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22 avril 2004

Les jeux dispendieux de la corruption mondiale

 

Ancien financier du Rassemblement pour la République (RPR), Jean-Claude Méry a provoqué - post mortem - une polémique par la vidéocassette sur laquelle il avait enregistré des « révélations » sur le financement de son parti. La levée partielle du secret pesant sur les commissions payées dans divers pays par la compagnie pétrolière Elf est venue rappeler que les entreprises occidentales recourent aux pots-de-vin. Corruption : ce mal insidieux est responsable de l’atmosphère empoisonnée qui entoure la chose publique et qui nuit au développement.

Par Pierre Abramovici*
Le Monde Diplomatique
Novembre 2000

Enveloppes rouges en Chine, bakchich en pays arabe, matabiche en Afrique centrale, payola aux Philippines, propina en Amérique latine ou tout simplement pots-de-vin, les mots pour désigner la corruption sont innombrables [1]. Mais comment la définir ? Pour Daniel Bertosa, le procureur de Genève, il s’agit, « techniquement, de l’acte qui consiste à promettre ou à offrir un avantage à un agent public, fonctionnaire, ministre, dirigeant d’une entreprise publique, de telle sorte que celui-ci viole les devoirs qu’il a à l’égard de la collectivité publique qu’il représente. Le corrupteur actif est celui qui promet l’avantage ou qui le verse. Le corrompu est l’agent public qui trahit ses devoirs. Il y a lien entre la promesse d’un avantage et la trahison des devoirs ».

Nul ne sait exactement ce que représente la corruption dans l’économie internationale. Selon une évaluation de la Banque mondiale, son montant total au cours d’une année serait de 80 milliards de dollars, en dehors des détournements de fonds destinés au développement et de la petite corruption pratiquée notamment dans les pays émergents, forme d’impôt supplémentaire prélevé par les policiers, douaniers, fonctionnaires, politiciens et autres, sur leurs concitoyens.

Dans le commerce international, la pratique est ancienne, et pour tout dire banale depuis l’invention du troc. Samuel Pepys, premier lord de l’Amirauté britannique (1633-1703), considérait qu’un pot-de-vin n’en était pas un dès lors qu’il était discrètement glissé « sous la table ». Cette conception n’a pas véritablement changé. La corruption reste une donnée économique au même titre qu’une autre dans les échanges internationaux, même si le phénomène s’est aggravé depuis la décolonisation dans les années 60. C’est particulièrement flagrant pour la France en Afrique. Les milieux d’affaires occidentaux ont d’ailleurs tendance à considérer la corruption dans les pays du tiers-monde comme un fait culturel incontournable.

Sommairement, on pourrait dire que les corrompus sont les institutions des pays émergents et les corrupteurs les entreprises des pays riches. Comme le disait joliment en 1999 un ancien ministre de l’économie du Tchad, « il faut être deux pour danser la samba ».

En réalité, affirme un bon connaisseur des affaires africaines, cette corruption « tranquille » est une forme de tromperie. « On corrompt parce qu’on n’est pas capable de se battre, et on préfère se garder des marchés protégés, quitte à se faire éjecter parce qu’on n’arrive plus à payer les commissions exorbitantes réclamées par nos clients. »

Frais commerciaux exceptionnels au milieu des années 70, l’augmentation vertigineuse du prix du pétrole mettait la France en déficit commercial chronique. La balance du commerce extérieur devenait alors un indice magique, et l’idéologie de la vente supplanta une morale défaillante et toute autre considération idéologique.

Pour compenser le manque de compétitivité de ses entreprises sur les marchés étrangers, en 1977, le gouvernement français, suivi par tous ses homologues européens, autorisait les pots-de-vin, officiellement appelés commissions, dès lors que ceux-ci étaient versés à un fonctionnaire étranger. On avait donc le droit de corrompre légalement les chefs d’Etat, leurs ministres et jusqu’au plus petit échelon de la hiérarchie d’un pays pour battre ses concurrents, et cela par la grâce d’un artifice fiscal qui permettait tout simplement de déduire le pot-de-vin de ses impôts.

Une déclaration à la direction générale des douanes chargée du contrôle des changes permettait à un industriel de verser une partie du paiement sur un compte, généralement dans un pays tiers ou dans le pays de vente. Un euphémisme désignait le dispositif : frais commerciaux exceptionnels (FCE) ! Une jurisprudence du Conseil d’Etat de 1983 confirmait que ces sommes étaient déductibles, dès lors qu’elles étaient payées dans l’intérêt de l’entreprise. Comme le dit M. Jacky Darne, député et rapporteur du projet de loi contre la corruption des agents étrangers : « C’est contre l’intérêt général et c’est contre la morale. Mais au sens strict du terme, on peut considérer que c’est dans l’intérêt de l’entreprise. »

Jusqu’en 1986, la direction des douanes envoyait au ministre du budget une lettre de transmission. Le ministre donnait son autorisation. Celle-ci ouvrait le droit à la couverture assurance-crédit auprès de la Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur (Coface). Ainsi, le contribuable réglait la facture en cas de défaillance du client, pots-de-vin compris. Le refus du ministère n’empêchait ni la transaction ni le versement de la commission, mais privait simplement l’entreprise de la couverture de la Coface. Après la suppression du contrôle des changes, en 1986, il suffira de porter la dépense sur la déclaration fiscale de l’année sous la protection du secret-défense, même en cas de contrats civils.

Par ailleurs, dans le domaine des exportations d’armement, où la corruption est la règle, les industriels devaient passer par des institutions publiques baptisées « offices », qui, moyennant une dîme, distribuaient les commissions. L’Office général de l’air s’occupait des avions, l’Ofema d’équipements aéronautiques, la Sofme des équipements navals et terrestres, et la Sofresa des armes à l’Arabie saoudite. Dès 1989, un rapport de l’inspection des finances critiquait le statut public et l’opacité de ces organismes.

A titre d’exemple, la très célèbre affaire des vedettes vendues à Taïwan en 1991 a fait l’objet d’un colossal pot-de-vin de plusieurs milliards de francs, déclaré au fisc en temps et heure. Ce qui était illégal, c’était le « retour » (rétro-commission) d’une partie de la somme dans des poches françaises, publiques ou privées.

Alors même que les Européens légalisaient la corruption dans le commerce international, les Etats-Unis s’engageaient exactement dans la direction inverse. Adopté en 1977 après le scandale Lockheed [2], le Federal Corrupt Practices Act (FCPA) incriminait tout acte de corruption d’un officiel étranger. En réalité, comme l’explique le choeur des industriels concurrents, les Etats-Unis ont continué ces pratiques par le biais de filiales installées dans des paradis fiscaux. En fait, le gou vernement américain aide les expor tations en favorisant l’installation des entreprises dans des paradis fiscaux à hauteur de 2,5 milliards de dollars de subventions annuelles. Ces filiales subventionnées, baptisées Foreigns Sales Corporations (FSC), sont la base du système occulte de versement de commissions à l’étranger.

Bien que de nombreuses entreprises américaines aient été prises la main dans le sac, le système de la transaction judiciaire a permis de limiter les poursuites. Ce que dénonce la ministre de la justice, Mme Elisabeth Guigou : « Je crois qu’avant de critiquer les autres, il faut balayer devant sa porte. Il y a des pratiques aux Etats-Unis, y compris dans leur système pénal, qui sont parfaitement légales, et qui consistent par exemple à accepter qu’on négocie avec l’administration. Cela s’appelle le Plea Bargaining. Dans ce système pénal américain, vous êtes accusé de quoi que ce soit, vous allez trouver un procureur et vous dites : "eh bien, on va s’arranger !". »

Et M. Jacky Darne de renchérir : « Cet ensemble de faits a conduit à ce que le nombre d’entreprises poursuivies pour délit de corruption a été assez faible aux Etats-Unis. Quelques dizaines seulement. Les Etats-Unis sont, parfois, donneurs de leçons à bon compte. » Le manque à gagner de l’industrie expor tatrice américaine, du fait de la lutte anticorruption, s’est donc révélé faible : moins de 1 milliard de dollars en vingt ans.

Le commerce international s’est inscrit, durant des décennies, dans le cadre des rapports Est-Ouest. Chaque camp cherchait à fidéliser ses clients pour les empêcher de passer à l’adversaire. La chute du mur de Berlin et l’ouverture au monde des anciens pays communistes et de leurs satellites ont changé la donne. Le commerce international est devenu une foire d’empoigne marquée par les seuls intérêts économiques, notamment dans les domaines de l’armement et du bâtiment.

A l’Est et dans les anciens pays communistes, les grands chantiers, les marchés industriels, les grands contrats, sont devenus prétexte à d’énormes commissions. Tous les secteurs dépendant de la commande publique - de l’armement au pétrole, de l’énergie aux transports, du bâtiment et travaux publics (BTP) à l’installation de l’eau, voire aux équipements médicaux et paramédicaux - ont été soumis à une véritable dîme. Au point que les industriels eux-mêmes ont commencé à trouver que le jeu de la corruption n’en valait plus la chandelle.

Jusqu’au milieu des années 90, la corruption dans les transactions internationales restait un sujet tabou. Dans des organismes comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale, on ne l’évoquait que par son initiale (« the C word ») pour s’en plaindre et déplorer son inévitabilité quasi culturelle dans certains pays. Mais en fait rien ne bougeait : les « propriétaires » de la Banque et du FMI sont des Etats et ont comme clients des Etats.

Pourtant, en octobre 1996, à l’occasion de l’assemblée annuelle de la Banque mondiale et du FMI, qui se tenait à Washington, M. James Wolfensohn, président de la Banque, abordait pour la première fois : le problème. Qualifiant la corruption de « cancer », il dénonçait cet « affront fait aux plus pauvres », qui « détourne l’argent vers les plus riches, accroît le coût de toutes les activités, provoque de graves distorsions dans l’utilisation des ressources collectives et fait fuir les investissements étrangers ».

En juillet 1997, le FMI changeait, lui aussi, d’orientation. Il prévenait l’Argentine que toute aide financière supplémentaire serait subordonnée - outre les conditions habituelles concernant le respect des équilibres financiers - aux progrès réalisés dans les grands secteurs de l’éducation, de la santé, de la fiscalité, mais surtout à la lutte contre la corruption.

Polémique entre Européens et Américains
Ces prises de position coïncidaient avec le début d’une série de discussions au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), à l’initiative des Etats-Unis, visant à préparer un projet de convention réprimant la corruption d’agents étrangers. Le 10 décembre 1997, lors d’une réunion des ministres des pays membres de l’OCDE, sous la présidence de M. Dominique Strauss-Kahn, alors ministre des finances, vingt et un pays signent l’accord. Reste à le faire ratifier par les Parlements des pays signataires. Cela n’allait pas être une mince affaire. Pour la France, les pots-de-vin ont atteint des niveaux trop élevés. Suffisamment en tout cas pour mettre en danger, sinon les entreprises exportatrices, en tout cas leurs marges. Les commissions ont franchi depuis plusieurs années des sommets. Jusqu’aux altitudes attein tes par l’armement où la corruption est la règle parce qu’il s’agit de commandes énormes de 100, 200, 500 millions de dollars, ou même beaucoup plus.

Les commissions qui, dans les pays développés, tournent autour de 5 % à 6 %, peuvent alors atteindre 20 % à 30 %, parfois 40 %.

Malgré cela, les milieux industriels européens en général et français en particulier (notamment dans l’armement) se montrent très hostiles à la convention : « On s’est tiré une balle dans le pied. » Ils estiment que ce texte est une manoeuvre de Washington pour déstabiliser les exportations européennes.

C’est à peu près à cette époque que s’affirme une organisation non gouvernementale baptisée Trans parency International - en référence à Amnesty International - (lire encadré). L’organisation va connaître un succès médiatique avec sa publication d’un classement mondial des pays corrompus. Un classement peu scientifique, de l’aveu même de ses concepteurs, puisqu’il s’appuie sur des études d’opinion reposant sur la « perception » que certains ont de la corruption, et non de son état réel, impossible à établir.

Immédiatement, l’ONG est dénoncée comme un instrument de la poli tique américaine. Cette imputation est reprise par certains journaux, qui se font l’écho des milieux industriels français, et notamment de ceux de l’armement, notoirement hostiles aux accords de l’OCDE : « Un cheval de Troie des Ricains », annonce Le Canard enchaîné [3].

Pendant que la polémique entre les Etats-Unis et l’industrie française s’amplifie, Transparency International organise à Durban, en Afrique du Sud, pendant la deuxième semaine d’octobre 1999, une grande conférence, qui consacre sa crédibilité internationale. Ce qui n’était jusque-là qu’une petite organisation militante apparaît soudain capable de drainer 1 200 délégués venus des quatre coins de la planète.

Deux éléments ressortent des débats. D’une part, une mise en accusation de la Banque mondiale, accusée de financer directement les corrompus par une distribution abusive et aveugle des fonds destinés au développement. D’autre part, un intérêt certain pour les accords de l’OCDE.

Le 26 octobre 1999, l’organisation publie un classement des pays corrupteurs. Effet d’annonce garanti : la France se classe mal, d’autres pays européens également. A l’inverse des Etats-Unis ! La presse internationale se déchaîne, réclame des gestes forts et s’aperçoit que certains pays de l’OCDE, en par ticulier la France, n’ont toujours pas ratifié les accords de cette même OCDE. Les esprits soupçonneux remarquent l’étrange proximité entre la publication du mauvais classement et la confé rence de l’Or ganisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle, en décembre 1999. D’ailleurs, M. Peter Eigen ne fait pas mystère de son désir de voir la question de la corruption inscrite à l’ordre du jour de l’OMC, qui lui semble pouvoir jouer le rôle de « gardien international contre la corruption ».

La polémique bat sont plein entre Européens et Américains. Ces derniers, qui insistent tant sur les conséquences de la « déloyauté » commerciale européenne, via les aides fiscales, sont pourtant eux-mêmes très discrets sur leurs propres subventions. D’autant que, curieusement, les filiales étrangères des entreprises des signataires de l’OCDE sont écartées du champ d’application de la convention.

Le gouvernement français va mettre deux ans à honorer sa signature.

Premier temps, avec déjà quelque retard, à l’instigation de certains milieux industriels, le gouvernement propose un projet de loi de ratification dans lequel l’article 2 autorise la poursuite de la corruption légale dans le cas de contrats déjà en route.

Fureur des Etats-Unis, qui hurlent à la duplicité. Le 30 janvier 2000, au forum économique mondial de Davos, Mme Madeleine Albright, la secrétaire d’Etat, s’en prend directement à la France : « Il serait difficile d’envoyer un message contre la corruption s’il apparaît que certains pays prennent un autre chemin que celui qui a été signé. »

Second temps, sans rapport apparent avec les pressions américaines, le gouvernement retire l’article controversé, et, le 29 février 2000, l’Assemblée nationale vote le texte de ratification. Celle-ci sera définitive le 21 juin. Il aura fallu deux ans et demi pour aboutir.

Pourtant, la polémique ne s’arrête pas là. L’Union européenne a obtenu la condamnation des Etats-Unis devant l’OMC pour ses aides déguisées à l’exportation via les filiales dans les paradis fiscaux. Devant la mauvaise volonté américaine, l’Union lance, le 5 septembre 2000, un ultimatum à Washington. Affaire à suivre...

Est-il réaliste de penser qu’une volonté politique internationale arrête la corruption ? Que faire dans certains pays comme l’Arabie saoudite, où le pot-de-vin est une forme tribale de cadeau ? ou en Russie, où la pauvreté a entraîné un développement exponentiel de la petite et de la grande corruption ? Peut-on imaginer que l’on va boycotter la Russie, la Chine ou l’Arabie saoudite ?

« Tout le monde sait que la Chine est un pays où la corruption est extrêmement répandue, affirme M. Jean Cartier-Bresson, professeur en sciences économiques à l’université de Reims. Cela n’empêche pas qu’elle continue a être la première destination mondiale des investissements directs étrangers. Pour un pays en voie de développement ou en transition, la corruption massive en Chine n’empêche pas les gens d’aller y faire des affaires. »

« En revanche, ajoute-t-il, le fait qu’il y ait corruption en Russie pose un autre type de problème, celui de l’environnement politique instable. S’il y a une corruption maîtrisée dans un contexte stable, avec des interlocuteurs qui sont toujours les mêmes, cela n’empêchera pas les hommes d’affaires d’y aller. Ce qui gêne, c’est le changement permanent des responsables, des montants demandés, l’instabilité des règles du jeu de la corruption. »

La corruption zéro n’existera donc pas, mais, comme le fait remarquer le procureur de Genève, M. Daniel Bertosa, « moins il y aura de corruption, mieux ça vaudra. Rêver à une situation où l’on pourrait admettre comme tolérables des comportements qui, par définition, ne le sont pas relève soit de la schizophrénie, soit de l’imposture ». Pourtant, certains commencent déjà à chercher des solutions. Comme le confirme, sous couvert d’anonymat, un agent commercial d’une grande entreprise exportatrice française : « Une des astuces est maintenant d’avoir des filiales dans des pays qui n’appar tiennent pas à l’OCDE et, alors, ce travail qui existait à partir de la France va se faire à partir de ce pays hors OCDE. »

Confirmation au mois de février 2000. Un juge d’instruction a accordé un non-lieu au PDG de la société Dumez-Nigeria. Il était suspecté d’avoir fait transiter par des sociétés écrans 400 millions de francs, dont une part aurait été versée à des personnalités nigérianes. L’argument pour absoudre l’inculpé était tout simplement l’autonomie juridique de la filiale nigériane par rapport à la maison mère française. Le parquet et le juge ont estimé « probable » l’appartenance de Dumez-Nigeria au « périmètre » de Dumez-France mais que cette « dépendance » n’avait pu être démontrée [4].

* Pierre Abramovici, Journaliste. Auteur d’Un rocher bien occupé, Editions du Seuil, Paris, septembre 2001. .

Notes

[1Lire le dossier du Monde diplomatique, « Dans l’archipel planétaire de la criminalité financière », avril 2000.

[2On apprit à Washington, en 1976, que la société Lockheed Aircraft avait versé des pots-de-vin à des fonctionnaires, partis et dirigeants des Pays-Bas, du Japon, d’Allemagne fédérale et d’Italie pour que leurs pays achètent des avions Lockheed.

[3« La guerre France-Usa sur le front du bakchich », Le Canard enchaîné, Paris, 27 janvier 1999.

[4Le Monde, 4 avril 2000.

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