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19 mai 2013

Les mouvements sociaux boliviens à la croisée des chemins

par Guillermo Almeyra *

 

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Les indigènes, les paysans, les artisans et les ouvriers de la Bolivie ont créé et ont imposé Evo dont l’appui politique a initialement consisté en un semi-parti ad hoc né des mouvements sociaux - l’Instrument Politique des Travailleurs - qui a adopté le sigle d’un petit mouvement de droite malgré son nom - le Mouvement au Socialisme (MAS), qu’il a transformé en un groupement d’organisations de masse très dissemblables (syndicats paysans et ouvriers, organisations de femmes, mouvements indigènes, groupes d’intellectuels de gauche et de centre-gauche). Une fois vaincue, la résistance putschiste de la droite classique et des pouvoirs régionaux autonomes que celle-ci possédait, surtout dans l’Orient bolivien, a approuvée la Constitution, monopolisant le gouvernement et les institutions, et malgré la grande avancée dans l’économie et dans les conquêtes sociales, le toujours présent et important conflit avec l’oligarchie et l’impérialisme est graduellement passé à un plan second relatif parce que le gouvernement et le MAS se sont chaque fois davantage affrontés avec leur base sociale.

Si parfois quelque ingénu a pu croire à un moment à l’ apogée du même et d’une union apparemment monolithique du MAS que le (gouvernement) bolivien était « le gouvernement des mouvements sociaux », maintenant la réalité a mis en miettes cette illusion. En effet, le gouvernement d’Evo Morales et d’Álvaro García Linera a modifié la nouvelle Constitution pour faciliter leur réélection mais, surtout, il l’a piétinée après avoir ignoré les autonomies indigènes, en même temps qu’il s’est affronté à la base de plusieurs secteurs populaires qui l’appuyaient. Par exemple, l’augmentation du prix du combustible à 80 % a provoqué une explosion populaire et Evo Morales a du annuler cette mesure, prise tandis qu’il se trouvait hors du pays, avec la perte de prestige qui a en résulté. De la même manière, le manque de consultation préalable des occupants indigènes du Territoire Indigène du Parc national Isiboro Sécure et la répression brutale de la marche à La Paz de ceux-ci les a précipités à l’opposition, avec comme résultat que trois députés sont partis de MAS et les indigénistes et les écologistes ont rompu avec le gouvernement. Et dernièrement la Centrale Ouvrière Boliviana (COB) n’a pas seulement créé le germe d’un parti ouvrier indépendant mais, de plus, persiste dans une grève générale qui ce vendredi, dure déjà depuis 12 jours.

Le gouvernement affirme- avec juste raison - que la droite et Washington essaient d’apporter de l’eau à leur moulin en appuyant les indigènes majoritaires dans le TIPNIS dans leur affrontement avec le gouvernement ou en appuyant la demande – insoutenable dans un régime basé sur la propriété privée des moyens de production que la COB approuve - de pension et de retraites avec 100 % du dernier salaire. Mais cela n’annule pas le fait que le « gasolinazo » fut une terrible erreur politique et imposé sans consultation et de façon brutale, de même que le manque de consultation et la répression dans le cas du TIPNIS ont violé la Constitution, les droits indigènes et les droits de l’homme même et que les travailleurs sont divisés aujourd’hui par des intérêts corporatifs. Quel qu’en soit la cause et le prétexte, les mineurs étatiques, les professeurs et les travailleurs de la Santé, une grande partie des intellectuels et des étudiants qui n’ont pas été pro oligarchiques et partie importante des indigènes orientaux s’affrontent aujourd’hui au gouvernement et au MAS, qui a rompu de plus, avec le Mouvement urbain des Sans peur (Movimiento de los Sin Miedo) , qui était leur allié contre la droite et ils dépendent maintenant de l’appui des syndicats et des communautés paysannes du Haut plateau. Le MAS pour sa part qui était un regroupement d’organisations indépendantes, est devenu un instrument de l’appareil étatique, manque de capacité d’initiative et de décision et ses dirigeants sont des ministres ou des parlementaires, tandis que le gouvernement pour sa part, en laissant de côté - sauf dans les discours - l’indigénisme et l’écologisme, applique une politique effrénée de développement et basée surtout sur la grande industrie minière.

Les ultragauchistes, qui voient seulement le film de l’histoire en noir et blanc, vocifèrent pour cela, disant que le gouvernement d’Evo Morales est répressif et sert le capital étranger. Comme nous avons dit cent fois, la Bolivie est un pays capitaliste et a un gouvernement né d’une révolution démocratique qui ne s’est jamais donné comme objectif le socialisme mais le capitalisme « moderne et décent » (si une telle chose peut exister). Son gouvernement réprime mais ne se base pas sur la répression mais sur le consensus de la majorité paysanne de la population, qui ne veut pas défendre des modes de vie précapitalistes, ni n’est anticapitaliste mais désire ce que le gouvernement offre : soit , assistance, modernisation capitaliste, élévation de son niveau de vie et accès à la consommation superflue, anti écologique et néfaste qu’ils ne peuvent pas encore obtenir, chose qu’ils ressentent comme une discrimination. En plus : depuis son installation même, le gouvernement a proposé de construire un capitalisme qu’il a baptisé « andin » ou « communautaire » et a exhumé les traditions et la culture préhispanique seulement pour couvrir une politique développementiste centralisatrice, à la manière de celle des années 50. Par conséquent, on ne peut pas l’accuser de trahison.

En revanche, oui les mouvements sociaux d’opposition trahiront leur rôle s’ils croient possible de s’allier à la droite, s’ils ne rompent pas la vision corporative qui les sépare entre eux, s’ils n’acceptent pas avec réalisme les mesures qui sont inévitables ou qui peuvent être avantageuses pour l’ensemble de la population, s’ ils ne présentent pas de programme national pour tous les exploités et opprimés, s’ils ne voient pas au-delà de leur région ou leurs frontières, s’ils manquent d’indépendance politique et d’idées transformatrices. Parce que l’on ne peut pas dépasser le capitalisme sans croissance, sans élimination de la misère ni unité territoriale et ce qui est en discussion c’est qui le fera, et dans quelle perspective, de développementiste ou socialiste.

Guillermo Almeyra pour La Jornada de México.

La Jornada. Mexique, le 19 mai 2013.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 19 mai 2013.

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