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23 mars 2010

Lula a un plan :
Sortir Israël et Palestine de la « Voie de la mort »

par Santiago O’Donnell

 

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Difficile de nier la logique qui est derrière l’explication simple du Premier ministre israélien : si cela fait 42 ans que nous le faisons, pourquoi allions-nous nous arrêter maintenant ? Il se référait, bien sûr, à l’annonce de son gouvernement qui va construire 1600 logements dans un quartier ultra orthodoxe de Jérusalem Est, un territoire palestinien occupé depuis la Guerre des Six Jours, de 1967. Cette annonce a attiré la condamnation de pratiquement tout le monde, condamnation que le chancelier israélien, en suivant la même logique, a traité d’ « irraisonnable ». Et qu’est-ce qu’ils espéraient après que les Israéliens aient voté pour un gouvernement à majorité de droite et d’extrême-droite ? Que ce soit ce gouvernement qui casse la tradition colonialiste, qui se livre avec mansuétude aux exigences des palestiniens et leur serve l’État palestinien sur un plateau ?

Il n’est pas non plus surprenant que les palestiniens modérés qui parient ou qui ont parié sur un accord de paix se sentent déçus et escroqués, et que les palestiniens islamistes reprennent leurs attaques contre des civils Israéliens, payant la mort d’un immigrant thaïlandais avec le bombardement de six villes de Gaza, prélude à la spirale de la mort et de la destruction qui surviendra sûrement.

En tout cas les États-Unis et leur président Barack Obama ont un problème, lui qui d’un côté passe son temps en réaffirmant son « alliance inébranlable » avec Israël, et de l’autre a promis, dans son fameux discours du Caire, une nouvelle relation avec le monde musulman. Selon Obama cette nouvelle relation remplacerait la doctrine de la « Guerre au Terrorisme », de son prédécesseur, en partant d’un accord de paix au Moyen-Orient qui donnerait vie à l’État palestinien dans les territoires occupés.

Mais rien ne va changer au Moyen-Orient tandis que la majorité des Israéliens continuent à voter pour des gouvernements conservateurs et intransigeants, et que la majorité des palestiniens continuent d’appuyer l’idée de se venger d’Israël.

Cette semaine Obama a exigé que soient arrêtées les constructions dans les territoires occupés, que soient discutées les frontières du nouvel État palestinien, c’est-à-dire le retrait israélien, et que soit négocié, le statut social de Jérusalem Est pour que les palestiniens puissent y installer la capitale de leur nouvel État. Les autres négociateurs, qui sont la Russie, l’Europe et les Nations Unies, ont dit la même chose. Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a répondu « allez vous faire voir ». Ou plutôt, il a répondu avec un peu plus de diplomatie, qu’il ne peut pas faire cela parce que son gouvernement s’écroulerait.

Obama ne peut pas non plus aller plus loin. Il ne peut pas risquer quarante-deux ans « d’une alliance inébranlable » entre les États-Unis et Israël parce que son gouvernement chancellerait. Les Modérés de l’Autorité Palestine ne peuvent non plus se mettre en colère parce que sans négociations de paix ils n’ont pas de raison d’être et les islamistes vont en faire une bouchée.

Alors, les États-Unis, Israël et les palestiniens modérés se mettent d’accord pour baisser le ton et reprendre les soi-disant « conversations indirectes » à travers le délégué d’Obama, un tripotage qui ne peut arriver à rien, mais qui sert à soigner les apparences de ceux qui jouent à négocier ce qui dans les conditions actuelles n’est pas réglé.

Au milieu du bordel Lula apparaît. On ne sait pas si Lula veut qu’ils le nomment secrétaire général des Nations Unies pour régler le conflit du Moyen-Orient, ou s’ il veut régler le conflit du Moyen-Orient pour qu’ils le nomment secrétaire général des Nations Unies. Mais ainsi va la chose.

Lula a un plan : il veut agrandir la table de négociations pour inclure l’Iran et les palestiniens islamistes de Hamas.

De nouveaux interlocuteurs, de nouvelles idées, de nouvelles perspectives pour mettre en marche quelque chose qui peut fonctionner. C’est pourquoi il appuie publiquement le programme nucléaire iranien et envoie son ministre des affaires étrangères à Damas pour prendre contact avec le leadership du Hamas en exil.

Ce que Lula ne dit pas, parce que cela ne vaut pas la peine d’approfondir certains détails, c’est qu’il veut agrandir la table de négociations avec deux ennemis d’Israël. L’intention déclarée du Hamas et de Téhéran de détruire l’État hébreu n’est pas un point de départ de bons auspices pour une négociation de paix.

Lula n’est pas bête. Il entame une tournée en Israël et il se met la kipá pour visiter le Musée de l’Holocauste. Netanyahu n’est non plus pas bête et il le reçoit bien, sereinement, sans honneurs excessifs, en se tenant au protocole. Mais si Netanyahu n’est pas disposé à écouter sérieusement Obama ni les palestiniens modérés, difficile qu’il se soucie des formulations de Lula et de ces « nouveaux interlocuteurs » islamistes et négationnistes. Peu importe : Lula demeure installé comme négociateur au Moyen-Orient et le Brésil comme alternative de pouvoir aux États-Unis dans cette région. Pur bénéf. Tâche accomplie.

Lula est un optimiste. Au Brésil il n’a pas arrêté de se présenter jusqu’à qu’ils l’aient choisi comme président. Maintenant il dit que le désaccord entre les États-Unis et Israël peut être bon pour la paix. Il pense que, en minimisant l’appui inconditionnel aux faucons, Washington modifie l’équilibre de forces en faveur des secteurs les plus modérés de l’ instable coalition qui gouverne Israël. Ce gouvernement est dominé par une droite dure, en commençant par Netanyahu (Likud) et en suivant avec son ministre des affaires étrangères néofasciste Avigdor Lieberman, mais il inclut les travaillistes de centre-gauche et laisse dehors les centristes de Kadima.

A l’évidence il faudrait mettre au clair, pour mieux préciser les termes « centre » et « centregauche » dans le contexte israélien, que le représentant travailliste dans le gouvernement de Netanyahu est le même ministre de la Défense qui il y a un an et demi, quand gouvernait Kadima, a conduit la dernière invasion de Gaza, invasion condamnée par les Nations Unies comme des aberrantes violations aux droits de l’homme.

Il n’est pas mal que Lula exprime l’optimisme dans une région où ce bien manque tant. Mais les événements de cette semaine peuvent être interprétés autrement. Cela donne l’impression que les palestiniens se fatiguent du tripotage et des promesses creuses d’Obama tandis que les Israéliens continuent à coloniser des territoires occupés. Cela donne l’impression qu’ils sont de nouveau disposés à s’immoler en jetant des pierres à la police israélienne en Cisjordanie et des fusées faite maison contre des civils depuis la Bande de Gaza.

Et sans aucun doute des actions suicides, seront comme des invitations presque pour que Israël déploie tout son pouvoir militaire contre les palestiniens, sans défense en comparaison, comme cela arrive à chaque fois qu’éclate un conflit.

Et c’est sans aucun doute que l’imaginable réponse israélienne générerait une nouvelle vague de condamnation internationale, qui approfondirait à son tour l’isolement diplomatique du gouvernement de Netanyahu, en le poussant de plus en plus vers la droite chauvine, en nourrissant une spirale de guerre qui fermerait les portes à toute tentative de paix, après avoir érodé la base d’appui pour les modérés de l’un et de l’autre côté.

Pour que cette dynamique change, quelque chose d’un peu inopiné devrait se passer, quelque chose qui sert d’amorce à une entente entre Israéliens et palestiniens. Que sais-je, par exemple un rapprochement entre les États-Unis et l’Iran. Les États-Unis et Israël, les deux puissances nucléaires, accusent l’Iran de vouloir fabriquer une bombe atomique. La Russie et la Chine, deux pays avec un pouvoir de veto aux Nations Unies, disent que pour eux ce n’est pas prouvé. Le ministre des affaires étrangères russe a dit à l’ étasunien cette semaine que la meilleure manière de s’assurer que Téhéran utilise son énergie nucléaire à des fins pacifiques est de faire ce que fait la Russie, qui est de construire les stations nucléaires des iraniens pour pouvoir les contrôler in situ. En revanche les États-Unis parient de renverser le régime iranien via Twitter, YouTube et menacent par des sanctions, et Israël parie sur le bombardement des installations nucléaires d’ Iran quand le moment sera venu.

Il est difficile de bien savoir ce qui passe en Iran depuis l’Occident, mais il n’est pas inconsidéré de penser que l’opposition modérée ou anti belliciste a mis en échec le régime révolutionnaire du Leader Suprême. Si c’est ainsi, s’ouvrent des possibilités qui n’existaient pas avant, surtout en tenant en compte l’influence de l’Iran sur l’Irak et sur l’Afghanistan, où les Américains ont besoin désespérément que Téhéran leur donne un coup de main.

On pourrait aussi travailler la relation avec la Turquie, qui servait de médiateur dans un accord entre Israël et la Syrie par le Plateau du Golan jusqu’à ce que l’invasion de Gaza pourrisse les négociations. Jusque là la relation entre la Turquie et l’Occident a été tendue à cause du génocide arménien et par l’admission retardée du pays musulman à l’Union Européenne.

Mais le nœud du conflit continue là, au Moyen-Orient. Beaucoup de choses ont changé pendant les quatre dernières décennies. L’Égypte est aujourd’hui un voisin de confiance. L’Irak a été occupé. Israël a accumulé assez de pouvoir militaire pour ne dépendre d’aucune puissance étrangère. Et est parti de Gaza bien que ce soit pour mieux l’asphyxier. Il y a eu des élections en Palestine et la Palestine s’est scindée en deux.

Trop de choses sont arrivées pour que Netanyahu dise que tout est comme avant. Mais le nœud reste là et personne ne semble trouver le tour. Tandis que les Israéliens et les palestiniens insistent, peu importera qui a raison, ni qui a commencé, ni qui est la victime. Cela ne servira pas non plus beaucoup ce que feront ceux de dehors.

Si cela continue ainsi, le chemin vers la paix finira encore une fois par la voie de la mort.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

Página 12 . Buenos Aires, le 21 Mars 2010.

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