Accueil > Empire et Résistance > Le BIT dénonce les excès de la mondialisation
Dans un rapport le BIT stigmatise les excès de la mondialisation, l’absence de « bonne gouvernance », la responsabilité des institutions et des multinationales. Des excès dont l’Argentine, et bien d’autres pays, font les frais.
Par El Correo
Le 25 février 2004
Le Bureau international du travail vient de publier un important rapport sur la dimension sociale de la mondialisation. Les auteurs soulignent les nombreux dégâts des processus mal gérés : privatisations désastreuses des services publics abaissement des normes sociales, précarité grandissante, accroissement du chômage officiel. L’organisation s’est penchée pendant deux ans sur ce phénomène. Une commission mondiale de vingt-six commissaires a été créée, regroupant politiques, activistes, hommes d’affaires, économistes, syndicalistes. Une consultation au niveau national, régional et international a été lancée à la quelle ont participé plus de 2000 décideurs et acteurs sociaux. L’initiative est née du constat que le débat public sur la mondialisation était devenu un "dialogue de sourds".
"Le monde est à un carrefour critique et il est urgent de repenser nos politiques et nos institutions actuelles".
Les auteurs appellent à une « bonne gouvernance », ce qui suppose que les institutions comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international et les Etats adoptent une autre façon d’agir. Le rapport ne remet pas en cause la mondialisation mais « le processus génère des déséquilibres entre pays et à l’intérieur des pays. Pour la vaste majorité des hommes et des femmes, la mondialisation n’a pas répondu à leurs aspirations, simples et légitimes, à un travail décent. Des déséquilibres qui sont "moralement inacceptables et politiquement intenables".
Si la mondialisation a permis certains progrès, les dérives sont nombreuses. A commencer par une fragilisation sociale. "La mondialisation pousse les entreprises à être plus compétitives, ce qui pèse sur les salaires et entraîne les fusions". Les privatisations des services publics comme l’eau, l’électricité, les services de santé, imposées par les politiques des pays industrialisés et les institutions internationales (FMI, OMC, etc.) sont sur le banc des accusés : elles "aggravent la pauvreté". On a assisté à une précarisation des emplois et à une dégradation des conditions de travail. Le chômage déclaré a augmenté au cours des dix dernières années pour atteindre quelque 188 millions de chômeurs en 2003.
Le rapport pointe du doigt aussi L’ouverture des flux de capitaux qui a favorisé des systèmes financiers vulnérables. Sans oublier les programmes imposés par les organisations internationales, comme le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale, " arrogantes et ignorantes de la situation locale ", ont conduit " à amputer le financement de l’éducation et les dépenses sociales ". C’est d’ailleurs ce qui guette l’Argentine.
C’est l’absence de gouvernance que stigmatise le rapport et l’influence croissante des multinationales : "Les marchés mondiaux se sont développés sans que se développent parallèlement les institutions économiques et sociales nécessaires pour qu’ils fonctionnent sans à-coups et équitablement." D’autant que les conséquences de la mondialisation ne se limitent pas aux pays du « sud » peu développé mais elle touche les pauvres des pays riches, on le voit bien en Amérique Latine.
La commission formule plusieurs propositions : des mesures pour promouvoir les normes fondamentales du travail et une protection sociale minimale ; des règles plus équitables en matière de commerce international, d’investissement, de finance et de migrations ; contrôle parlementaire accru sur les institutions internationales qui doivent être davantage comptables vis-à-vis du grand public des politiques qu’elles appliquent. Une meilleure représentation des pays concernés dans les institutions qui décident de leur sort.
Enfin la commission propose un nouvel instrument opérationnel pour améliorer la qualité de la coordination des politiques des différentes organisations internationales, lorsque leurs mandats se recoupent et leurs politiques interagissent ( par exemple Nations unies, la Banque mondiale, l’OMC et le BIT sur la question de la croissance mondiale et de l’emploi).
La commission : créée par le Bureau international du travail, la commission mondiale comprend vingt-six membres. Présidée par deux chefs d’Etat en exercice, la Finlandaise Tarja Halonen et le Tanzanien Benjamin William Mkapa, elle comprend des personnalités aussi diverses que Giuliano Amato, ancien premier ministre italien, Valentina Matvienko, gouverneur de Saint-Pétersbourg, Taizo Nishimuro, président du conseil d’administration de Toshiba, le Prix Nobel Joseph Stiglitz, le président de l’AFL-CIO, Joseph Sweeney, l’économiste du développement péruvien Hernando de Soto, présent au dernier forum de Davos, ou encore la Malienne Amina Traoré, figure du Forum social de Porto Alegre.