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19 août 2008

Mika Feldman Etchebéhère
(1902 - 1992)

Capitaine dans la Guerre Civile espagnole.

 

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Micaela Feldman Etchebéhère

Micaela Feldman Etchebéhère, une argentine née en 1902 à Moisés Ville, province de Santa Fa, qui a commandé une colonne du POUM durant la Guerre Civile espagnole. Amie de Cortázar, d’Alfonsina Storni, d’André Breton, de Copi, son parcours extraordinaire est peu connu de nous. Ce fut Juan Jose Hernández, en 1985, qui m’a initié à l’histoire de cette femme, qui non seulement a combattu durant la guerre, mais - comme je l’ai découvert au cours d’années de recherche, a vécu intensément l’aventure idéologique du XXeme siècle.

Fille de juifs russes, Mika grandit avec les récits des révolutionnaires évadés des pogroms et prisons de la Russie tsariste. A 15 ans, à Rosario, liée aux anarchistes, elle prononce son premier discours. En 1920, elle étudie l’odontologie à la UBA (Université de Buenos Aires) et rencontre Hipólito Etchebéhère, son compagnon. Ils entreprendront ensemble une vie consacrée au militantisme. Leurs premiers pas : le groupe Insurrexit, la ligne la plus gauchiste de la Réforme, où confluent marxisme, anarchisme et socialisme ; leur passage par le PC, 1924, d’où ils sont expulsés en 1926 pour leur désaccord avec la direction et leur appui à Trotsky (bien qu’ils ne font pas physiquement partie d’un groupe trotskiste). Le voyage pour la Patagonie, où ils rassemblent des témoignages sur le massacre des ouvriers agricoles aux mains de l’Armée, tandis qu’ils soignent des dents. En 1931, ils voyagent en Europe à la recherche de la révolution. L’Espagne, leur première déception : la République réprime durement des manifestants qui réclament que les promesses soient tenues.

Ensuite Paris, les études et des liens avec des révolutionnaires. Octobre 1932, Berlin, ils sont témoins de la défaite du prolétariat allemand et de l’ascension au pouvoir d’Hitler. France 1933, le groupe clandestin Que Faire d’opposition au stalinisme. Et enfin, l’Espagne 1936. (Quarante années plus tard, Mika publie un livre. Ma guerre d’Espagne à moi ). Mika et Hipólito rejoignent le POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste), proche de leurs idées. Ils partent avec une colonne motorisée que commande Hipólito. Un mois plus tard, il meurt au combat lors de la bataille d’Atienza. Mika veut se suicider, mais elle a l’impression d’entendre son compagnon : "¿Que fais-tu de nos principes ? Il sera temps de résoudre ton petit destin personnel après la révolution. Ce n’est pas le moment de mourir pour soi-même ".

Alors elle décide de faire cette guerre sienne. Mais ce ne sera pas facile pour Mika de cohabiter et d’imposer son autorité à ces hommes, révolutionnaires mais machistes. « Dans les autres compagnies ce sont les filles qui lavent et rapiècent même les chaussettes », proteste un milicien. « Les filles qui sont avec nous, ce sont des miliciennes - lui répond elle- pas des bonnes. Nous combattons tous ensemble, hommes et femmes, d’égal à égal, personne ne doit l’oublier. Et maintenant deux volontaires ». Il y aura toujours des volontaires parce que Mika leur explique ce qu’elle-même est en train d’apprendre, et elle se préoccupe de ce qu’il ne leur manque ni nourriture ni abri, de les écouter et de les comprendre, de leur soigner la toux avec ce sirop qu’elle-même leur apporte dans les tranchées, entre le sifflement des balles. Peu à peu, et malgré son ignorance en stratégie militaire, elle assume sa place de chef : à la bataille de Sigüenza, elle exige de l’émissaire fasciste qu’il lui apporte ses conditions de reddition par écrit et signé pour gagner du temps, elle ordonne de résister, attaquer, distribue les postes.

Elle choisit le mot opportun pour se faire obéir, choisit de les encourager quand les insultes du PC aux POUM démoralisent ses miliciens, marcher à quatre pattes dans les tranchées, se coucher dans la boue, brandir les armes, maintenir vif l’idéal révolutionnaire en luttant coude à coude avec ses miliciens... Eux-mêmes la nomment capitaine et la colonne du POUM, combattant avec peu d’armes contre un ennemi beaucoup mieux équipé, effectue des prouesses sur différents fronts. Sigüenza, Moncloa, Pineda de Húmera, avec chaque fois un risque plus élevé. Sa renommée téméraire fait que le haut commandement la désigne pour prendre la colline d’Avila. Ils les ont envoyés à l’assaut sans protection et Mika voit mourir ses miliciens.

Elle se réfugie dans le Lycée Français jusqu’à la fin de la guerre, où elle retourne à Paris. D’une guerre dans laquelle elle combat, elle passe à une autre qu’elle elle doit fuir à cause de son origine juive. La famille Botana l’accueille en Argentine.

De 1946 jusqu’à sa mort, elle vivra à Paris. Il n y a pas d’événement politique dont elle n’est pas partie prenante, qui ne provoque ses lucides réflexions. En mai 68, avec des gants blancs, elle ramasse des pavés et explique aux étudiants comment éviter que le noir dans leurs mains les expose s’ils sont surpris par la police. Le policier qui l’accompagne jusqu’ à sa maison , ne peut imaginer, que cette dame de 66 ans, élégamment habillée, a dans son sac à main des gants pleins de suie.

Par Elsa Osorio
Página 12 . Buenos Aires, 29 juillet 2008.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi.

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