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14 novembre 2005

Le Novembre 2005 français
Mal de France

 

Le gouvernement en est certes au point où il lui faut sortir de la crise pour rester crédible et garder la main. Mais il le fait en aggravant sa politique. À la casse sociale correspond l’appareil répressif.

Par Maurice Ulrich
L’Humanité
. Paris, jeudi 10 novembre 2005

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Les flammes des nuits que nous vivons, dramatiques pour ceux qui sont touchés de près, invitent à un renversement de perspective. La banlieue n’est pas la périphérie. Elle est au centre de la société française. Il n’y a pas d’un côté des cités de la peur et de l’autre une France de la sérénité. C’est le pays qui est en crise. Les mêmes incendies éclairent crûment l’action du gouvernement. Il fallut sans doute beaucoup d’aplomb au premier ministre avant-hier pour énoncer ses mesures "sociales".

Pour nombre d’entre elles, des contrats d’accompagnement pour l’emploi aux subventions promises aux associations, elles ne sont rien d’autre que le rétablissement très relatif de ce que cette majorité s’est empressée de supprimer dès qu’elle est arrivée au pouvoir.

Il a fallu que sa politique en arrive à ces paysages de ruines, à ces brasiers auxquels les propos absolument irresponsables du ministre de l’Intérieur ne sont pas étrangers, pour qu’elle signe ainsi ce qui pourrait n’être qu’un incroyable constat d’échec des dernières décennies. Elle allait « réduire la fracture sociale », elle allait « en finir avec l’insécurité ». C’est tout le contraire. Mais ce n’est pas un aveu d’échec, ce n’est pas de l’impuissance, c’est une politique.

Car pendant que ça brûle, la casse continue. Ainsi de la création de nouvelles zones franches. Ce serait en aidant les entreprises à s’affranchir du droit que l’on ferait reculer le non-droit ? Ainsi de l’apprentissage à quatorze ans et des bourses au mérite. Des centaines de milliers de jeunes sortis plus tôt de l’école et une poignée d’entre eux promus : ce serait l’égalité des chances ? Comment ne pas voir qu’avec cette disposition le gouvernement aggrave précisément les fractures sociales. Il s’agit de la même logique que celle qui a mobilisé contre elle les lycéens au printemps. La réussite pour les beaux quartiers. Le socle minimum de connaissance, le SMIC éducatif, pour les lycées des quartiers modestes, l’apprentissage pour les jeunes des quartiers dits sensibles ; ceux où cela fait le plus mal.

Le gouvernement en est certes au point où il lui faut sortir de la crise pour rester crédible et garder la main. Mais il le fait en aggravant sa politique. À la casse sociale correspond l’appareil répressif. Nul ne doute de la nécessité impérieuse de voir finir les violences. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit avec l’état d’urgence. La loi de 1955 est bien une loi d’exception. Elle revient non seulement en compagnie des spectres de la guerre d’Algérie mais au moment où un tribunal, à Marseille, déclare une grève illégale, quelques jours après l’envoi contre des marins rejetant la privatisation d’un commando du GIGN, comme dans les luttes antiterroristes. Et pendant ce temps-là le MEDEF prépare ses coups contre l’assurance chômage, la précarité s’accroît.

La banlieue est au centre parce qu’elle n’est pas seulement faite de ces nuits-là mais qu’elle est la France du travail et que c’est là que frappe, partout, cette politique. Quand bien même elle frappe plus encore les plus démunis, ceux qui subissent le plus de discriminations. Les journées que nous vivons peuvent laisser des traces profondes mais elles peuvent aussi devenir un formidable appel au débat démocratique, aux rassemblements de tous pour d’autres constructions politiques, dans le respect et la confiance.

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