recherche

Accueil > Les Cousins > Pérou > Le président Toledo en pleine tourmente politique

20 février 2004

Le président Toledo en pleine tourmente politique

 

Alejandro Toledo est aujourd’hui déstabilisé par un scandale de corruption : l’un de ses conseillers a été arrêté et son vice-président a démissionné. Seule solution pour survivre : former un gouvernement d’union nationale.

Par Laura Puertas
El Pais, Madrid. De Lima
Courrier International, 20/2/2004

La diffusion, début février, d’une simple cassette a provoqué un énorme tremblement de terre politique. Il est vrai que cette cassette contenait des conversations téléphoniques, enregistrées en septembre et en décembre 2001, entre César Almeyda, alors conseiller du président Toledo et ancien chef des services secrets, et le général Oscar Villanueva, recherché par la justice en raison de ses liens avec la mafia dirigée dans les années 90 par le tandem Vladimiro Montesinos-Alberto Fujimori. Il en ressort que l’avocat personnel de Toledo a négocié des faveurs judiciaires avec le "trésorier" de Montesinos un mois seulement avant l’entrée en fonctions du président, probablement en échange d’une somme d’argent dont on ignore le montant exact. Almeyda a reconnu avoir rencontré par deux fois le général Villanueva, mais il nie s’être rendu coupable d’un quelconque délit ; il est actuellement assigné à résidence et fait l’objet d’une enquête du Congrès et de la justice péruviens.

L’affaire se complique du fait du suicide de Villanueva quelques jours après sa seconde rencontre avec Almeyda, en décembre 2001. Le général n’a cependant pas emporté tous ses secrets dans la tombe. Il semble en effet qu’il ait laissé plusieurs lettres écrites de sa main, dans lesquelles il affirme avoir subi des pressions de la part d’Almeyda et d’autres hauts responsables de l’entourage de Toledo. Ces documents sont actuellement analysés par les autorités.

Mais ce n’est pas tout. Le jour où le contenu de la cassette a été rendu public, le premier vice-président, Raúl Díez Canseco, a présenté sa démission, malgré les supplications que Toledo - affolé - lui a adressées au téléphone, une scène dont ont été témoins les journalistes qui suivaient le chef de l’Etat en tournée dans le sud du pays.

La démission de Díez Canseco demande plus d’une explication. Dans la pratique, l’homme n’était plus vice-président depuis plusieurs mois, après que la presse eut révélé, en octobre 2003, qu’il s’était rendu coupable de favoritisme et de trafic d’influence en faisant embaucher sa maîtresse par l’Etat et en accordant des faveurs au père de cette dernière. Trois jours avant d’être interrogé par le Congrès, Díez Canseco a voulu apporter de l’eau à son moulin en annonçant sa démission irrévocable et donner de lui l’image d’un champion de la morale en prenant ses distances avec un gouvernement se trouvant dans l’oeil du cyclone. Mais il n’a trompé personne : beaucoup lui ont rappelé que les rats quittent le navire lorsqu’ils sentent qu’il va couler.

Un autre fait permet d’expliquer les nuages qui assombrissent le paysage politique au Pérou. Même le grand héros de la lutte contre la corruption, Fernando Olivera, ambassadeur du Pérou en Espagne, chef du Front indépendant moralisateur et principal allié du président Toledo au gouvernement, est mis au pilori. Une enquête a été ouverte contre lui, et il a dû se rendre à Lima pour comparaître devant le Congrès. Olivera affirme qu’il est victime d’une campagne de dénigrement menée par le principal parti de l’opposition, l’APRA. Les membres de celui-ci nient en bloc et rappellent que, dans plusieurs lettres, le général Villanueva accuse Olivera d’avoir fait pression sur lui et de l’avoir trompé lorsqu’il était ministre de la Justice. Pour couronner le tout, l’un de ses anciens associés a annoncé son intention de dévoiler la liste des personnes ayant financé la campagne du parti d’Olivera, qui contiendrait de nombreuses surprises.
L’unique issue pour le gouvernement agonisant de Toledo serait que celui-ci comprenne qu’il doit partager le pouvoir. L’ex-président Valentín Paniagua, l’actuel ministre de l’Intérieur Fernando Rospigliosi et la majorité des analystes s’accordent sur la nécessité de former un cabinet de personnalités indépendantes en accord avec les forces de l’opposition, qui permettrait à Toledo d’avoir assez d’oxygène pour aller jusqu’au terme de son mandat, en juin 2006. Sinon, la mobilisation nationale des producteurs de coca, le 18 février, et les différentes grèves régionales risquent d’avoir des conséquences imprévisibles.

Retour en haut de la page

El Correo

|

Patte blanche

|

Plan du site