Accueil > Les Cousins > Brésil > Lula s’engage à ne pas trahir
Alors que sa victoire semble acquise à trois jours du second tour de la présidentielle au Brésil, le candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, 57 ans, se pose d’ores et déjà en président élu.
Agence France-Presse, Rio de Janeiro
« Je veux vous le dire en regardant chacun d’entre vous en face : je sais que je n’ai pas le droit de me tromper, et je sais que je ne peux trahir les millions de Brésiliens qui rêvent de changement », a-t-il déclaré à un meeting dans le nord-est pauvre du pays, sa région d’origine.
Lula, l’ancien ouvrier tourneur, ne cache plus sa certitude d’être élu, fort des sondages qui le créditent de 66% des intentions de vote contre 34% au candidat du pouvoir, José Serra, 60 ans.
« N’importe quel autre président peut être élu et ne rien faire parce que le peuple en a l’habitude. Mais moi, je n’en ai pas le droit », a-t-il dit.
Il a ajouté qu’il était « le seul capable de réaliser le pacte social » dont a besoin le Brésil, onzième économie mondiale mais où vivent 54 millions de pauvres pour 170 millions d’habitants, soit près du tiers de la population.
Conscient des responsabilités qui pèseront sur lui pendant son mandat de quatre ans et des difficultés auxquelles il devra faire face, Lula a relevé néanmoins « qu’il ne pourra pas faire de miracles », mais qu’il « fera les choses avec la participation de la société ».
Le président qui sera élu dimanche, quel qu’il soit, devra composer avec un Congrès fragmenté et orienté au centre droite pour trouver une majorité.
De plus, le panorama de crise financière qui attend le nouveau président, avec un réal dévalué de près de 40% depuis le début de l’année, la faible croissance (1,5% prévu en 2002), le poids de la dette publique (60% du produit intérieur brut, PIB) et les engagements draconiens pris avec le Fonds monétaire international (FMI) lui laissent très peu de marge de manoeuvre.
Lula a opté durant toute sa campagne pour un ton conciliateur et annoncé qu’il aurait « un gouvernement d’union » qui tiendrait les promesses faites.
Mais, relève le politologue Leoncio Martins Rodrigues, « la pression pour que soient tenues les promesses électorales est un problème que le nouveau gouvernement aura à affronter immédiatement ».
Selon le Mouvement national de lutte pour le logement (MNL), il y a quelque six millions de familles sans logement au Brésil, tandis que 11 millions habitent des logements précaires.
Pour un des dirigeants du Mouvement des sans terre (MST), Gilmar Mauro, « la victoire de Lula sera une chance historique ». « Nous ne sommes pas ingénus au point de penser que tout se résoudra immédiatement, mais le MST restera mobilisé et organisé pour obtenir satisfaction de ses revendications", ajoute-t-il.
Selon le MST, dans un pays où 11% des agriculteurs n’ont aucune source de revenus et 47% gagnent un salaire minimum (65 dollars par mois), il y a 4 millions d’agriculteurs sans terre.
Ancien métallurgiste et légende vivante du syndicalisme brésilien, Lula bénéficiera du soutien de la Centrale unique des travailleurs (CUT), première centrale syndicale du pays et sans doute l’une des plus grandes d’Amérique latine.
« Nous savons que Lula va recevoir un pays marqué par de graves inégalités, avec des finances publiques profondément entamées, et qu’il y aura une phase très difficile. Nous aurons l’habileté de le comprendre et de commencer par le dialogue », dit Joao Felicio, président de la CUT.
Il reste que le nouveau président devra déployer de réels talents d’équilibriste pour concilier les exigences macroéconomiques avec la demande sociale, d’autant plus forte qu’elle s’est nourrie de l’immense espoir qu’a fait naître la candidature de Lula.
Cyberpresse, le jeudi 24 octobre 2002