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José María Aznar, qui indique à l’Argentine comment elle doit se comporter avec les créanciers, détient avec ses partenaires de la zone euro un pouvoir excessif de décision au sein du FMI, fruit d’une manipulation du vote qualifié et des majorités spéciales qui régissent l’organisme. L’Union Européenne devrait renoncer à 40% de son influence.
On pourrait dire que le droit que se donne José María Aznar de gronder l’Argentine et de distribuer des conseils à son gouvernement, émane d’une espèce de fraude ou abus, dont les douze pays de la zone euro jouissent du butin. Il consiste à monopoliser au sein du Fonds Monétaire International un pouvoir de vote disproportionné et illégitime, qui leur permet de tirer les ficelles. À tel point qu’un petit groupe de ces pays jouissent d’un pouvoir de veto, tout comme les Etats-Unis. Parce que le FMI est régi par le vote à la majorité qualifiée, et il est très utile de savoir comment le vote a été distribué entre ses membres avec l’intention manifeste de marginaliser l’influence des nations périphériques et, à son époque , du bloc communiste.
À Bretton Woods, bourgade américaine où on a fondé le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale en 1944, on avait écarté déjà le principe d’un pays, un vote. Au lieu de cela on a adopté un critère mixte, bien qu’avec le temps le facteur égalitaire - c’est-à-dire, les 250 votes de base assignés à chacun des 44 pays fondateurs - ait perdu aujourd’hui toute son importance et, avec 184 membres, il équivaut à 2.1% du total. Les autres 97.9% étant distribués proportionnellement aux "quotes-parts", concentrées entre les mains des puissances capitalistes.
Comme explique l’expert mexicain Ariel Buira, on met de coté 53 questions - c’est-à-dire, virtuellement toute celles importantes, et plus encore - qui requièrent des majorités qualifiées de 70 ou de 85%. Quand on exige 70%, les 5 (les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France et l’Angleterre) peuvent bloquer le vote parce qu’ils détiennent 39.2% du vote total. Les 7, avec l’ajout de la Suisse, la Hollande et la Belgique, dépassent 60%. Cela veut dire que les pays dominants, non heureux d’avoir distribués le pouvoir de vote comme il leur convenait au mieux, ont ajouté comme assurance complémentaire l’exigence de majorités qualifiées, ce qui n’est d’aucune logique quand le vote lui-même est déjà qualifié.
Buira dit que la formule retenue pour établir les quotes-parts semble scientifique et objective, mais qu’il n’en est rien du tout. Raymond Mikesell, l’auteur de la formule, a raconté que le président des Etats-Unis et son secrétaire d’État l’ont chargé de concevoir une équation qui garantirait, en même temps, que les Etats Unis reçoivent un tiers du pouvoir total de vote, que l’Empire Britannique ait un sixième, que l’Union Soviétique moins que les Anglais, et que la Chine, moins que les russes.
Après s’être cassé la tête, Mikesell a trouvé la recette. Ses ingrédients : 2% du PIB, 5% des réserves d’or et dollars, 10% des importations moyennes, 10% de la variation maximale des exportations, en augmentant les trois derniers pourcentages du quotient entre la moyenne des exportations et la recette Nationale. La date de naissance et la plaque d’immatriculation de la voiture n’étaient pas nécessaires. Cette formule encore utilisée, avec des ajustements dans les pondérations, et en combinaison avec quatre autres formules constitués avec les mêmes variables mais avec différentes pondérations.
Une salade mixte dans laquelle il n’y a pas de relation entre les quotes-parts (ergo, pouvoir de vote) et la taille des économies respectives. Par exemple : La Hollande, la Suisse et la Belgique ont davantage de votes (elles totalisent 6.13%) que le Brésil et le Mexique ensemble (ils totalisent 2,61), bien que ceux-ci produisent un PIB beaucoup plus grand, surtout si utilise pour la comparaison le critère de pouvoir d’achat (PPA), ce qui correspond, au lieu du taux de change, qui est généralement très dénaturé et très volatil.
Mais les inéquités se produisent aussi entre les pays riches. Par exemple, tandis que les Etats-Unis détiennent 17.1%, l’Union Européenne frôlent 30%, bien que son PIB est moindre. Il semble que cette surreprésentation de l’UE provienne de la formule, dans laquelle compte le commerce extérieur. Ceci favorise les pays européens, qui échangent beaucoup entre eux, et pénalise des économies continentales comme les Etats Unis, mais aussi à la Chine, l’Inde ou le Brésil. Ainsi, dans le cercle exécutif du FMI se trouvent dix directeurs européens.
Ceci, qui pouvait avant être critiqué, est devenu depuis la création de l’euro scandaleux parce que le commerce entre des pays qui partagent une même monnaie avec une banque centrale commune ne peut pas être considérer comme de l’authentique commerce extérieur, puisque peuvent exister des problèmes de balance de paiements, alos que c’est pour s’occuper de cela qu’on a précisément créé le Fonds. Aujourd’hui, quand l’Espagne exporte à l’Allemagne ou importe depuis l’Italie c’est la même chose que quand la province de Santa Fe vend à la province de Catamarca ou achète des produits à la province Missiones.
Concrètement si on épurait cette distorsion, en excluant le commerce intra zone euro, les quotes-parts de l’Union Européenne tomberaient de 40%, ce qui conduirait à augmenter la représentation des pays en développement, comme l’Argentine notamment. De sorte qu’une partie de la sous-estimation du pouvoir du vote argentin dans le conseil d’administration du FMI est la faute de la surestimation du vote espagnol. Il serait souhaitable qui l’Espagne et ses frères de monnaie restituent à l’ensemble des pays un pouvoir de vote qu’ils usurpent.
Pour que la gestion arbitraire du pouvoir soit encore plus grande, les pays centraux imposent, par l’intermédiaire du FMI, des conditions chaque fois moins quantifiables pour les programmes d’assistance, comme le "degré d’avancement" vers un certain objectif politique ou la "bonne foi" dans une négociation. Contrairement aux objectifs fiscaux et monétaires, l’évaluation de ces d’autres objectifs est subjective. Une fois ceci combiné avec une concentration abusive du pouvoir de vote, les pays endettés sont livrés à la volonté des puissants.
Ceci a un rapport étroit avec la réticence des pays industrialisés à capitaliser suffisamment le FMI (en excluant les asiatiques, sauf le Japon, qui n’ont pas été invités au jeu). La contrepartie de ses faibles ressources est l’imposition de programmes d’ajustement plus durs, qui sont plus exigeants pour pays en crise mais beaucoup moins chers sur le plan financier pour le FMI, et l’inclusion de critères conditionnels non quantifiables, qui permettent de déclarer non atteint un programme selon le caprice d’une poigne de puissances et de fermer le robinet à tout moment.
Traduction pour El Correo : Estelle et Carlos Debiasi
Julio Nudler
Página 12. Buenos Aires, 27 février le 2004