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Par Robert Weissman, Washington Post,
le 25 septembre2002.
Wall Street le comprend. Le Congrès. Même le Président Bush le comprend. Mais pas le Fond Monétaire International (FMI), ni la Banque Mondiale (BM).
L’ère du fondamentalisme de marché est révolue. La domination du marché, la dérégulation, la privatisation et la manipulation du marché qui a permis des régulations inadéquates - tous les éléments fondateurs de la grandeur et de la décadence d’Enron- sont discrédités aux Etats-Unis. Et dans les pays en développement -où leurs effets ont été dévastateurs- ils sont l’objet d’un opprobre généralisé.
Malheureusement, le FMI et la Banque Mondiale continuent à chanter les hymnes du fondamentalisme du marché.
• La domination du marché : De même qu’Enron a créé de nouveaux marchés de produits exotiques comme la large bande, le FMI et la Banque Mondiale ont travaillé pour rendre marchands des services qui relevaient du secteur publique et non commercial.
Un exemple : les honoraires payés par des patients pour une consultation médicale de base. La Banque Mondiale continue à promouvoir des tels honoraires même si elle a fait marche arrière quant à son soutien à l’éducation privée. La conséquence est la impossibilité d’un accès aux soins médicaux pour la population pauvre. En Papouasie Nouvelle Guinée, l’introduction d’une médecine payante a entraîné une diminution de 30% des patients.
• La dérégulation : La dérégulation irresponsable effectuée en Californie a permis à Enron et a d’autres compagnies dans l’énergie de flouer les clients. De même les dérégulation désastreuses induites par le FMI et la BM dans les pays en développement. Aux Philippines et au Ghana la dérégulation minière a ouvert le pays aux gigantesques compagnies multinationales, déplaçant des milliers d’habitants et dévastant le milieu ambiant.
• La privatisation : Un point central dans l’histoire d’Enron fut de s’être accaparé des services privatisés d’électricité, d’eau dans les pays en développement. Un pays dans le quel Enron a essayé de prendre le contrôle du système de distribution d’eau fut le Ghana. Des soupçons sur une corruption possible y compris par la Banque Mondiale ont fait capoter le business.
Mais la Banque Mondiale continue à mettre la pression pour que ce pays d’Afrique Occidental privatise son eau. Pour préparer l’opération, le prix de l’eau fut doublé et la Banque prévoit des augmentations encore dans un avenir proche, même si les pauvres consommateurs ghanéens sont obligés de dépenser entre 10 et 20% de leurs revenus en eau potable. Dans un pays où le tiers des consommateurs ne sont même pas connectés au réseau de distribution d’eau, les compagnies privées ne seraient pas obligées d’étendre ce service aux pauvres.
Dans la République Dominicaine, la privatisation appuyée par la Banque Mondiale a permis à Enron de faire intrusion dans le service d’électricité : elle a pris une participation et immédiatement une augmentation des prix a suivi. Quand les consommateurs et le gouvernement n’ont plus pu payer ces prix si élevés, Enron a coupé le courant. On dit maintenant que Enron et ses partenaires n’ont pas payé assez cher cette participation, grâce à l’évaluation réalisée par une filiale de Arthur-Andersen.
• Manipulation des marchés financiers : La fraude financière de Enron est déjà légendaire. Mais il ne faut pas oublier le piège du FMI au Brésil. Tout le monde sait qu’il n’y a aucune chance qu’il paye sa dette externe. Mais au lieu de reconnaître et accepter ce fait en élaborant un plan de remboursement réduit pour les créditeurs, le FMI lui accorde un nouveau prêt pour honorer les anciens. Cela a deux effet immédiats : que les créditeurs et banques privées des Etats Unis reçoivent leur argent et que les obligations liées à la dette soient transférées au FMI. Triple coup parce que cela permet au FMI de demander des mesures d’austérité au Brésil avec l’intention explicite d’inclure aussi des politiques fondamentalistes de marché, sans se soucier du parti qui va gagner les prochaines élections.
Les restrictions liées au pouvoir corporatiste sont bien plus nécessaires dans les pays en développement qu’aux Etats-Unis. Mais le FMI et La Banque Mondiale continuent allégrement à libérer systématiquement l’activité corporatiste dans l’hémisphère sud. C’est la raison principale pour laquelle des milliers de personnes ont manifesté cette fin de semaine à Washington contre les actions de ces organismes.
Ces actions ont leur importance : Au cours de l’année 2000, après les dernières grandes manifestations aux Etats-Unis contre le FMI et la Banque Mondiale, le Congrès a approuvé une loi qui exige que les Etats-Unis s’opposent aux prêts du FMI et de la BM qui incluraient des remboursements concernant l’éducation primaire ou l’assistance médicale. Ainsi, la Tanzanie a supprimé les remboursements concernant l’éducation primaire et 1.500.000 d’enfants -surtout des filles- ont pu avoir accès à l’école.
L’auteur travaille avec « Mobilization for Global Justice » et il est directeur de la revue « Multinational Monitor ».