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Cadre d’interprétation et hypothèses de recherche sur la genèse de la crise sociale et institutionnelle contemporaine [1]
Por Susana Peñalva*
1. Cadre d’analyse théorico-historique : les métamorphoses d’une " société salariale "
1.1. Problématique et objet de recherche [2]
Depuis la fin des années 1980, dans un contexte international marqué par l’augmentation du chômage structurel et du sous-emploi, la réémergence de la question sociale - essentiellement celle du statut du salariat - va de pair avec des dynamiques de " précarisation " et " désaffiliation " [3], qui découlent essentiellement des difficultés persistantes d’insertion dans le marché du travail atteignant des nouveaux groupes et catégories de population. La différenciation et l’hétérogénéité sociale se trouvent ainsi accentuées au sein d’une même société. Dans ce cadre de référence, que pendant les dernières décennies l’Argentine a partagé en quelque sorte avec les sociétés capitalistes développées (tels les pays de l’Europe occidentale), ces phénomènes se sont accentués sous l’influence des processus de restructuration économique comportant parfois l’adoption de nouvelles technologies de production industrielle mais aussi - et dans le contexte argentin surtout - des politiques de licenciement massif de personnel.
Dans le cas argentin, ce type de processus a souvent vu le jour parallèlement à la remise en cause des compromis sociaux qui, par le passé (et notamment depuis le milieu des années 1940), avaient donné lieu à une certaine institutionnalisation du droit du travail et à la codification des droits sociaux des travailleurs, en relation avec le paradigme du travail protégé à l’intérieur de la société salariale. Ayant acquis un degré d’institutionnalisation assurément plus précaire et inachevé, et relativement moins généralisé qu’au sein d’une société salariale comme celle qu’a incarnée la France de l’après-guerre - où le salariat en était " venu à structurer (la) formation sociale presque tout entière " [4] -, la remise en cause de ces compromis est à la base des réformes " pro marché " (market oriented) mises en place en Argentine depuis le début des années 1990. Il s’agit de réformes selon lesquelles la condition salariale et les modes d’intervention sociale de l’Etat auparavant dominants sont apparus - au milieu de la dernière décennie - comme des formes institutionnelles dont l’interrelation structurelle, en tant que cristallisation d’une relation sociale construite historiquement, semblait déjà emprunter la voie d’une recomposition régressive, tout comme des dispositifs en processus de liquéfaction ou des piliers en voie d’effondrement sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, collection " L’espace du politique ", 1995.
L’objet de la recherche développée à partir de 1994 en vue d’une thèse de doctorat de sociologie - et actuellement en train d’être complétée en tenant compte des évolutions récentes de la crise structurelle argentine et des enseignements que l’on peut en tirer concernant sa genèse - est une analyse relationnelle des mécanismes sociaux et institutionnels à travers lesquels s’est opérée la mutation concomitante de ces deux instances institutionnelles, considérées dans leur spécificité et leur complémentarité. D’une part, en tant que composantes prééminentes d’un certain mode de régulation de l’économie (comme le met en évidence la littérature associée à l’approche de la régulation en termes de macroéconomie institutionnelle et historique) [5]. D’autre part, en tant qu’ensemble de relations et de dispositifs ayant joué un rôle décisif dans la structuration de la société salariale qui s’est développée dans le cas de l’Argentine et dans l’interaction entre modes de vie des couches populaires, intervention de l’Etat et politiques sociales - au centre de la réémergence de la question sociale à laquelle on assiste depuis les dernières années, avec l’aggravation extrême et vertigineuse qui découle de l’éclatement de la crise majeure qu’a connu le pays en décembre 2001.
Plus directement en relation avec une problématique et une logique de questionnement sociologiques, cette perspective permet de faire une série d’hypothèses concernant les dynamiques de désaffiliation mises en évidence par les effets de désintégration sociale associés aux phénomènes d’appauvrissement et aux difficultés croissantes d’insertion dans le marché de l’emploi que rencontrent les groupes issus des catégories populaires - qui ont acquis une visibilité particulière à l’échelle des grandes agglomérations urbaines. Ainsi considérées, elles sont non seulement l’un des phénomènes majeurs, lourds de conséquences et d’implications dans la situation de crise, mais peuvent être analysées comme l’élément principal émergent de la déstructuration de la société salariale que semblait porter potentiellement à terme ladite recomposition régressive, dont l’ampleur et le caractère drastique deviennent actuellement tangibles.
1.2. Objectifs de la recherche
Le but fondamental de cette recherche est d’analyser et d’illustrer le développement du processus de mutation institutionnelle auquel nous avons fait référence, processus inscrit dans le cadre de la vaste restructuration économique qu’a connue l’Argentine au cours de la décennie 1990. En ce sens, parmi ses objectifs spécifiques, ce travail cherche à identifier les principales conséquences et implications sociales des réformes mises en oeuvre dans le système des relations de travail et le régime d’emploi, comportant une détérioration en termes du statut de l’emploi salarié et l’érosion du système de protection sociale, voire l’effritement de la condition salariale. Une situation qui se trouve aggravée dans un contexte de retrait massif de l’Etat de différents secteurs de l’activité économique et d’abandon d’une bonne partie de ses " fonctions sociales ", encouragés par la remise en cause et la reformulation des modes d’intervention de la puissance publique, notamment dans le domaine social, qui ont accompagné la montée en puissance - depuis la fin des années 1980 - des référentiels de pensée néolibéraux.
C’est ce que semblent pouvoir contribuer à démontrer quelques cas concrets de mise en oeuvre de politiques publiques, que nous avons étudiés en tenant compte de leur signification spécifique et de leur potentiel explicatif par rapport à certains processus qui ont un impact déterminant sur les marchés de travail urbains, au niveau desquels l’augmentation du chômage structurel et du sous-emploi s’accompagne de phénomènes indicatifs de dynamiques de précarisation et de déstructuration sociale induites par les politiques de flexibilité du travail et de suppression d’emplois dans un cadre de fragilisation, sinon de disparition, des protections et des droits liés à l’activité professionnelle et d’affaiblissement des institutions censées agir en ce sens. Il s’agit de processus et de dynamiques qui, dans la société argentine, se succèdent en conséquence avec la mise en oeuvre des réformes structurelles qui ont vu le jour depuis le début des années 1990, dans le cadre des politiques de " sortie de crise " inscrites dans les programmes d’ajustement structurel dits " de seconde génération " : privatisations des entreprises publiques, réformes du code du travail légalisant des " formes atypiques " et plus précaires d’emploi et introduisant des régimes moins protecteurs, réformes du système des retraites et pensions et, plus largement, des dispositifs qui tenaient lieu de sécurité sociale en Argentine.
Dans cette perspective, la recherche vise à une analyse des modalités spécifiques qu’adopte la restructuration des modes et des instruments d’intervention de l’Etat en matière économique et sociale, qui, dans l’Argentine contemporaine, se présente nettement accompagnée d’une profonde métamorphose dans la configuration du rapport salarial, y compris en tant qu’ensemble de règles et des normes dont l’importance institutionnelle devrait sans doute se rapporter à sa capacité de créer des régularités sociales. Selon notre hypothèse, cette transformation concomitante de l’intervention de l’Etat et du rapport salarial (considérés en tant que formes institutionnelles dotées d’une certaine complémentarité dans la configuration progressive de la société salariale) s’est opérée sur fond de crise majeure du mode de développement " autocentré " ou " tourné vers l’intérieur ", dont l’épuisement s’était déjà amorcé pendant les deux décennies précédentes, et dans le cadre duquel l’intervention de l’Etat et le rapport salarial avaient acquis une place prépondérante du point de vue de la hiérarchie des formes institutionnelles propres du mode de régulation de l’économie en vigueur. Mais, plus largement aussi en termes de mécanismes et dispositifs structurant les modes de vie de la population, étant donné que le travail salarié auquel se rattachaient diverses formes de protection sociale était parvenu à configurer un vecteur principal de sociabilité et d’intégration sociale et que l’Etat avait joué un rôle majeur - non sans mettre en évidence ses limites - vis-à-vis de la reproduction sociale de la majorité au sein de la société.
Il s’agit donc de délimiter et préciser - à partir des études de cas concernant la mise en oeuvre des politiques publiques qui constituent des exemples emblématiques - les effets d’une recomposition institutionnelle qui semble inextricablement liée à cette réémergence de la question sociale qu’a connue la société argentine et aux modalités que celle-ci a empruntées dans le courant des années 1990. Notamment à travers la dissémination des phénomènes de précarisation et désaffiliation et des effets d’individualisation négative ou " par défaut ", et l’émergence des formes de désintégration sociale auxquelles fait allusion de façon insuffisante la thématique de l’exclusion, très répandue aussi localement, même si la nuance de quelques analyses en faisant référence au " modèle excluant " visait à rendre compte d’un certain dynamisme et d’une responsabilité sociale à l’origine de ces basculements. En effet, cette notion vise à désigner des états de privation qu’elle même immobilise en quelque sorte (avec ses réminiscences statiques), et tend ainsi un voile sur les processus structurels et les mécanismes et les dynamiques sociales qui engendrent cette mutation sociale et institutionnelle lourde de conséquences, qu’il s’agit précisément de tenter d’éclairer [6]
1.3. Enjeux théoriques et politiques du traitement de la question sociale au tournant du XXe siècle
Différentes lignes de raisonnement peuvent être développées pour justifier l’intérêt sociologique et la pertinence, à la fois théorique et pratique, de notre sujet de recherche. Quatre arguments principaux méritent probablement d’être explicités afin de souligner l’importance sociale et la portée politique actuelle de la problématique.
Les deux premiers font référence à son intérêt général. Ils concernent la " dimension sociale " du développement capitaliste contemporain :
– a) Depuis plus d’une dizaine d’années, la protection sociale, c’est-à-dire l’ensemble des instruments et des dispositifs créés afin d’assurer la régulation et la reproduction de la force de travail à travers le salaire indirect à l’intérieur d’une grande partie des sociétés capitalistes occidentales, devient un domaine privilégié de réforme (sociale et politique) dont les raisons profondes dépassent le problème des difficultés financières purement conjoncturelles. Représentant une série de dispositifs étatiques progressivement mis en place au long d’un processus historique qui a vu son essor dans l’après-guerre, de nombreux systèmes nationaux de protection sociale connaissent actuellement une vaste remise en question. Cette remise en cause concerne les différentes institutions établies dans le passé, fruit de la cristallisation des compromis sociaux résultant des luttes sociales et politiques relatives à la conquête de droits.
– b) Dans ce contexte, ce qui a été souvent identifié et dénoncé comme la " démission " ou le " retrait de l’Etat " de ses fonctions dites " sociales " [7] mérite d’être appréhendé et conceptualisé, nous semble-t-il, en tant que processus de changement ou de mutation - substantiel, au point qu’il s’agit de vouloir réduire le rôle de l’Etat au minimum dans certains cas - des modalités et des instruments antérieurs d’intervention sociale de l’Etat.
Dans cette optique, la question de la réforme de différents aspects du système public de protection sociale devrait être considérée en relation structurelle avec le phénomène caractérisé en termes d’" effritement de la condition salariale ". Mettant conceptuellement entre parenthèses la perception courante du problème de " l’exclusion ", le constat de cet " effritement " renvoie à une nouvelle analyse de " la question sociale ". En raison de la dynamique de mutation décisive que connaît le rapport salarial, celle-ci se pose désormais autrement, notamment à travers tout ce que comporte la " fragilisation " des protections de la société salariale [8]. Cette métamorphose est liée en fait au rôle social et historiquement structurant du salariat et à la désagrégation et la fragmentation sociale qui entraine sa déstructuration - via la remise en cause de son statut - à l’intérieur d’une société salariale ; la récente expérience de " désalararisation " sous contrainte de la société argentine semble riche d’enseignements, voire même constitue un cas d’école à cet égard.
D’autres raisons de la pertinence et de l’actualité de la problématique méritent d’être soulignées. Elles ont un caractère plus spécifiquement sociétal et politique. Elles concernent les conditions particulières du développement capitaliste dans le contexte de l’Argentine. Nous sommes en effet en présence d’une société qui constitue un cas à part parmi les pays dits " en développement ", dans la mesure où la grande crise des années 1930 s’y est traduite par un renforcement du processus d’industrialisation amorcé pendant la première décennie de ce siècle. A partir de cette époque, la croissance tirée par l’industrie orientée vers le marché intérieur est allée de pair avec un processus de salarisation d’ampleur considérable, comparable à la situation des économies des pays développés [9].
– c) A ce niveau, l’intérêt du sujet de recherche est lié à une préoccupation intellectuelle : identifier le type d’articulation complexe existant entre rapport salarial, protection sociale et intervention sociale de l’Etat dans sa spécificité nationale. D’une part, le souci d’intégrer une dimension socio-historique dans la problématique exige de tenir compte de la genèse contemporaine de cette articulation à l’instar du modèle de développement " autocentré " dit " d’industrialisation par substitution des importations ", qui a orienté la dynamique de croissance pendant les années 1940-1960. D’autre part, l’analyse vise à rendre compte de la recomposition que ce lien connaît dans le contexte de l’Argentine actuelle ; c’est-à-dire du processus de mutation institutionnelle, qui s’est accéléré ces dernières années, dans le cadre d’une profonde restructuration économique associée à l’endogénéisation de la contrainte financière extérieure : le " fardeau de la dette " (dès le début des années 1980), puis les programmes d’ajustement structurel.
– d) Notre thème de recherche revêt également une importance plus spécifiquement macro-politique. De l’analyse des implications pratiques des perspectives d’articulation/désarticulation des objectifs de politique économique et des stratégies de politique sociale, dépendent dans une large mesure les conditions de viabilité de la démocratie, notamment dans la situation de grave crise structurelle que rend plus singulière la trajectoire de l’Argentine, la rapprochant et la différenciant de celle d’autres pays latino-américains. Rappelons sur ce point la signification que revêt depuis plusieurs années l’apparition des nouveaux contingents de population qui n’ont qu’une faible possibilité d’intégration au marché du travail, restant à la marge du processus d’accumulation tourné vers l’extérieur, dominant au niveau national depuis la fin des années 1970. Certaines analyses des années 1960 avaient déjà perçu ce phénomène comme l’émergence d’une " masse marginale " d’une ampleur telle qu’elle n’avait aucune fonction dans le système capitaliste, et lui attribuaient un caractère structurel.
Dans ce contexte, le désengagement de l’Etat d’une partie de ses fonctions sociales et les dérégulations sauvages adoptées dans le cadre des politiques économiques néolibérales mises en oeuvre depuis le début des années 1990, concernant notamment la flexibilité du marché du travail et la réforme de différents domaines du système de protection sociale (comme celui des retraites et pensions et des oeuvres sociales qui tenaient lieu de sécurité sociale en Argentine), ont tendance à aggraver les conditions d’existence et de reproduction de la population en général. Dans les circonstances actuelles où le chômage, la sous-occupation, la précarité et la pauvreté de masse deviennent une réalité structurale qui s’élargit pour atteindre des pourcentages de la population jamais connus dans l’histoire nationale, ceci ne semble que favoriser la condensation de situations contribuant à la corrosion du fonctionnement des institutions démocratiques au sein de la société.
Enfin, on pourrait identifier un intérêt supplémentaire de la recherche, de nature plus épistémologique. La tentative de penser le changement de paradigme d’intervention sociale de l’Etat, profondément lié a la transformation contemporaine de la configuration du rapport salarial et à l’effondrement de certains compromis institutionnalisés - sous-jacents aux pratiques de normalisation étatique qui étaient à la base des dispositifs de protection sociale mis en place auparavant -, impliquerait de se donner les moyens d’une résistance intellectuelle à l’égard de certaines formes de violence symbolique. Ainsi, celle que représente non seulement la " démission de l’Etat " mais aussi, plus largement, la destruction de la notion de la nécessité de son intervention pour réduire les inégalités sociales, surtout au sein de sociétés où l’augmentation de celles-ci constitue une menace pour la cohésion sociale.
A cet égard, il s’agirait de montrer une certaine forme d’impensé dans les schèmes tacites qui déterminent et délimitent tant les représentations ordinaires de l’intervention publique que les catégories " légitimes " d’une pensée d’Etat concernant ses politiques, ses formes institutionnelles et ses dispositifs et instruments d’intervention sociale. Mais peut-être aussi dans les visions qui prônent aujourd’hui la flexibilité du travail et des institutions sans trop se soucier de ces masses d’individus qui, avec l’ébranlement des protections sociales, " ont décroché des régulations de la société salariale qui leur permettaient d’être eux-mêmes au travers de leur participation à des ressources communes, et paraissent à présent condamnés à porter leur individualité comme un fardeau " [10]. En décembre 2001, la société argentine a fini par craquer. Son expérience représente un cas d’école, même si - le risque de contagion financière de la crise écarté... - nombreux sont ceux qui en détournent déjà le regard sur la scène internationale. Un questionnement sur l’enchevêtrement des facteurs structurels et des dynamiques politiques et sociales est indispensable pour comprendre comment cette régression s’est produite socialement et quel type de recomposition l’on peut envisager l’individu moderne ", op. cit..]].
2.1. La " désalarisation " sous contrainte de la société argentine, ses conséquences sociales et ses implications politiques
Au milieu des années 1990, quelques lecteurs attentifs de l’histoire sociale comparée voyaient dans l’Argentine néopéroniste un prototype singulier : celui des pays ayant subi .
Une question majeure, la " désalarisation " sous contrainte de la société argentine, nous offre une clé de lecture et d’intelligibilité de la crise sociale contemporaine, et son analyse approfondie pourrait contribuer à rendre compte de ses enjeux politiques. Il s’agit de la question des conséquences lourdes, et sur le plan social et sur le plan politique et institutionnel, de la désarticulation de la société salariale, dont la métamorphose des années 1990 concourt à confirmer certaines hypothèses formulées dans des travaux précédents [11] et certains constats :
– a) La flexibilité accrue du rapport salarial et la légalisation de formes précaires d’emploi permettraient d’expliquer en partie le fait que ce rapport soit devenu en pratique plus concurrentiel que par le passé (comme le montrent certaines analyses du comportement de la macro-économie argentine des années 1990 proches des schémas d’interprétation régulationnistes [12]).
– b) La remise en cause du droit du travail, dont les principaux risques et conséquences avaient été envisagés par différentes analyses critiques, à partir des exemples de réformes des lois de l’emploi (dit " stable ", alors que la règle tend à être la rotation, et la stabilité l’exception) et du système des retraites et pensions mises en oeuvre au cours de la décennie de 1990 [13].
de Science Po, 2001-2002, pp. 57-103.
– c) Le démantèlement du système de protection sociale préexistant, notamment à travers une série de réformes institutionnelles et juridiques qui redéfinissent les critères, les règles, les droits, moyennant un processus politique qui va de pair avec le retrait de l’Etat de l’économie et la démission de l’Etat social. A ce propos, il faut également signaler que l’actuel " collapsus " du système de sécurité sociale en Argentine reconnaît en fait plusieurs causes, parmi lesquelles : l’augmentation du chômage et celle du travail clandestin (" au noir " ou non registré), qui ont fait passer le pourcentage de la population affiliée au système des oeuvres sociales de 70% à 40% ; la perte des moyens de financement, estimée à 15.000 millions de dollars - seulement entre 1994 et 1999 -, en raison de la réduction des contributions patronales, la morosité des entreprises et l’évasion [14].
Ces transformations sont directement en rapport avec avec le contenu des principales réformes structurelles market-oriented " recommandées " par les organismes multilatéraux, notamment le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale. Des réformes en fait mises en oeuvre en fonction de la " conditionnalité " à laquelle a été assujetti dans les années 1990 l’octroi des prêts d’ajustement structurel [15].
Concernant directement ou indirectement le rapport salarial (à travers leur incidence sur le fonctionnement du marché du travail, le statut de l’emploi, le salaire indirect), les réformes structurelles adoptées en Argentine sous le poids de la contrainte externe resserrée et endogénéisée, ont eu des fortes implications sociales et institutionnelles. Et ceci non seulement en termes de formes de régulation économique que le choix politique en faveur de la flexibilité et la libéralisation est venu remettre en cause, mais aussi en termes de désengagement de l’Etat et gestion des politiques publiques et de désaffiliation sociale. Il s’agit de deux phénomènes qui sont à l’origine de la crise sociale contemporaine, dont les principales dimensions peuvent être caractérisées à la lumière des transformations sociales majeures qui mettent en avant les constats suivants :
- d) La déstructuration des rapports sociaux en cascade qui, en rapport avec ce basculement - ce passage de la société salariale à la société néolibérale -, entraînent une série de facteurs à considérer de façon liée, dans une perspective relationnelle :
L’augmentation du chômage, avec un taux officiel de 18,3% de la population active en octobre 2001, d’après la " Encuesta Permanente de Hogares " (EPH), le recensement périodique des données les plus importantes concernant le fonctionnement du marché du travail. (Ce pourcentage a augmenté de 3,6 points par rapport à octobre 2000, lorsque le taux de chômage était de 14,7%, et de 4,5 points par rapport à octobre 1999). Mais aussi l’augmentation du sous-emploi, avec un taux record de 16,3% de la population active, également pour octobre 2001 (en octobre 2000 le taux était de 14,6%) ; ce taux est l’un des indicateurs les plus significatifs du comportement du marché du travail pendant ces dernières années, en ceci qu’il montre une détérioration (à travers la précarisation) de la qualité de l’emploi créé dans les années 1990 [16].
Selon ces données, en les extrapolant à partir des résultats du dernier Recensement National de la Population, à la fin de l’année 2001 il y avait en Argentine 2.782.224 chômeurs, soit 699.000 personnes de plus que deux années auparavant ; quant à la population en situation de sous-emploi, elle s’élevait à 2.478.156 individus. Globalement, d’après ces calculs, on peut estimer que le nombre de personnes ayant des difficultés d’emploi fin 2001 était de 5.260.380, c’est-à-dire plus d’un million de personnes de plus qu’en octobre 1999, lorsque les données agrégées indiquaient 4.240.906 individus dans cette situation. Enfin, les dernières estimations disponibles signalent que les taux officiels de chômage et de sous-emploi correspondant au mois d’octobre 2001 sont à considérer comme un seuil minimum, étant donné que la situation générale s’est dégradée de façon tangible depuis : en décembre 2001 le taux de chômage ouvert atteignait déjà plus de 20% [17] ; début 2002 ce taux était estimé à 22% de la population active.
- La précarité, particulièrement importante chez les catégories de travailleurs employés sans couverture sociale et à faible rémunération, par exemple les bénéficiaires des programmes d’emploi transitoire (" planes transitorios de empleo ", tels que les Plans " Trabajar"), ou ceux qui survivent grâce à toutes sortes de " petits boulots " comme " indépendants ". Selon l’INDEC (l’Institut des statistiques et des recensements argentin), actuellement 36,5% des Argentins ne bénéficient pas de couverture médicale, et 67,2% de la population active se trouveraient exclus du régime de retraite [18].
- La perte et/ou l’insuffisance de revenus qui - directement en relation avec ce fonctionnement du marché de l’emploi - touche des proportions toujours plus fortes de foyers et de personnes, conduisant au fait que - notamment depuis les deux dernières années - l’augmentation de la pauvreté se soit accentuée et qu’elle devienne aujourd’hui une problématique politiquement incontournable - sur fond de concentration des revenus. (Selon l’INDEC, en 2001, les 10% de la population aux revenus les plus élevés ont perçu 37,3% du total des revenus de la population, alors que les 10% de la population aux revenus les moins importants en percevaient 1,3%, soit un ratio de 28,7% ; en 1991 ce ratio était de 16,7%).
Pour donner simplement une idée approximative de l’ampleur du phénomène : entre mai 2000 et mai 2001, dans le Grand Buenos Aires (la principale agglomération urbaine du pays), le pourcentage de personnes en dessous du seuil de pauvreté est passé de 29,7% à 32,7% de la population ; cela impliquait qu’en mai 2001 il y avait - à l’échelle de l’agglomération - 878.000 foyers (3.959.000 personnes) en dessous du seuil de pauvreté. Pour la même période, la proportion de foyers en dessous du seuil d’indigence est passé de 5,3% à 7,4% (en termes de population de 7,5% à 10,3%) ; en chiffres absolus, cela signifiait qu’il y avait donc 264.000 foyers en situation d’indigence (extrême pauvreté), soit 1.247.000 personnes qui n’arrivaient pas à satisfaire leurs besoins élémentaires de subsistance [19]. Selon une étude effectué dans les trois principales agglomérations urbaines du pays par une agence qui se charge de mesurer régulièrement l’évolution de la pauvreté en Argentine, " 3,7 millions de personnes - dont 80% sont issues de la classe moyenne urbaine - sont passées sous le seuil de pauvreté entre les mois de février 2001 et de février 2002 " [20].
De façon plus globale, à la suite de la détérioration progressive du marché du travail et de la précarisation des conditions de vie, en décembre 2001, près de la moitié de la population argentine vivait en dessous du seuil de pauvreté, et pendant ces premiers mois de l’année 2002 ce pourcentage n’a cessé d’augmenter. D’après les résultats des dernières estimations de l’INDEC diffusées début mai, le constat était accablant : " en cinq mois, au moins 1,5 d’Argentins sont tombéssousleseuildepauvreté,soit 10.300 par jour. Officiellement on dénombre désormais plus de 15 millions de pauvres en Argentine,près de 43% de la population. Quant aux "indigents",quin’ont plus les moyens de s’offrir le panier dit " super basique " (lait, pain, pommes de terre, huile et fruits), ils représentent désormais 15,7% de la population (5,7 millions) " [21]. Il faut dire - comme l’a reconnu le directeur de l’Indec - que ce calcul officiel a été fait " sans tenir compte de la montée du chômage de ces derniers mois, ils (les pauvres et les indigents) sont donc probablement beaucoup plus nombreux " [22].
– e) La profonde recomposition des identités sociales qu’entraîne cette décomposition et que l’on peut donc analyser comme une dérive régressive de la métamorphose de la société salariale. Recomposition qui n’est pas sans lien avec les logiques qui semblent avoir orienté l’action collective de beaucoup des ceux qui pendant les années 1990 sont devenus " pauvres urbains ", voire inspirer et traverser les nouvelles formes de conflit et de protestation sociale.
A ce propos, d’un point de vue sociologique privilégiant une approche qualitative, il faut souligner l’intérêt de l’analyse de Denis Merklen concernant la " logique du chasseur " à laquelle seraient contraints les groupes sociaux des catégories populaires qu’il a observés dans le cadre des " asentamientos " émergeant dans la banlieue de Buenos Aires, notamment à partir des années 1980 [23].
Cette logique d’action permettrait de caractériser la pratique des gens habitués à marchander avec les institutions politiques et leurs représentants locaux dans un monde où l’instabilité du quotidien devient un mode de vie... Là où les institutions n’arrivent pas à établir des régularités sociales, et où l’enjeu journalier est la survie [24], la " chasse " aux opportunités d’obtenir les moyens nécessaires, dans les interstices, deviendrait un certain " sens pratique " : l’action possible des groupes " défavorisées " dans leur rapport au politique passe souvent par une sorte de marchandage de faveurs et bénéfices de la ménagère le plus modeste a crû d’environ 15,5% ". [25]
Le travail de D. Merklen souligne comment ce mouvement d’occupations illégales de terres (précisément celui des " asentamientos " qui ont incarné une nouvelle forme d’habitat populaire face au retrait de l’Etat...), développé depuis une vingtaine d’années dans la banlieue des grandes villes en Argentine, nous enseigne les limites et les possibilités d’action des catégories les plus pauvres en milieu urbain. Son analyse, à la lumière de cette expérience, porte un regard moins optimiste que l’image d’une " multitude génératrice ", et remet en question les termes de beaucoup d’analyses des années 1980 qui avaient cherché à y déceler l’émergence de nouveaux mouvements sociaux.
De façon complémentaire, pour ce qui est des nouvelles formes de protestation sociale émergeant dans les années 1990, la genèse et l’évolution du mouvement " piquetero " caractérisées par Jean De Peña [26] sont significatives des enjeux auxquels se trouvent confrontés ces nouvelles catégories de la population paupérisées et " désaffiliées ". Les coupures de routes pratiquées par des " piqueteros " - qui se sont constitués en mouvement national à partir de juillet 2001 - ont débuté en fait en 1997, notamment dans quelques localités de province au sud et au nord et de l’Argentine (à Cutral-Co, Province de Neuquén, puis à Tartagal, Province de Salta). Il s’agit de localités urbaines particulièrement touchées par le rétrécissement du marché de l’emploi du fait des restructurations liées aux privatisations d’entreprises publiques ayant entraîné des licenciements massifs de personnel et la perte sans reconversion de postes de travail. La situation a d’ailleurs été à l’origine de la mise en place d’aides d’urgence sociale et de programmes d’emploi transitoire - les Plans dits " Trabajar ".
"Piquetero", Document de travail préparé pour Médecins du monde en Argentine, novembre 2001, 10 p.
Les " piqueteros " y ont revendiqué l’accès dès le départ, même si les faibles montants de revenus qu’ils représentent ne permettent pas de satisfaire les nécessités de base. La mise en place de ces Plans en Argentine a bénéficié - notamment depuis 1997 - du financement de la Banque Mondiale. Les politiques de " compensation sociale " des coûts sociaux de l’ajustement structurel - dont le principe est le ciblage et le mode de gestion l’assistance focalisée à l’échelle provinciale et locale - ont proprement incarné dans le courant des années 1990 le " visage humain " de l’intervention des banques multilatérales de développement... Un " visage " dont les traits restent marqués par la remise en cause du droit du travail et de la stabilité de l’emploi, ainsi que des droits sociaux en matière de protection sociale.
C’est en partie ce que montrent les réformes structurelles régressives concernant directement ou indirectement le rapport salarial, adoptées en Argentine au cours des dernières années sous le poids de la contrainte externe resserrée et endogénéisée, aux fortes implications et conséquences en termes de formes institutionnelles de régulation économique et désaffiliation sociale. Car ce sont les instruments de régulation de la force de travail et les modalités d’intervention sociale de l’Etat associées au salaire indirect, notamment leur évolution conjointe et leur complémentarité, qui ont fait aussi l’objet des transformations majeures impliquant la déstructuration de la société salariale ayant marqué les années 1990, et assurément l’avenir de l’Argentine en tant que société bien au-delà du tournant du XXe siècle.
3.1. Quelques points de repère historico-conceptuels : du marché " autorégulé " à " l’invention du social "
" Le marché "autorégulé", forme pure du déploiement de la logique économique laissée à elle-même, est à strictement parler inapplicable, parce qu’il ne comporte aucun des éléments nécessaires pour fonder un ordre social. Mais il pourrait détruire l’ordre social qui lui préexiste. Si la domination de l’économie à partir du XIXe siècle n’a pas complètement détruit la société, c’est qu’elle a été limitée par deux ordres de régulation non marchands ".
Dans son ouvrage Les Métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, paru en 1995, Robert Castel synthétise dans ces termes la leçon que Karl Polanyi a tirée de l’observation du déroulement de la révolution industrielle. Les ordres de régulation non marchands auxquels l’auteur fait explicitement référence sont les suivants :
– a) d’une part, les liens familiaux larges et solides et des réseaux efficaces de protection rapprochée, qui dans un premier temps ont amorti les potentialités socialement déstabilisatrices de l’avènement du marché (celles-ci ont donc seulement été subies de plein fouet par les populations déjà à la dérive, désaffiliées : ces immigrés de l’intérieur déracinés paupérisés qui ont constitué la main d’oeuvre des premières concentrations industrielles) ;
– b) d’autre part, la constitution de nouvelles régulations sociales : formes de protection sociale, propriété sociale, droits sociaux. C’est-à-dire " l’invention du social " qui - dans les termes de R. Castel - " a domestiqué le marché et humanisé le capitalisme ".
Toutes proportions gardées, cette expérience a aussi été celle d’un pays comme l’Argentine, avec le développement du salariat depuis les premières décennies du XXe siècle et la mise en place de politiques protectrices de la force de travail, notamment à partir du milieu des années 1940, et avec l’avènement du populisme et le développement d’un système de protection sociale via un modèle assurantiel-assistantiel coexistant avec un modèle de Welfare d’inspiration universaliste, notamment en matière d’accès aux services d’éducation et de santé publique.
3.2. Au-delà de la régulation...? Réformes de marché, processus politiques et nouvelles coordonnées de la question sociale en Argentine.
La construction d’une perspective d’analyse des systèmes de protection sociale et de la mutation des modalités et des dispositifs d’intervention sociale de l’Etat du point de vue des formes institutionnelles à travers lesquelles opère un mode de régulation économique présuppose un complexe travail d’articulation. Cette difficulté est à la fois théorique et empirique : elle implique l’élaboration de systèmes d’explication qui permettent d’articuler la reconnaissance de la dynamique propre des différentes relations sociales, économiques et politiques, et celle de leurs interactions structurelles. Une partie de la complexité de cette tâche réside dans la difficulté d’assigner au conflit et aux transformations du rapport salarial une place centrale dans l’explication du lien entre les différentes politiques sectorielles et le développement général des sociétés capitalistes.
Cette difficulté est aujourd’hui plus vaste si l’on essaie de rendre compte en même temps de la reconfiguration du rapport salarial donnant lieu à une remise en cause du statut du travail salarié et protégé qui représente une profonde métamorphose de la question sociale, et des modalités spécifiques qu’adopte l’intervention de l’Etat, et notamment son retrait, que dans le cas de l’Argentine a été massif pendant la décennie néolibérale.
Cette double transformation, impliquant une métamorphose majeure de la société salariale, est fondamentalement et structurellement à l’oeuvre dans la crise sociale contemporaine de la société argentine et sa genèse. C’est par rapport à cette problématique, dont l’importance cruciale a été et continue d’être mise en évidence par l’éclatement de la crise à dimensions multiples (économico financière, sociale, politique, institutionnelle) depuis décembre dernier, que - nous semble-t-il - peuvent et doivent être analysés le caractère socialement régressif et les implications institutionnelles, mais aussi la modalité de gestion politique des réformes structurelles market-oriented mises en oeuvre en Argentine tout au long des années 1990 : privatisations, réformes des lois du travail, réformes du système de retraites et de pensions.
Entreprises d’abord par l’administration Menem, poursuivies ensuite par le gouvernement de De la Rúa, alors qu’il était encore en vigueur le Plan de Convertibilité (avec ce régime de change fixe ancré dans la parité forcée peso-dollar), ces réformes ont été mises en oeuvre sous le poids renouvelé de la contrainte financière externe liée au fardeau de la dette qui a été endogénéisée et est devenue structurelle. De ce point de vue, elles traduisent le noyau dur de la conditionnalité à laquelle se trouve assujettie l’assistance financière et le rôle d’intermédiation qu’exerce un organisme multilatéral comme le FMI entre un pays endetté comme l’Argentine - dont l’insertion économique est de plus en plus subordonnée et dépendante vis-à-vis de l’extérieur - et un contexte international hostile, marqué par la mondialisation qui implique la montée en puissance du capital transnational où le secteur de la finance joue un rôle hégémonique.
La place centrale que depuis plus d’une dizaine d’années ces réformes structurelles occupent dans l’agenda des politiques publiques montre d’une part le degré de dépendance et les sévères restrictions qui limitent la souveraineté politique et économique de l’Argentine. D’autre part, les implications institutionnelles que leur caractère incontournable et leur contenu véhiculent semblent autoriser l’hypothèse selon laquelle ces réformes s’inscrivent dans un mouvement de renversement - qui en quelque sorte elles cristallisent - de la hiérarchie des formes institutionnelles que l’approche régulationniste avait identifié en tant que dispositifs d’un certain mode de régulation de l’économie. Plus précisément, il s’agit d’un renversement par lequel le retrait de l’Etat (et notamment le repli de l’Etat-nation) et la flexibilité du rapport salarial semblent aller de pair avec la montée en puissance du régime monétaire et du régime international dont les formes de la concurrence impliquent de nouvelles divisions et de nouvelles violences. Celles qui ont éclatées au sein de la société argentine au cours de ces derniers mois sont à nos yeux indissociables de ce type de processus, et surtout de ses conséquences en termes de désintégration sociale et de remise en cause radicale du système politique ; une radicalité qui serait peut-être plus chargée d’un renouveau, voire génératrice d’espoir sur le plan politique, si elle ne portait pas l’empreinte d’une détérioration et d’une régression sociales sans précédent, comme nous avons tenté de le montrer.
Quant aux modalités de gestion politique des réformes structurelles évoquées précédemment, elles ont souvent été mises en oeuvre en ayant recours à des décrets de " nécessité et urgence ", ou en donnant la priorité à l’objectif " non négociable " du projet gouvernemental et à leur timing intrinsèque en termes d’approbation politique, en dépit de leur qualité technique et de leur traitement par les voies institutionnelles du système démocratique. On peut considérer deux exemples spécifiques significatifs à cet égard :
3.2.1. Le programme de privatisations
La célérité avec laquelle le programme de privatisations des entreprises publiques a été mis en oeuvre témoigne en même temps de ce que l’on peut considérer en quelque sorte comme " l’étape facile " du retrait de l’Etat, et du considérable capital politique dont Menem bénéficiait au début de son premier mandat présidentiel (1989-1995). Mandat pendant lequel - simultanément à des mesures destinées à contrôler la crise hyper inflationniste - son gouvernement a lancé deux initiatives majeures visant à introduire un changement structurel : la loi d’Urgence économique et la loi de Réforme de l’Etat.
L’approbation parlementaire de ces deux lois a été rendue possible grâce à un accord préalable entre les leaders des partis " justicialiste " (péroniste) et radical, engageant une coopération politique dans le contexte d’urgence institutionnelle en raison du transfert anticipé du pouvoir. Car le mandat présidentiel de Raúl Alfonsin (UCR) a été écourté en fait de cinq mois à cause de la gravité de la crise sociale qui avait éclaté dans les premiers mois de 1989, suite aux épisodes hyper inflationnistes ayant alors " déclenché " des saccages des supermarchés et des émeutes de la faim dans les banlieues défavorisées des principales agglomérations urbaines... Outre la validation générale d’un certain nombre d’initiatives ponctuelles, leur approbation a impliqué dans les faits un haut degré de délégation des facultés institutionnelles de la part du pouvoir législatif en faveur de l’exécutif, qui s’est trouvé ainsi investi de capacités de manoeuvre exceptionnelles pour la mise en place de son nouveau programme économique.
Une autre loi passée au Parlement à l’initiative de l’exécutif a alors élargi encore l’étendue du pouvoir présidentiel en autorisant l’augmentation du nombre de membres titulaires de la Cour Suprême, dont la nomination, qui revenait évidemment au président Menem, a été la voie pour s’agencer des ressources institutionnelles inhibant toute éventuelle faculté de veto vis-à-vis des réformes - par l’intermédiaire du recours au tribunal de justice - de la part des intérêts potentiellement concernés ou réellement affectés par ces dernières.
Ces circonstances de réforme institutionnelle - certainement non négligeables du point de vue de l’articulation entre le politique et l’économique, et des conditions spécifiques de rupture du consensus social et de recomposition des alliances politiques - ont permis au gouvernement Menem d’accomplir dès son premier mandat un vaste programme de " désétatisation " de l’économie. C’est-à-dire, une politique de désengagement de l’Etat vis-à-vis des fonctions économiques que celui-ci avait su assumer par le passé, notamment dans la production et l’approvisionnement des services publics, mais aussi en tant qu’investisseur dans différents secteurs de l’activité productive qui, dans le cadre du mode de développement autocentré - hégémonique en gros dans la période 1945-1975 -, étaient considérés comme stratégiques, et où l’intervention publique était perçue comme pertinente et appropriée au rôle de l’Etat inséré dans l’économie.
Cette réforme, le retrait de l’Etat - et plus largement la remise en cause du modèle de développement qui avait été la référence précédemment - faisait essentiellement partie des objectifs que le gouvernement Menem avait fait siens en raison de l’alliance nouée, une fois arrivé au pouvoir, avec les représentants du pouvoir économique, des dirigeants de grands groupes d’entreprises et des secteurs politiques de la droite libérale traditionnelle. Menem tourna ainsi le dos aux objectifs affichés de son programme populiste de campagne électorale, pendant laquelle - s’adressant en priorité à l’électorat traditionnel du péronisme - il avait promis le " salariazo " (le " coup du salaire "...) ; c’est-à-dire l’augmentation des salaires, dans le cadre d’une politique gouvernementale censée être favorable à une relance, voire une promotion du salariat... Les licenciements par privatisations des entreprises publiques ont, par contre, donné lieu à plus de 100.000 procès, achevés à la fin de la décennie 1990 [27].
La célérité de la mise en oeuvre de ce programme répondait à la nécessité d’émettre un signal politico-institutionnel dans le sens de l’ajustement et la libéralisation de l’économie qui allait se traduire par un approfondissement du processus de concentration et centralisation du capital, et la reconfiguration de la structure du pouvoir économique national. On peut faire l’hypothèse que la fragilité du système normatif des privatisations et ses insuffisances régulatrices s’expliquent essentiellement par cette rapidité, fonctionnelle aux intérêts et aux privilèges des conglomérats d’entreprises de capital national et étranger qui ont été leurs bénéficiaires incontestés.
En outre, on ne saurait négliger que la célérité de la mise en oeuvre de ce vaste programme a été rendue praticable dans le cadre d’accords et de compromissions qui - confortant directement ou indirectement un certain parti pris politique - ont d’ailleurs accentué la précarité institutionnelle de la gestion politique des politiques publiques et affaibli la procédure démocratique, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des réformes structurelles. Ceci, en favorisant la concentration de la capacité de décision dans le pouvoir exécutif, en instituant une nouvelle tradition de gouvernement - cf. les nombreux exemples d’introduction de réformes d’envergure - par décrets présidentiels dits " de nécessité et urgence ". Bref, en portant atteinte à la division républicaine des pouvoirs et au principe d’autonomie de chacun qui est censé, sinon garantir une complète transparence, du moins rassurer sur un certain contrôle et un équilibrage mutuel.
3.2.2 Les diverses versions de la réforme des lois du travail
Il est difficile de faire abstraction des singuliers avatars qu’a impliqués la négociation politique de cette réforme. Dans sa dernière édition - sous le gouvernement de l’Alliance pour le Travail, la Justice et l’Education présidé par Fernando de la Rúa -, des pratiques irrégulières et des affaires de corruption en vue de son approbation par le Sénat (avril-mai 2000) ont conduit à la démission (en octobre 2000) du Vice-président Carlos Alvarez, qui avait cherché à dénoncer et faire sanctionner les législateurs et les fonctionnaires responsables, certains d’entre eux faisant partie du cabinet ministériel.
Il fallait mentionner cette dimension non négligeable de la modalité de gestion politique de la " lettre " de la réforme. Concernant son " esprit ", on peut postuler que le régime de l’emploi que cette nouvelle loi (appelée officiellement " de l’Emploi stable ") visait à introduire allait en quelque sorte " par-derrière" toute une sériede pratiques - qu’elle viendrait ainsi conforter - associées à la flexibilité et à la précarisation du contrat de travail, déjà en vigueur au niveau du comportement du marché du travail et intégrées à la dynamique de l’emploi, devenu en fait déstabilisé et instable. En fait les modalités d’embauche déjà mises en pratique par les mécanismes de la normalisation contractuelle étaient ainsi relayées par la normalisation étatique, la loi les instituant et les légalisant : contrats de travail, durée et formes d’embauche, mais aussi système de relations de travail.
Avec deux risques majeurs, envisagés fin 2000 par les analyses de certaines associations et quelques spécialistes [28], que l’évolution des faits ne semble que confirmer :
– D’une part, le risque de la remise en cause d’un régime général d’emploi, avec l’institutionnalisation de formes " atypiques " consacrant l’éclatement du statut de l’emploi salarié en faveur de régimes socialement moins protecteurs, ou bien menant à l’insécurité générale, en fonction des tendances déjà à l’oeuvre sur un marché de travail faisant de la précarisation un moyen de réduction du coût du travail - sous prétexte d’augmentation de la compétitivité.
– D’autre part, le risque de favoriser une tendance à l’individualisation des relations du travail que les lois favorables à la décentralisation de la négociation collective introduiraient en dernière instance, l’une des conséquences possibles de cette transformation étant qu’au niveau le plus décentralisé de négociation (celui de l’entreprise) finissent par se dénaturer et être progressivement abandonnées les discussions et négociations en matière des droits collectifs et sociaux : que ce soit au profit des aspects liés à la gestion du travail, ou en faisant prévaloir sous certaines circonstances - d’hétérogénéisation croissante du collectif du travail et de crise du syndicalisme - les intérêts des firmes, voire l’imposition de visions et de préoccupations " managériales " concernant l’organisation de la production et l’identité même des travailleurs. Sur ce terrain les firmes auraient elles-mêmes proprement joué un rôle actif à travers la production discursive, comme le mettent en avant quelques analyses fondées sur des études de cas - certaines menées notamment dans la deuxième partie des années 1990 auprès de quelques entreprises du secteur de la sidérurgie - en termes d’identités salariales et luttes symboliques dans l’Argentine contemporaine.
La direction de la recomposition sociale et politique à l’oeuvre au sein de la société argentine à partir de la crise ouverte depuis décembre 2001 est nettement plus difficile à cerner que celle des transformations objectives qui ont accompagné le comportement de la macroéconomie pendant les années 1990. Le sens - assurément non univoque - de cette recomposition s’avère particulièrement difficile à anticiper dans un contexte de banqueroute générale et d’éclatement des formes de protestation sociale (" piquetes " ou coupures de routes, " cacerolazos ") et d’émergence des modalités et pratiques d’organisation sociale (assemblées de quartier, structures informelles d’entraide, réseaux solidaires et circuits de troc) dont la traduction politique est encore très incertaine. D’autant que cette " banqueroute " ne semble pas être purement économico-financière... mais aussi l’expression d’un grave default institutionnel associé au profonde discrédit des instances de médiation et de représentation politique et sociale qui s’exprime dans des slogans tels que le très répandu : " qu’ils s’en aillent tous " (" que se vayan todos "...), par lequel la classe moyenne rejette la classe politique.
Ce discrédit pèse aujourd’hui lourdement sur la formation des attentes socio-politiques des agents, notamment dans le climat d’incertitude qui prédomine dans la vie quotidienne de la population, dans lequel " la crainte d’une amplification du processus de contraction des salaires réels et d’un retour à l’hyperinflation de la fin des années 1980 " [29] n’est pas absente, bien au contraire, elle s’ajoute aux inquiétudes liées à l’extrême instabilité politique et sociale. Par rapport à cette préoccupation, la reconstitution de la genèse de ce default, où ont probablement joué un rôle majeur les référentiels de pensée néolibéraux dominants et largement répandus pendant les années 1990 devrait permettre d’expliquer certains aspects cruciaux sur ce point. La financiarisation des modes de vie et les valeurs associées à la privatisation et au retrait de l’Etat ayant gagné des positions inédites dans les représentations du monde social d’une partie considérable des couches moyennes sous " l’ère Menem " ont sans aucun doute fait partie des mutations qui ont accompagné la métamorphose de la société salariale, et en partie rendu possible la modalité qui a adopté dans le pays la remise en cause, sinon la déstructuration, de certains de ses piliers institutionnels.
C’est en ce sens que demeurent pertinents, nous semble-t-il, un certain nombre de questionnements concernant les fondements sociologiques des dynamiques de l’action collective, les logiques différenciées qui l’orientent et le rôle des attentes des agents sur le plan politique et social. Une analyse qui, prolongeant celle que nous avançons ici, tiendrait compte de cette perspective permettrait probablement d’apporter des réponses à quelques interrogations fondamentales aujourd’hui, tout particulièrement celles-ci :
– Pourquoi le seuil de tolérance de la citoyenneté a-t-il été si longtemps soutenu vis-à-vis d’un régime économico-politique régressif et violent, fondé sur l’absence de partage (celle des gains de productivité ayant permis le profit des grands conglomérats d’entreprises, parmi lesquelles les entreprises privatisées) et sur une augmentation des inégalités conduisant à la fragmentation sociale ?
– Pourquoi les mobilisations des différentes catégories sociales - essentiellement les classes moyennes urbaines et les couches populaires, parmi lesquelles les groupes d’anciens et de nouveaux pauvres -, apparemment convergentes dans leur rejet de ce régime qu’a exprimé la protestation sociale de décembre 2001, ne sont-elles intervenues que si tardivement ? - Sur la base de quelle recomposition des forces sociales en présence - tenant compte surtout de la grande hétérogénéité des groupes et des secteurs mobilisés et de la différenciation sociale et de la spécificité qui caractérise leurs revendications particulières -, pourrait être envisagée la formation d’un nouveau consensus, sur quelles bases aussi pourrait se cristalliser un nouveau compromis institutionnel ? Il est évident que la complexité des enjeux que soulèvent ces questions dépasse le propos de ce document de synthèse qui reste préliminaire à bien des égards. L’immédiateté des événements associés à l’éclatement de la crise en décembre 2001 rend en outre incertaine une analyse prospective d’ensemble pour le moment. Il reste qu’à l’aide des enseignements de l’histoire longue de l’Argentine [30], on devrait pouvoir enrichir ces questionnements et formuler des hypothèses plus précises sur le type de recomposition à l’oeuvre. D’autre part, sans prétendre à comparer ce qui n’est pas comparable stricto sensu - et sans tomber de ce fait dans des rapprochements trop rapides -, le sens des transformations économico-sociales qui tout au long des années 1990 ont été à l’oeuvre au sein de la société argentine, et surtout leurs conséquences (profondes et durables), ont sans doute un grand intérêt en vue d’une réflexion comparatiste pour ce qui est du rapport des groupes sociaux au politique.
Notamment en vue d’une lecture des " microfondements sociologiques " d’une décomposition des rapports sociaux qui s’exprime brutalement dans la remise en cause d’un ordre politique... parfois sous des formes de protestation sociale qui évoquent un éclatement, voire une exaspération parmi les " laissés pour compte " - non sans risques spécifiques de dérive autoritaire et d’émergence de leaderships néopopulistes.
Susana PEÑALVA 2 , Paris, juin 2002
* Susana PEÑALVA est Sociologue, chercheur titulaire au Conseil National des Recherches Scientifiques et Techniques (CONICET) ; chercheur membre du Centre d’Etudes Urbaines et Régionales (CEUR)-Centre d’Etudes Avancées (CEA)/Université de Buenos Aires (UBA) ; chercheur associée au CSU/CNRS-IRESCO, Paris.
Notes :
[1] Cette élaboration fait partie d’une thèse de doctorat de sociologie en préparation sur " Formes institutionnelles de régulation et désaffiliation en argentine. Une analyse régulationniste de la restructuration des modes d’intervention de l’Etat et de la recomposition du rapport salarial dans les années 1990 " ; travail en cours dans le cadre du centre Cultures et Sociétés Urbaines (CSU)-UMR 7112 CNRS-Université Paris 8 - IRESCO.
[2] Notre thématique de recherche s’articule au troisième volet (" les interventions publiques face à la décomposition du salariat ") de la réflexion autour de la question " Les individus face aux ’flexibilités’ du travail et des institutions ", dans le cadre de l’Atelier des étudiants-chercheurs 2001-2002 organisé en continuité avec le séminaire des chercheurs du Centre d’Etude des Mouvements Sociaux (CEMS)/EHESS sur " Le salariat en question ". De même, notre travail sur ce sujet trouve un espace de discussion dans l’Atelier " Argentine " organisé depuis mars 2002 avec l’appui de de l’Association Recherche et Régulation (ENS-CEPREMAP).
[3] Nous empruntons la notion de " désaffiliation " - appartenant au même champ sémantique que la dissociation, la disqualification ou l’invalidation sociale - proposée par Robert Castel dans Les Métamorphoses de la question.
[4] R. Castel, Les Métamorphoses de la question sociale, op. cit., p. 385.
[5] M. Quemia, " Théorie de la Régulation et développement : trajectoires latino-américaines ", in : L’Année de la régulation (Economie, Institutions, Pouvoirs), N° 5, 2001-2002, Association Recherche et régulation - Presses de Science Po, pp. 56-103.
[6] Cf. X. Emmanuelli et C. Frémontier, La Fracture sociale, Paris, PUF, Coll. " Que sais-je ? ", Paris, 2002.
[7] P. Bourdieu, " La démission de l’Etat ", in : P. Bourdieu (sous la direction de), La Misère du monde, Paris, Ed. du Seuil, 1993, p. 219-228.
[8] Cf. R. Castel et C. Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l’individu moderne ", Paris, Fayard, 2001, p. 114.
[9] E. L. Miotti, " Argentine : de la crise de la régulation à la régulation de la crise ", in : F. Nicolas, L. Krieger Mytelka (sous la direction de), L’Innovation, clef du développement. Trajectoires de pays émergents, Paris-Milan-Barcelone, Masson, Coll. " Travaux et recherches de l’IFRI ", 1995, chapitre 4, pp. 193-246.
[10] R. Castel et C. Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de " l’effet des dérégulations sauvages au prix d’immenses souffrances, mais apparemment sans craquer " [[12
[11] Cf. Susana Peñalva, " Retirada del Estado, flexibilidad neoliberal y desintegración social a la luz de un enfoque institucionalista. Efectos y consecuencias sociales del proceso privatizador a partir del caso de SOMISA ", in : M. Baima de Borri, S. Cesilini, A. Rofman (Comp.), Privatizaciones e impacto en los sectores populares, Buenos Aires, Banco Mundial - Grupo de trabajo de ONGs sobre el Banco Mundial - Instituto de Investigaciones del Nuevo Estado - Editorial de Belgrano, 2000, pp. 121-153 ; S. Peñalva, " Regulación económica y (des)protección social en la sociedad salarial. Las reformas orientadas al mercado y sus implicaciones institucionales en la Argentina ", in Revista Ciclos en la historia, la economía y la sociedad, Año XI, Vol. XI, N° 21, Buenos Aires, Instituto de Investigaciones de Historia Económica y Social/Facultad de Ciencias Económicas de la Universidad de Buenos Aires, premier semestre 2001, pp. 181-223.
[12] Miguel Quemia, " Théorie de la Régulation et développement : trajectoires latino-américaines ", in : L’Année de la régulation (Economie, Institutions, Pouvoirs), N° 5, Paris, Association Recherche et Régulation - Presses
[13] Cf. Pedro Kesselman, " Legislación laboral, empleo y pobreza ", in : S. Peñalva, A. Rofman (Coord.), Desempleo estructural, pobreza y precariedad. Coordenadas y estrategias de política social en la Argentina y América Latina, Buenos Aires, CEUR-Ediciones Nueva Visión , col. " La investigación social ", 1996, 21-30. Les principaux éléments de cette vaste redéfinition juridique ont été précisés par Sophie Thonon lors de la table ronde sur " La crise sociale contemporaine ", Groupe de travail N° 4, dans le cadre de la Journée d’etude " Argentine ", Ecole Normale Supérieure (ENS)-CEPREMAP-Association " Recherche & Régulation ", Paris, 9/03/2002.
[14] " El colapso del sistema de salud " (Editorial), Clarin, Buenos Aires, 17/06/2002. Dans l’analyse du problème faite par ce quotidien, parmi les causes responsables du " collapsus " du système national de sécurité sociale il faudrait considérer aussi l’augmentation des coûts des soins médicaux pour une population avec une plus longue espérance de vie et ayant des pathologies qui peuvent être traitées actuellement, ainsi que la mauvaise gestion du Fonds Solidaire de Rédistribution.
[15] Cf. Susana Peñalva, " Regulación económica y (des)protección social en la sociedad salarial. Las reformas orientadas al mercado y sus implicaciones institucionales en la Argentina ", in Revista Ciclos en la historia, la economía y la sociedad, Año XI, Vol. XI, N° 21, Buenos Aires, Instituto de Investigaciones de Historia Económica y Social/Facultad de Ciencias Económicas de la Universidad de Buenos Aires, premier semestre 2001, pp. 181-223.
[16] Cf. " La situación ocupacional a fines de la Convertibilidad ", rapport sur la situation de l’emploi préparé par des chercheurs du CEIL-PIETTE/CONICET (Buenos Aires, 10 janvier 2002, 7 p.), sur la base des données relevées par le deuxième recensement annuel (octobre 2001) de l’EPH (Enquête Permanente aux Foyers, effectuée depuis 1974 aux mois de mai et d’octobre de chaque année par l’INDEC ; pratiquée à l’échelle des 28 agglomérations urbaines de l’Argentine, on estime qu’elle représente environ 87% de la population totale du pays).
[17] S.E.T, Consultores en Sociología-Economía-Trabajo, " Informe de coyuntura laboral ", Buenos Aires, décembre 2001, 58 p.
[18] Cf. Jean de Pena, " La dimension sociale de la crise argentine : éléments de réflexion ", Buenos Aires, ronéotypé, 3 p.
[19] Ibidem.
[20] Etude de la Consultora Equis, citée par Jean de Pena, " La dimension sociale de la crise argentine : éléments de réflexion ", Buenos Aires, ronéotypé, 3 p.
[21] Lamia Oualalou, " La pauvreté se propage en Argentine ", Le Figaro Economie, 3/05/2002, p. III.
[22] En fait, " pour faire cette estimation, l’institut statistique s’est contenté de répercuter les hausses de prix, très sensibles depuis le début de l’année, sur les revenus des ménages argentins. Depuis le 11 janvier, date à laquelle le gouvernement a mis fin à la parité entre le dollar et le peso, la monnaie argentine a perdue près de deux tiers de sa valeur, provocant une inflation évaluée à 10% au premier trimestre. "Mais les aliments de base sont ceux qui ont le plus souffert de cette hausse de prix", souligne Juan Carlos del Bello, qui estime que le coût du panier.
[23] Denis Merklen, " Inscription territoriale et action collective. Les occupations illégales de terres urbaines depuis les années 1980 en Argentine ", Thèse de doctorat de sociologie, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Paris, décembre 2001.
[24] D. Merklen, " Vivir en los márgenes : la lógica del cazador. Notas sobre sociabilidad y cultura en los asentamientos del Gran Buenos Aires hacia fines de los 90 ", in : M. Svampa (editora), Desde abajo. La transformación de las identidades sociales, Buenos Aires, Universidad Nacional de General Sarmiento - Editorial Biblos, 2000, pp. 81-119.
[25] Ibidem.
[26] Jean De Peña, Morgane Iserte et Juan Montes Cató, "Informe sobre contexto y situación del Movimiento"
[27] Cf. S. Peñalva, " Retirada del Estado, flexibilidad neoliberal y desintegración social a la luz de un enfoque institucionalista. Efectos y consecuencias sociales del proceso provatizador a partir del caso de SOMISA ", in : M. Baima de Borri, S. Cesilini, A. Rofman (Comp.), Privatizaciones e impacto en los sectores populares, Buenos Aires, Banco Mundial - Grupo de trabajo de ONGs sobre el Banco Mundial - Instituto de Investigaciones del Nuevo Estado - Editorial de Belgrano, 2000, pp. 121-153.
[28] Ainsi, une conférence sur la réforme du régime d’emploi et sa répercussion sur la législation du travail individuelle et collective, organisée à Buenos Aires en novembre 2000 par l’Association Argentine de Spécialistes en Etudes du Travail (ASET).
[29] Jean de Pena, " La dimension sociale de la crise argentine : éléments de réflexion ", Buenos Aires, ronéotypé, 3 p.
[30] En ce qui concerne par exemple les premiers plans de stabilisation et d’ajustement avec l’accord du FMI (1958), suite à l’épuisement des effets de la deuxième phase d’industrialisation par substitution d’importations (ISI), ainsi que les suivants, visant à pallier, outre le déséquilibre de la balance des paiements, le processus de " dérapage " des prix et des salaires, et le rôle de la contrainte extérieure " insurmontable " sans la mise en oeuvre d’un frein aux tendances inflationnistes, cf. Célia Himelfarb, " Libéralisme et hyper-inflation en Argentine ", Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, décembre 1990, 32 p.