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12 novembre 2012

Les Etats-Unis dans la crise mondiale et dans leur crise politico-sociale

par Guillermo Almeyra *

 

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Barack Obama a obtenu sa réélection avec seulement 2 % de différence de voix sur le candidat du Parti Républicain, celui des financiers et de la grande industrie, Mitt Romney. Les suffrages qui ont donné la majorité à Obama sont surtout venus des votants des minorités ethniques (93 % des noirs, presque 60 % des latinos et asiatiques). Il a aussi remporté près de 70 % du vote féminin et une vaste majorité des suffrages des secteurs les plus instruits et parmi les jeunes.

Obama a obtenu l’appui de ceux qui cherchent les réformes sociales atténuant la crise provoquée par le capital financier et davantage de droits civils et démocratiques, ainsi qu’une moindre inégalité sociale ; ont voté pour lui, ceux qui, bien qu’ayant confiance dans le système capitaliste, repoussent l’offensive brutale du capital financier et de l’establishment contre toute sorte de résistance à la réduction des salaires réels et le droit de garder le taux de bénéfice du capital financier et des grandes entreprises le plus élevé possible. Romney a en revanche reçu surtout les votes d’adultes blancs conservateurs et religieux – d’un âge moyen ou avancé – et de l’establishment, qui a peur des politiques fiscales qu’Obama pourrait adopter.

L’hégémonie culturelle et idéologique du capitalisme sur tous les électeurs qui sont convaincus du naturel supposé et de la pérennité du système capitaliste est hors de doute, mais la sous-culture xénophobe, raciste et fasciste de la droite étasunienne n’a pas obtenu la majorité, même si elle a l’appui de presque la moitié des votants. De plus, les noirs, qui représentent la grande majorité des gens qui sont en prisons avec lesquelles le capitalisme espère « résoudre » la question sociale et les conséquences de la pauvreté matérielle et culturelle, ont voté pour le chef d’État qui les envoie en prison ; et les Latinos, discriminés qu’ils aient ou non des papiers et grandes victimes du chômage, ont voté pour le chef impérialiste qui met sous pression leurs pays et qui ne leur assure pas même pas le « droit » d’être exploité sur le sol étasunien.

C’est pourquoi, Obama a une marge de manœuvre concernant les populations dominées. Mais, cependant, celles-ci commencent à se regrouper et à se différencier du grand capital sur une classe, ethnique, démocratique et de genre. Mais, précisément parce qu’il y a un abîme culturel, ethnique et social entre la base d’appui d’Obama et celle de l’immense majorité de l’establishment, l’extrême droite et le grand capital ne reconnaissent pas la victoire d’Obama, ils parlent de fraude, considèrent que le président réélu est illégitime et feront tout leur possible pour mettre tout le poids de leur pouvoir de facto sur la balance politique, sur laquelle le fragile soutien politique plébéien à un représentant d’un secteur minoritaire de la classe dominante ne compense pas les manœuvres du blocage que les républicains mèneront à la Chambre basse, qu’ils contrôlent, ni la déstabilisation économique qu’ils organiseront pour que le gouvernement n’augmente pas les impôts sur les riches.

Ils rêvent, donc, ceux qui, comme López Obrador [candidat perdant aux élections présidentielles Mexicaines] et tant d’autres, sont contents du triomphe d’Obama. En effet, rien n’assure que celui-ci ne maintiendra pas ou aiguisera son bellicisme impérialiste en poursuivant une politique semblable à celle de Bush et, de plus, sous la pression de la majorité des membres de sa classe, qu’il n’abandonnera pas ses timides plans sociaux et se mettra à appliquer la partie fondamentale de la politique des républicains, parce qu’il est sûr qu’il n’aura pas, pour le moment, d’ennemis sur le front social.

Cependant, il est également possible que, devant la prolongation de la crise capitaliste aux États-Unis et dans le monde et devant le sabotage parlementaire des républicains, Obama puisse se voir obligé, contre son caractère et sa volonté, de prendre quelques mesures financières (impôts sur les finances type taxe Tobin, augmentations des impôts sur les plus riches, par exemple) et qu’il en appelle même à son électorat pour forcer la résistance de la majorité d’ ultra extrême-droite et raciste de la Chambre des Députés, en ouvrant indirectement le chemin à l’ intervention active, politique et sociale, de ceux qui jusqu’à présent se sont limiter à manifester et voter contre les ultra-troglodytes.

Cette possibilité que l’on ne peut pas exclure bien qu’elle semble faible, radicaliserait immédiatement tout le panorama politique et cela aurait de grandes répercussions sur l’Union Européenne, sur les pays dépendants et le reste de monde. D’autre part, la brutalité de l’establishment étasunien n’a pas de limites, de même que son manque de scrupules. Dans la lutte inter-bourgeoise aux États-Unis, il ne faut pas oublier, que sont tombés assassinés Abraham Lincoln, d’abord, et John F. Kennedy, après, que leurs adversaires – aussi pré capitalistes qu’eux– les considéraient cependant comme dangereux.

Même leur économie et leur hégémonie internationale affaiblies à l’extrême, les États-Unis conservent encore leur hégémonie culturelle et politique, qui leur permet de dominer ceux sur qui ils font pression et qu’ils exploitent, et leur hégémonie militaire, qui fournit un grand appui aux appareils répressifs. La crise provoquée par le capital réduit énormément les espaces démocratiques et fait le lit à la brutalité des appareils. Les affrontements entre classes pourraient ouvrir le chemin à un apprentissage politique du peuple étasuniens et, en même temps, à une vision déformée dans l’establishment même de cette lutte des classes qui se livre dans la société. Obama courrait le danger, alors, du côté de l’extrême droite aussi impérialiste que lui et du côté du front social, de ses propres votants.

C’est fondamental pour le Mexique et pour le monde d’aider les opprimés et les travailleurs des États-Unis à conquérir leur indépendance politique en face des démocrates et de la Maison Blanche, et on y parvient seulement en obtenant dans chaque pays l’indépendance politique des travailleurs et en terrassant les plans de l’impérialisme et de leurs alliés locaux.

La Jornada. Mexico, 11 novembre 2012.

* Guillermo Almeyra Historien, chercheur et journaliste. Docteur en Sciences Politiques (Univ. Paris VIII), professeur-chercheur de l’Université Autonome Métropolitaine, unité Xochimilco, de Mexico, professeur de Politique Contemporaine de la Faculté de Sciences Politiques et Sociales de l’Université Nationale Autonome de México. Domaine de recherche : mouvements sociaux, mondialisation. Journaliste à La Jornada, Mexique.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par  : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 12 novembre 2012.

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