Portada del sitio > Nuestra América > Terrorismo de Estado > Plan Cóndor > Plan Cóndor uruguayo > Les meurtres de Michelini et de Gutiérrez Ruiz et l’incroyable innocence des (…)
L’hebdomadaire Búsqueda [1] a affirmé, à la une de son édition de jeudi 21 septembre 2006, que "la Présidence connaît l’identité d’au moins un membre de la bande argentine qui a assassiné Michelini et à Gutiérrez Ruiz".
Par Samuel Blixen
Brecha . Uruguay, septembre 2006.
L’article est présenté à la une des quatre pages dans lesquelles on attribue l’identification des assassins au secrétaire de la Présidence, Gonzalo Fernández. Selon Búsqueda, Fernández a affirmé qu’Osvaldo Forese, "un membre de la bande d’Aníbal Gordon", fut l’un des assassins. L’article assure que Fernández a donné la nouvelle aux famillse des deux parlementaires assassinés à Buenos Aires en mai 1976.
La couverture de Búsqueda suggère que les meurtres furent l’œuvre des répresseurs argentins et que la raison des crimes était l’argent des tupamaros que Michelini et Gutiérrez Ruiz avaient hypothétiquement dans leur pouvoir. A l’heure où nous avons bouclé cette édition, Fernández n’avait pas répondu à une demande Brecha pour confirmer ou réfuter de telles affirmations. Au contraire, la famille de Michelini et de Gutiérrez Ruiz ont fermement affirmés qu’ils n’ont été jamais été informés par Fernández de l’identification présumée des assassins.
Matilde Rodriguez, veuve de Gutiérrez Ruiz, dans ses déclarations formulées à radio El Espectador [br /], a expliqué que l’agent Forese avait été identifié comme un des répresseurs qui ont kidnappé son conjoint, mais jusqu’à présent il n’y avait pas d’indices que Forese eut pris part au meurtre. "Une chose est l’enlèvement et une autre le meurtre", a -elle déclaré. Et d’ajouter que le gouvernement ne l’a jamais informée que les assassins de son mari avaient été identifiés.
Le Sénateur Rafael Michelini, dans ses déclarations à Brecha, a été tranchant : "La Présidence de la République ne m’a jamais informé qu’elle savait ou qu’elle possédait l’identité des auteurs du crime. C’est archi-connu que la « bande de Gordon » a pris part aux enlèvements. Ce que nous avons réclamé, c’est qu’on nous dise la vérité sur la responsabilité du gouvernement et les militaires uruguayens de l’époque ".
Son frère, le journaliste Zelmar Michelini (h), a confirmé à Brecha depuis Paris, où il réside, que sa famille n’a été jamais été informée par le secrétaire de la Présidence que les assassins de son père avaient été identifiés. "Non, il ne nous a absolument rien dit. J’espère qu’en son temps il fera un démenti. Ceci s’inscrit dans une campagne tendant à limiter la responsabilité de l’État uruguayen et des Forces Armées dans les meurtres. A aucun moment Búsqueda s’est adressé à nous pour vérifier si Fernández nous avait donné ou non cette information. Cet article de Búsqueda fait partie d’une série de notes pour faire pression sur l’Exécutif et retarder l’avance des recherches sur les droits de l’homme. On essaye de mettre de coté la responsabilité des militaires uruguayens. C’est, à mon avis, une opération d’intelligence ", a-t-il soutenu. Et il a ajouté : "En outre, c’est une absurdité d’affirmer que mon père maniait l’argent des tupamaros, c’est totalement faux de A à Z. Ce n’est pas en vain, que les militaires n’ont jamais dit officiellement qu’ils n’étaient pas impliqués dans les meurtres. Ce n’est pas pour rien que Sanguinetti a appliqué la loi de caducité à cette affaire. Cette pseudo investigation essaye aussi d’influencer la justice, alors qu’il y a une procédure ouverte".
L’article de Búsqueda s’étale sur les actions judiciaires en cours qui impliquent dans des meurtres l’ex Président Juan María Bordaberry et l’ex chancelier Juan Carlos Blanco, et détaille les arguments brandis par Blanco pour prouver son innocence. Un document déclassifié du Département d’État des Etats-Unis révèle la connaissance qu’avait Blanco sur les opérations des militaires uruguayens dans le cadre du Plan Condor.
JUAN CARLOS BLANCO : JUSQU’AU COU
En ces temps de déclarations d’innocence, un document des Etats Unis implique Juan Carlos Blanco à un épisode jusqu’à présent inconnu qui prouve jusqu’à où allaient les luttes internes dans l’Armée à l’époque des meurtres de Michelini et de Gutiérrez Ruiz. Certains militaires qui, en août 1976 opéraient dans le cadre du Plan Condor, s’étaient proposés d’assassiner des fonctionnaires gouvernementaux uruguayens. Les plans ont été communiqués par le Département d’État des Etats-Unis au chancelier Juan Carlos Blanco et au Commandant en Chef de l’Armée le Lieutenant Général Julio César Vadora.
La révélation, contenue dans un document secret destiné au secrétaire d’Etat Henry Kissinger, récemment déclassifié [2], complique la situation pénale de Blanco, jugé pour la disparition de l’enseignante Elena Quinteros, et qui fait l’objet d’une enquête pour sa relation aux meurtres de Zelmar Michelini et d’Héctor Gutiérrez Ruiz. Lors de ses comparutions devant les juges, Blanco a toujours réclamé son innocence et a affirmé ignorer les multiples crimes commis par le personnel de renseignement militaire inscrits au réseau Condor de coordination répressive.
Le document, qui implique Blanc et révèle pour la première fois que des fonctionnaires du gouvernement de Juan María Bordaberry (remplacé à l’époque d’abord par Alberto Demicheli et ensuite par Aparicio Méndez) étaient "des objectifs militaires", a été élaboré par Harry Schlaudeman et a été daté du 30 août 1976. Le rapport, qui contient une série de recommandations pour Kissinger, est une réponse à la demande d’orientations envoyées par l’ambassadeur des Etats-Unis en Uruguay, Ernest Siracusa.
En faisant référence au télégramme "Montevideo 3123", dont le texte n’est pas connu, Schlaudeman commente les réactions de Siracusa à propos des instructions du Département d’État pour traiter à Montevideo certaines informations sur le Condor. "La CIA ne croit pas que Siracusa soit un danger pour aborder le sujet des conversations entre fonctionnaires des services de sécurité du Cône Sud sur le Condor et les meurtres", informe Schlaudeman à Kissinger. Du texte on déduit que Siracusa avait obtenu une information sur les plans en cours pour assassiner des éléments du gouvernement.
Le fonctionnaire du Département d’État jugeait que Siracusa devait faire face à un échange d’information à Montevideo comme la méthode la plus effective pour manier le problème. Au contraire, il jugeait qu’une action limitée à une proposition à l’ambassadeur uruguayen à Washington pouvait fermer les portes pour cet échange. Schlaudeman rappelait au secrétaire d’État que l’objectif du gouvernement des Etats-Unis était de couper à la racine "la série de meurtres internationaux qui provoquent des dommages sérieux aux statut international et à la réputation des pays impliqués". A cette époque ont eu lieu les meurtres de Michelini et de Gutiérrez Ruiz, et du Général bolivien Juan Jose Torres.
Ce document révèle qu’en août 1976 le Département d’État avait déjà des preuves de l’existence du Plan Condor et de la responsabilité dans les meurtres de dissidents chiliens, uruguayens et boliviens qui se sont produits en Argentine. Jusqu’à présent, les documents déclassifiés par le gouvernement des Etats- Unis parlaient de "soupçons non confirmés" sur l’existence d’un "Murder Inc". Schlaudeman était d’accord avec Siracusa qui, dans ses conversations à Montevideo, " devrait ajouter que le Condor a sa propre liste de fonctionnaires gouvernementaux uruguayens destinés à être assassinés".
Le document ne spécifie pas qui étaient ces fonctionnaires indiqués comme "objectifs", mais irréfutablement il révèle que, à ce moment-là de luttes internes entre des fractions des Forces Armées, certains militaires ne se contentaient pas de l’élimination des dirigeants politiques en exile, comme façon de faire avorter toute négociation pour une sortie négociée de la dictature. Des conversations en ce sens ont précipité les meurtres de mai 1976.
Schlaudeman faisait valoir qu’une proposition de Siracusa devant les hautes autorités du gouvernement et de l’Armée sur ces plans faciliterait "un échange de points de vue" et permettrait de démontrer quelle était l’appréciation étasunienne sur "le problème auquel ils font face". Le fonctionnaire du Département d’État indiquait qu’il y avait trois options pour "une approche du problème uruguayen" : "Par l’intermédiaire de Siracusa au Général Vadora et à Blanco, soutenu dans une proposition à l’ambassadeur d’ici". "Par mon intermédiaire, devant l’ambassadeur d’ici, seulement". La troisième option est censurée dans le document déclassifié.
Sclaudeman s’inclinait pour envoyer à Siracusa un câble " l’instruisant pour qu’il parle avec les deux, Blanco et Vadora, l’informant sur une approche parallèle venant de moi et en faisant référence à une communication qu’il a reçu (…) sur la protection additionnelle pour lui (...)". Les points suspensifs entre parenthèse correspondent à des ratures qui se réfèrent probablement aux mesures de protection pour la source qui a révélée à Siracusa l’existence de ces plans de meurtres.
C’est la première fois qu’on a l’information que des militaires uruguayens projetaient de tuer des membres du gouvernement. A aucun moment, pendant les interrogatoires judiciaires, Blanco a apporté des éléments sur les communications qu’il a reçues de l’ambassadeur Siracusa. Blanco a répété qu’il ne connaissait pas les activités des militaires uruguayens dans le Plan Condor. Toutefois, le document révèle que, pour le Département d’État, il était la personne adéquate pour débattre du sujet. L’innocence de Blanco est chaque fois plus compromise. Indépendamment de ce nouveau document, d’autres preuves apportés par les demandeurs dans le dossier Michelini-Gutiérrez Ruiz l’implique dans les actes préparatoires de ces crimes, en apportant de l’information à la dictature argentine.
Traduction de l’espagnol pour El Correo de: Estelle et Carlos Debiasi
Notas:
[1] SEMANARIO BUSQUEDA. Av. Uruguay 1146 Esq. Rondeau. 902 13 00, Fax: 902 20 36- Correo: busqueda@busqueda.com.uy
[br /] CX 14 EL ESPECTADOR. Río Branco 1481. Mesa Central: 902 35 31 - Correo: am810@espectador.com.uy Fax: 908 3044. Prensa: 902 35 36
[2] Voir document: