Accueil > Les Cousins > Cuba > Le dissident Raul Rivero est libéré
La plus célèbre figure de la dissidence cubaine, le journaliste, écrivain et poète Raul Rivero, condamné à 20 ans de prison l’an dernier, a été libéré mardi « pour raison de santé » et au bout de 20 mois de pressions internationales sur le régime du président Fidel Castro.
Agence France-Presse
La Havane, le mardi 30 novembre 2004
Sa libération a été annoncée par son épouse Blanca Reyes qui, très émue, a déclarée simplement à l’AFP au téléphone : « Je voulais vous dire que Raul est à la maison ».
« Je sors sans colère, sans position belliqueuse, plutôt constructive. Je n’ai pas de haine », a-t-il déclaré peu après à l’AFP depuis son minuscule appartement du centre de La Havane.
Sa libération a été décidée « pour raison de santé » et lui a été présentée comme une « permission extra-pénale », une forme de liberté conditionnelle en droit cubain.
Atteint d’obésité, grand buveur et personnage truculent, Raul Rivero a perdu une trentaine de kilos en prison et souffrait de complications pulmonaires, selon son épouse, qui a mené un combat infatiguable en faveur de sa libération, a la tête des « dames en blanc », les épouses de dissidents, et lui rendait visite tous les trois mois.
Agé de 59 ans, Raul Rivero avait été arrêté le 20 mars 2003 avec 74 autres opposants, accusés d’être des « mercenaires » au service des États-Unis, à l’occasion de la vague de répression la plus dure depuis de nombreuses années du régime castriste.
Il avait été condamné le 7 avril suivant à 20 ans de prison après un procès sommaire, au cours duquel il fut accusé, entre autres, de « fréquenter des éléments anti-sociaux », de « manifester des opinions grossières à l’encontre du processus révolutionnaire », de « désobéir aux avertissements officiels » et se montrer « irrespectueux des normes de vie sociale ».
La perpétuité avait été demandée à son encontre.
Les peines prononçées contre les 75 opposants —de six à 28 ans de prison— avaient suscité un tollé international et des sanctions de l’Union européenne contre Cuba.
Poète, écrivain et journaliste, partisan enthousiaste du régime de Fidel Castro, passé ensuite à la dissidence, selon la trajectoire de la plupart des opposants, Raul Rivero était directeur de l’agence de presse indépendante CubaPress et vice-président de la Société interaméricaine de presse.
Depuis sa prison, il a continué a écrire des poèmes « d’amour et de désamour » et préparé deux prochains livres.
L’UNESCO lui a décerné en avril le prix mondial de la liberté d’expression 2004, soulignant qu’« au fil des années, Raul Rivero a chèrement payé son engagement ».
« Je veux continuer à faire du journalisme. La prison n’a rien changé en moi là-dessus », a-t-il encore déclaré à l’AFP. Une trentaine de journalistes indépendants figuraient parmis les 75 condamnés de l’an dernier.
Dans un entretien à la radio espagnole Cadena Ser, le dissident a exprimé sa « gratitude éternelle au gouvernement espagnol » et mis en doute l’efficacité des sanctions contre Cuba.
L’Espagne milite pour un assouplissement des sanctions européennes contre Cuba, en échange de « gestes » des autorités cubaines.
Rivero avait été transféré vendredi de sa prison de Canaletas, à 450 km à l’est de La Havane, pour un hôpital militaire de la capitale, avec 17 autres dissidents emprisonnés l’an dernier.
Sa libération est intervenue au lendemain de celle de trois autres opposants dont l’économiste Oscar Espinosa Chepe, 64 ans, qui avait écopé lui aussi d’une peine de 20 ans prison.
Au total, le régime cubain a libéré cette année 11 des 75 dissidents emprisonnés, la plupart pour raison de santé. Le nombre de prisonniers politiques cubains est évalué à environ 340 par les organisations des droits de l’homme.