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Le procès qui a été entamé aux Etats-Unis contre l’entreprise Daimler-Chrysler pour violation des droits de l’homme en Argentine, met en danger la sécurité nationale. Par cet argument l’entreprise dont le siège se trouve à Stuttgart, a refusé de recevoir la plainte et a sollicité auprès de la Cour d’Appel de Karlsruhe la suspension de la démarche déjà entamée par la Justice.
L’argument de l’entreprise avec siège à Stuttgart
En janvier 2004, l’avocat étasunien, Dan Kovalik, a déposé pour l’ONG « International Labor Rights Fund », devant la Cour Fédérale de San Francisco, Californie, une plainte au civil pour indemnisation pour des dommages subis. Pendant la dictature militaire en Argentine au moins 18 travailleurs de Mercedez Benz Argentine ont été enlevés, 15 d’entre eux ont disparu. Selon des déclarations de témoins, la direction de Mercedez Benz Argentine a activement collaboré avec l’appareil répressif du régime militaire. À la demande de l’avocat des victimes, Ricardo Monner Sans, le ministère public à Buenos Aires a engagé des investigations contre l’entreprise pour « association illicite de malfaiteurs ». Le juge Rodolfo Canicoba Corral a ordonné la détention de Rubén Lavallen, l’ex chef de la sécurité de Mercedez Benz, qui jusqu’à présent n’avait pas été arrêté et a continué à percevoir sa retraite comme policier à la retraite du Commissariat des Investigations de la localité de San Justo, en Argentine.
L’entreprise allemande devait se voir notifier la plainte en avril. C’est une demande de la loi américaine et du droit allemand, pour qu’une sentence puisse être reconnue dans un tribunal d’un autre État. Le président de la Cour de Fribourg, en Allemagne, sur laquelle est tombée cette démarche, a ordonné la notification à l’entreprise au mois de juillet, en s’appuyant sur « la Convention sur la Notification ou le Transfert à l’Étranger de Documents Judiciaires ou Extrajudiciaires en Matière Civile ou Commerciale » (La Haye 1965). Selon cette convention internationale, les États s’engagent à livrer, dans leur territoire, les documents judiciaires provenant de l’extérieur, même dans des procès étrangers à la juridiction elle-même.
Pour des raisons de sécurité judiciaire, comme le définit l’accord, il doit y avoir toujours notifications. Quasiment sans exception. La seule circonstance qui permet, exceptionnellement, la non livraison des documents est lorsque la livraison mentionnée met en danger les droits souverains, ou la sécurité nationale de l’État. Article 13 de la Convention : « L’accomplissement d’une demande de notification ou de transfert conformément aux dispositions de la présente Convention pourrait être uniquement refusée si l’État sollicité juge que cet accomplissement est de telle nature à impliquer une atteinte à sa souveraineté ou sa sécurité. »
Le Ministre de la Justice à Berlin a communiqué à la Cour de Fribourg qu’il n’y avait pas de problèmes et qu’on pouvait procéder à la livraison de la notification à l’entreprise. Pour cette raison le président de la Cour de Fribourg a décidé qu’un rapport judiciaire spécial n’est pas nécessaire, parce que c’est la « tâche du tribunal américain de décider s’il est compétent pour cette cause ». Avec la notification on remplit une simple formalité, plus tard les parties pourront s’affronter, contenus des dossiers et preuves à l’appui, avec l’entreprise accusée. Aux Etats Unis, un État de droit, les droits des participants dans un procès sont garantis.
Mais Daimler-Chrysler voit en cela une mise en danger de l’existence de la République Fédérale d’Allemagne et a fait appel auprès du tribunal supérieur, à la Cour d’Appel de Karlsruhe. Elle a sollicité la suspension de la notification. L’entreprise a présenté le rapport d’un expert (le professeur Burkhard Hess), demandé et payé par l’entreprise - qui allègue que le procès « abuse » de la loi des Etats Unis, et essaye d’extorquer Daimler pour qu’elle accepte un accord financier, « bien que les faits, présentés dans le procès, n’aient aucune substance ». Comme preuve du manque de évidence on ajoute le rapport d’un autre expert - le professeur Christian Tomuschat, aussi demandé et payé par l’entreprise accusée.
Selon les avocats de Daimler-Chrysler, la décision du Ministère de la Justice fut « évidemment motivée politiquement », pour « éviter un conflit judiciaire avec les Etats-Unis ». Comme preuve de l’intention abusive des plaignants, les avocats mentionnent que ceux-ci -les parents des disparus et les victimes survivantes- veulent pour eux uniquement une partie de l’argent que payerait l’entreprise, au cas où ils gagnent le procès. Avec un grande part de cet argent ils prétendent construire un hôpital dans la localité de González Catan. « De cette manière on crée une situation où notre client est forcé à accomplir une oeuvre sociale pour être protégé d’un procès aux Etats Unis pour des dommages et des préjudices ».
De quelle manière cette « situation », celle d’une entreprise privée, met en danger la sécurité nationale de l’Allemagne, c’est quelque chose que les avocats de la Daimler-Chrysler n’expliquent pas.
On vient d’apprendre qu’en septembre, la Cour d’Appel de Karlsruhe a suspendu la notification. Elle dit : « l’entreprise pose que la plainte est déposée dans un but abusif, parce que face à l’absence claire de preuves et avec peu de chances de gagner juridiquement le procès l’entreprise se verra forcée, sous la pression des medias, de courir le risque d’être poursuivie si elle accepte le paiement d’une indemnisation. »
L’ONG prétend suspendre la décision finale, jusqu’à ce que la Cour Constitutionnelle Allemande se soit exprimée sur le cas « Napster ». Dans ce cas plusieurs chanteurs américains qui ont présenté aux Etats Unis un jugement collectif -« class action »- contre l’éditeur allemand Bertelsmann, pour violation de leurs droits d’auteurs pour une valeur de 17 milliards de dollars. On accuse l’éditeur d’être présument lié à la bourse de musique sur internet « Napster ». Bertelsmann a fait appel à la Cour Constitutionnelle Allemande en disant que les procès en « class action » violent le droit constitutionnel allemand. La Cour Constitutionnelle n’a pas encore émis son jugement.
L’avocat Dan Kovalik soutient que le jugement contre Daimler-Chrysler n’est pas une « class action », mais un jugement normal pour des dommages et des préjudices - qui est aussi reconnus par la juridiction allemande. Face aux preuves claires de la culpabilité, l’entreprise réagit en paniquant. Avec une conscience propre, ils pourraient tranquillement faire face à un procès dans n’importe quelle partie du monde. « D’un coté, ils gagnent des millions de dollars avec le produit de vente d’automobiles sur le marché américain, et d’un autre ils ne veulent pas reconnaître notre juridiction ».
Traduction de l’espagnol par : Estelle et Carlos Debiasi
Argepress . Buenos Aires, le 10 octubre 2004