la division géopolitique actuelle. D’une part, ceux du « 1% » réclamant du sang, de Barack Obama ou de divers musulmans. De l’autre, la masse de la vraie « communauté internationale », pratiquement tout le Sud mondial (observateurs inclus comme la Chine, le Brésil, l’Argentine et le Mexique) qui se refusent de céder aux dictats impériaux militaires et financiers. Réaffirmant leurs impeccables références journalistiques, les médias de masse des Etats-Unis écartent toute information en la qualifiant de « Jamboree du Tiers-monde ».

En tout cas, la grande nouvelle est que l’Égypte est revenue. En d’autres mots, l’axe Washington-Tel Aviv est apoplectique.

Il est possible que Mursi marche d’un côté à l’autre, comme le proverbe égyptien dans l’imagination populaire. En réalité, il avance de manière permanente. Désormais, il est évident que la nouvelle politique extérieure de l’Égypte se concentre sur restaurer le Caire, historiquement centre intellectuel du monde arabe, en sa qualité de meneur, usurpée par les richissimes barbares pétroliers de la Maison des Saud pendant toutes les décennies où l’Égypte a été un humble simple serviteur des intentions géopolitiques de Washington.

Ce furent les jours (passés) – il y a plus de trois décennies – où Téhéran a rompu ses relations avec Le Caire parce que l’Égypte avait signé les accords de Camp David. La présence de Mursi au Sommet du Mouvement des non Alignés (MNA) à Téhéran ne signifiera peut être pas déjà le retour de relations diplomatiques à part entière, comme l’a divulgué le porte-parole de Mursi, Yasser Ali. Mais c’est un coup diplomatique sensationnel.

Le nouveau grand jeu commence

Il convient de faire une rapide récapitulation. Le premier voyage crucial de Mursi à l’étranger fut en Arabie Saoudite, pour la réunion de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) à La Mecque. La Maison des Saud considère avec une extrême méfiance les Frères Musulmans, c’est le moins qu’on puisse dire. Immédiatement après, Mursi a reçu une visite personnelle de l’Emir du Qatar et avec lui un chèque de 2 milliards de dollars sans conditions ; juste après il a limogé les anciens dirigeants de l’orwellien Conseil Suprême des Forces armées (SCAF).

Pendant ce temps là, Mursi avait déjà lancé le plan de l’Égypte pour résoudre l’interminable tragédie syrienne : un Groupe de contact réunissant l’Égypte, l’Iran, la Turquie et l’Arabie Saoudite. Aucune solution syrienne ne sera obtenue sans ces protagonistes étrangers essentiels, et l’Égypte fera attention de se positionner comme médiateur entre les intérêts de l’Iran et de la Turquie et de l’Arabie Saoudite (ce qui revient à la même chose ; en 2008 la Turquie a signé un accord stratégique, politique, économique et de sécurité avec le CCG).

D’un seul coup, Mursi a coupé la tête du faux serpent vendu à Washington pendant des années par le roi jordanien Playstation et la Maison des Saud : qu’un croissant chiite « diabolique » allant de l’Iran jusqu’au Liban à travers l’Irak et la Syrie affaiblissait la « stabilité » du Moyen-Orient.

Ce qu’en réalité craignent le roi Abdullah d’Arabie Saoudite et le plus jeune Abdullah II de Jordanie c’est l’agitation et la colère de leurs propres populations, sans parler de la simple idée de démocratie ; il est facile d’accuser le chiisme incontrôlé de tout parce que Washington est suffisamment crédule, ou léger, pour tout accepter.

Le mythe d’un « croissant chiite » peut être démasqué de nombreuses façons. Celle qui suit est seulement l’une de celles que j’ai vécues en personne, sur place, pendant pas mal de temps vers le milieu des années 2000. Téhéran sait que la majorité du puissant clergé d’Irak est totalement défavorable au concept khomeyniste de République Islamique. Il n’est pas surprenant que Téhéran s’inquiète de la renaissance de Najaf en Irak comme l’une des principales villes sacrées de l’islam chiite, au détriment de Qom en Iran.

Washington accepte cette propagande parce qu’elle est l’épicentre du Nouveau Grand Jeu. Quel que soit le gouvernement en place, depuis Bush jusqu’à Obama et après, une obsession clef de Washington est de neutraliser ce qui est vu comme un axe chiite du Liban, via la Syrie et l’Irak, en passant par l’Iran jusqu’à l’Afghanistan.

Un simple regard sur la carte nous dit que cet axe est au centre de l’énorme déploiement militaire des Etats-Unis en Asie, pour encercler la Chine et la Russie. Évidemment la meilleure intelligence à Pékin et Moscou l’a identifié pendant des années.

Les russes et Les chinois voient comment le Pentagone « administre » – indirectement – une grande partie des réserves de pétrole de la région, y compris le nord-est chiite de l’Arabie Saoudite. Et voilà qu’ils voient comment l’Iran – comme centre de gravité de toute la région – ne peut cesse d’être l’obsession suprême de Washington. Le bordel nucléaire est seulement un prétexte, en réalité le seul. En dernier ressort, il ne s’agit pas de détruire l’Iran, mais de l’asservir à la condition d’allié docile.

Dans cette inflexible manoeuvre le Frère Mursi fait irruption dans le jeu, rebattant les cartes pour une nouvelle donne avec la rapidité d’un croupier de Macao employé par Sheldon Adelson. Ce qui pourrait avoir pris des mois et peut-être des années, la marginalisation des anciens dirigeants du SCAF, que le Qatar soit privilégié au détriment de l’Arabie Saoudite, une visite présidentielle à Téhéran, et l’Égypte devient le meneur du monde arabe, ce qui a été réalisé en seulement deux mois.

Bien sûr, tout dépendra de comment se développe la relation entre l’Égypte et l’Iran et si le Qatar – et même l’Iran –réussissent à aider les Frères Musulmans à sauver l’Égypte de la banqueroute (il n’y a de l’argent pour rien ; avec un déficit annuel de 36 milliards de dollars ; presque la moitié de la population est analphabète et le pays importe la moitié de ses aliments).

Retourner à Camp David

Le problème immédiat avec le groupe de contact de l’Égypte pour la Syrie est que la Turquie – dans une autre expression de sa politique extérieure spectaculairement contre productive –a décidé de boycotter la réunion du MNA. Mais l’Égypte demeure imperturbable et propose d’ajouter l’Irak et l’Algérie au groupe de contact. [2]

Et Téhéran arrive avec une autre proposition « de grande envergure » diplomatique, selon le Ministère des affaires étrangères ; une troika du MNA avec l’Égypte, l’Iran et le Venezuela, plus les voisins de la Syrie, l’Irak et le Liban. De manière qu’à l’évidence tous veuillent discuter, en dehors de la Turquie. La proposition de Téhéran est totalement appuyée par la Russie.

Et juste alors que les médias de masse des Etats-Unis révélaient des discours de haine lors de la convention des millionnaires de Tampa, le Guide suprême « isolé » de l’Iran, l’Ayatollah Jamenei rencontrait le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon à Téhéran et demandait un Moyen-Orient libre d’armes nucléaires. [3] pas exactement la position d’un « Nouvel Hitler » qui veut une bombe nucléaire … le plus tôt possible, comme le martèlent sans cesse le duo Bibi-Barak. Et certainement c’est une plainte très populaire du Sud mondial de l’hypocrisie cosmique de Washington d’avoir délibérément ignoré l’arsenal nucléaire d’Israël tandis qu’il poursuit l’Iran à cause de son programme nucléaire.

Pas besoin de le dire, rien de cela n’a été dit dans les médias US.

Pendant ce temps, tous les yeux du Sud mondial se concentrent sur Mursi. Telles que vont les choses, il n’est pas exagéré d’imaginer que les Frères Musulmans vont jouer tôt ou tard la carte de Camp David. Dans ce cas, il faut s’attendre à ce que Washington devienne furieux, et même voyage dans le temps jusqu’à l’Amérique Latine des années soixante-dix, promouvant un (encore un autre) coup d’Etat militaire.

Le résultat final, est, si les Frères Musulmans articulent réellement une politique extérieure indépendante au cours des prochains mois, même en laissant entendre que Camp David devrait être renégocié (plus de 90 % des égyptiens l’appuieraient), le guerrier duo Bibi-Barak devient plus que réaliste.

* Pepe Escobar pour Asia Times Online (Holdings) Ltd. All rights reserved. Copyright 2012

Asia Times Online. Chine, le 2 septembre 2012

Traduit de l’anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 7 septembre 2012.

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