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20 octobre 2003

Le marché des armes ne connaît pas la crise

 

Les Etats-Unis se taillent la part du lion avec 41% du gâteau mondial. Suit la Russie avec 22%. Medaille de bronce pour la France.

Par Luciano Bertozzil
Il Manifesto,
Paru le Lundi 13 Octobre 2003

Les « marchands de la mort » affichent un chiffre d’affaires d’environ 93 milliards de dollars en cinq ans. Une somme qui ne peut aller qu’en augmentant, car le fait d’avoir introduit dans l’agenda politique la lutte contre le terrorisme, en délaissant le combat contre la faim et les maladies, donne aux Etats la justification rêvée pour hisser le niveau des frais destinés à l’achat de matériel militaire.

Les ventes mondiales d’armes ont comptabilisé en cinq ans, entre 1998 et 2002, un chiffre d’affaires de 92,5 milliards de dollars, un montant qui ne tient pas compte du taux d’inflation enregistré ces années-là. Ce chiffre apparaît dans le dernier annuaire du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), le centre d’études sur le désarmement basé dans la capitale suédoise. Mais il faut dire que cette somme, qui réunit le total des ventes effectuées, ne représente pas le commerce des armes dans son ensemble.

Il concerne uniquement les systèmes d’armement « lourds », tels que les avions, les hélicoptères, les chars armés, les canons, les navires, etc. A côté des données statistiques, dans son « Yearbook 2003 », le SIPRI présente aussi un tableau détaillé des plus importants fournisseurs et acheteurs de matériel militaire.

Le centre suédois y établit un classement, où les Etats-Unis figurent en tête du peloton des pays « leaders » dans les ventes d’armes. En cinq ans, Washington a « placé » ces objets militaires pour un montant avoisinant les 38 milliards de dollars, ce qui équivaut à 41% du gâteau global relevé par le SIPRI. Cette performance s’explique par les ventes que le pays de l’Oncle Sam a effectuées à la fin des années 90, quand la planète était une véritable poudrière. Dans le détail, les principaux clients des Etats-Unis ont été :

 Taiwan (4,8 milliards),
 l’Egypte (3 milliards),
 l’Arabie saoudite (2,9 milliards),
 la Turquie et le Japon (2,8 milliards),
 le Royaume-Uni (2,6 milliards),
-Israël (2,3 milliards) et
 la Corée du Sud (2,2 milliards).

Une grande partie de ces pays sont toujours « en guerre ». Mais ce « résultat » s’explique aussi par le fait que la lutte contre le terrorisme a fourni à George W. Bush le prétexte rêvé pour alléger certaines restrictions légales sur les exportations militaires.

Pratiques douteuses

Washington a subi une petite « contrariété », en 2001 et 2002, quand la première place du classement du SIPRI a été occupée par la Russie, un pays qui, cependant, sur l’ensemble de la période étudiée par le centre suédois, se retrouve au deuxième rang, loin derrière les Etats-Unis, avec un montant total de ventes de 21 milliards. La portion du gâteau russe s’affiche ainsi à 22%, mais les ventes sont en constante augmentation, grâce aussi aux contrats stipulés avec :

 la Chine (8,2 milliards en cinq ans),
 l’Inde (3,9 milliards),
 l’Iran,
 l’Algérie,
 la Grèce,
 la Syrie et
 le Yémen.

Les gains espérés s’avèrent juteux. Tous les moyens sont bons alors pour faire des affaires. Ainsi, pour ne pas laisser filer des clients, la Russie a, par exemple, facilement donné sa permission à l’Inde d’exporter les missiles anti-navire qu’elle a coproduit avec New Delhi à des pays tiers, parmi lesquels peuvent figurer des Etats hostiles à Moscou. Tout comme elle a passé, sans hésiter, un accord avec Israël, comportant pour l’industrie militaire russe le droit de recevoir des participations et des royalties dans le cadre des travaux de modernisation des infrastructures militaires israéliennes.

S’élevant à la troisième place, la France cumule, elle, 8,3 milliards de dollars de ventes. Ses acheteurs sont :

 Taiwan,
 les Emirats Arabes Unis,
 le Pakistan,
 le Brésil et
 la Turquie.

Et au même titre que Moscou, Paris s’adonne à des pratiques douteuses pour ne pas perdre des marchés importants. Ainsi, la France approvisionne à la fois le Pakistan et l’Inde, deux pays au bords du conflit nucléaire.

Le pretexte du terrorisme

Il y a toutefois une nouveauté dans le classement du SIPRI. L’Allemagne vient de se hisser à la quatrième place, en dépassant le Royaume-Uni. Qui sont ses principaux acheteurs ? La réponse laisse songeur :

 la Turquie (pour presque un milliard de dollars) et
 Israël.

Pas mal, pour un gouvernement dirigé par des sociaux-démocrates et par les Verts.

Dans le classement suivent enfin l’Ukraine, qui n’a rien d’autre à vendre que des armes à l’ancien empire soviétique, et l’Italie, qui a réussi à gagner une place en passant de la huitième à la septième position, avec 1,8 milliard de chiffre d’affaires. Puis l’on retrouve la Chine, les Pays-Bas, la Biélorussie, la Suède et Israël (en douzième position avec 900 millions de dollars de ventes).

Face à ces chiffres, un constat s’impose : un pareil niveau de dépenses militaires constitue un scandale. L’argent pour garantir une vie digne aux êtres humains qui en ont besoin n’est jamais disponible. Alors que l’on obtient toujours des ressources financières pour acheter des bombes.

Mais il y a aussi une autre considération à préciser : le fait d’avoir introduit dans l’agenda politique la lutte contre le terrorisme, en délaissant le combat contre la faim et les maladies, a permis à de nombreux pays d’augmenter le chapitre des frais militaires, jusqu’à atteindre - comme cela a été le cas pour l’administration Bush- des niveaux inégalés.

« Les pays occidentaux sont capables de trouver 200 milliards de dollars pour lutter contre le terrorisme mais ne réussissent pas à ramasser l’argent pour la fourniture de traitements rétro-viraux à tous ceux qui, en Afrique par exemple, en ont besoin », renchérit à cet effet un représentant d’ONUSIDA, en soulignant qu’il faudrait à peine 6 milliards pour conduire une campagne « utile », c’est-à-dire efficace, contre le sida.

Traduit et adapté par :
FABIO LO VERSO

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