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30 de marzo de 2004

Le 21ème Siècle sera indigène ou ne sera pas.

 

Cette affirmation, qui peut paraître littéraire, devient réalité dans l’Altiplano bolivien depuis l’année 2000.

Cette année-là, des barrages de routes édifiés par les indigènes aymaras ont ébranlé un pays qui, depuis sa fondation, n’a cessé de les exclure et de les exploiter. « Dans la campagne où nous vivons, il n’y a pas d’eau, pas d’électricité, pas d’aspirine pour nous soigner et, quand les enfants ont mal au ventre, ils doivent prendre de l’urine en guise de médicament » déclarait alors Felipe Quispe, dirigeant de la CSUTCB (Confédération Syndicale Unifiée des Travailleurs Paysans de Bolivie), mettant ainsi en évidence une réalité douloureuse. Grâce à ce moyen de pression, les paysans sont parvenus à faire signer, par le gouvernement d’Hugo Banzer, un accord comportant 70 points parmi lesquels des mesures de réforme agraire et
l’octroi de mille tracteurs pour les paysans.

Régime de terreur

Trois années plus tard, en septembre 2003, les paysans aymaras se remobilisent afin d’exiger du gouvernement de Gonzalo Sánchez de Lozada le respect de ces 70 points, mais aussi pour rejeter le projet gouvernemental de vente du gaz naturel au capital transnational. Ce dernier point avait déjà commencé à mobiliser d’autres secteurs de la population, préoccupés par la sauvegarde des ressources naturelles nationales.

La réponse du gouvernement est la violence. Le 20 septembre, le lendemain d’une mobilisation nationale pour la défense du gaz, le gouvernement envoie un contingent militaire et policier, commandé par le ministre de la défense Carlos Sánchez Berzaín, pour « libérer » un groupe de touristes bloqué par les barrages aymara. Cette action génère, entre les forces armées et les groupes de paysans, un affrontement qui se solde par 5 morts, dont celle d’une petite fille de 8 ans qui a reçu un impact de balle. Cet événement, désigné par le terme "massacre de Warisata" (du nom du lieu) provoque une indignation populaire. La CSUTCB appelle alors à radicaliser la lutte contre le gouvernement. Les premiers à entendre cet appel sont les habitants d’El Alto (ville majoritairement aymara) qui, dès les premiers jours d’octobre, commencent une grève civique et de quartier en bloquant les routes et les avenues en signe de soutien à leurs frères paysans.

Pour en finir avec ces mobilisations, Sánchez de Lozada recourt une nouvelle fois à la violence. En quelques jours, le nombre de morts augmente de façon terrifiante. Mais le peuple est décidé à ne pas se laisser humilier une fois de plus. Loin de se laisser intimider, les habitants d’El Alto maintiennent héroïquement la résistance, pendant que le reste du pays commence à se soulever en solidarité avec le peuple aymara, massacré par le gouvernement.Ainsi la Central Obrera Boliviana (Centrale ouvrière bolivienne, principal organisme syndical du pays), le mouvement cocalero [1], les universitaires, les enseignants et, tout simplement, la population, se joignent à la résistance.

Le 15 octobre, la révolte est nationale et le mot d’ordre réclame la démission du président. Mais celui-ci, décidé à conserver son poste à n’importe quel prix et aidé de Sánchez Berzaín, qui est appelé l’ange de la mort, instaure un régime de terreur que la Bolivie n’avait pas connu depuis les années les plus dures de la dictature militaire.

Un changement qui ne changera rien

La chute cependant était inévitable. Le 17 octobre, abandonné par ses alliés politiques, Sánchez de Lozada s’enfuit aux États-Unis pour se soustraire aux menaces de jugement concernant sa responsabilité dans la mort de 80 personnes, au cours des affrontements de rue. Depuis, c’est le vice-président Carlos D. Mesa que la constitution a chargé d’assumer le pouvoir. On peut cependant se demander si cette nouvelle nomination change quoi que se soit à la situation, le président
ayant été remplacé par une personne qui a soutenu l’ensemble de sa politique jusqu’à ce que la répression devienne trop scandaleuse. Les règles du jeu n’ont pas changé. Mesa est soutenu depuis les États-Unis et reste pris en étau entre les injonctions du FMI et la volonté du peuple bolivien de jouir de ses ressources naturelles.

Une leçon du peuple aymara

S’il est sûr que la chute du président Sánchez de Lozada a été possible grâce à l’action coordonnée de plusieurs mouvements sociaux (paysans, ouvriers, enseignants, universitaires…), il est nécessaire de rappeler que c’est le mouvement des Aymara qui a apporté, avec leur forme d’organisation et au mépris de leur vie, la force nécessaire à la résistance. La ville d’El Alto, connue aussi en tant que capitale mondiale aymara, a démontré, en ces jours terribles, sa capacité non seulement à résister à la violence mais aussi à s’autogouverner et à se suffire à elle-même, alors que l’état était complètement absent. Pour que cela soit possible au milieu de la militarisation féroce ordonnée par le gouvernement, les Aymara se sont contentés de recourir à leur organisation traditionnelle, c’est-à-dire au système des ayllus, qui sont de petits groupes organisés autour d’un leader (qui est en réalité leur porteparole). Les tâches sont réparties dans le groupe, ainsi, pendant que certains se consacrent à résister contre la violence étatique, d’autres travaillent au ravitaillement ou à la communication avec les autres groupes et c’est ainsi que se tisse un réseau solidaire très large et efficace.

Bien que la Bolivie soit peuplée en grande majorité d’indigènes, le pays s’est efforcé, depuis sa naissance à la vie républicaine en 1825, non seulement de les ignorer mais aussi de les réduire en esclavage. Durant tout ce temps, les indigènes ont vécu dans un état d’urgence permanent, organisant des soulèvements pour réclamer leurs droits légitimes. À chaque fois, ils ont subi une répression cruelle et leurs protestations ont été écrasées dans le sang. Paradoxalement, c’est grâce à
eux, à leur forme d’organisation rurale et à leur incessante production agricole, que le pays a de quoi manger.

Cette dernière rébellion, née dans le peuple aymara mais à laquelle a participé l’ensemble de la société bolivienne, devrait nous donner au moins une leçon : que le pays ne peut pas continuer à ignorer les indigènes, que ceux-ci doivent pouvoir participer activement aux décisions et à l’organisation de l’État d’autant plus que, majoritaires dans le pays, ils sont les propriétaires légitimes du territoire.

Por Sergio Cáceres,
journaliste bolivien cofondateur du journal El juguete rabioso

(Voir son article p. 26-27 du Courrier international n° 668, 21 au 27 août 2003)

Traduction : Cécile Casen
www.eljugueterabioso.org

Notas

[1Les cocaleros sont les paysans de la région andine (Bolivie, Colombie, Pérou) qui cultivent la feuille de coca. Cette plante contient, entre autres choses, du magnésium, du fer, du zinc, et même de la vitamine C. C’est une plante sacrée et un aliment traditionnel, en particulier pour les Indiens de l’Altiplano qui la consomment depuis des millénaires. Le fait qu’elle contienne aussi le principe actif de la cocaïne (alcaloïde identifié par un Autrichien au milieu du XIXème siècle) entraîne son interdiction à un niveau international par les Nations Unies. En tant que premier consommateur mondial, les États-Unis mènent une « guerre contre les drogues » qui se traduit par une répression brutale exercée sur les cultivateurs.

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