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14 de abril de 2003

La sale guerre du pétrole en Amazonie équatorienne

 

Par Amélie Binette

L’entreprise canadienne EnCana a embauché une troupe de 500 paramilitaires pour protéger ses installations contre les attaques des communautés indigènes avoisinantes, dans l’Amazonie équatorienne. La pétrolière est installée aux abords du parc Cuyabeno, une aire protégée du patrimoine forestier de la biodiversité, à l’est de l’Équateur. EnCana, une société valant 30 milliards de dollars, détient 31,4% du projet OCP (Oleoducto de Crudos Pesados). Elle est le principal investisseur du consortium étranger ayant entrepris la construction d’un oléoduc de 500 km qui traversera l’Équateur, de l’Amazonie à la côte du Pacifique. L’oléoduc passera par dix aires protégées, de nombreux territoires habités et des zones à risques sismiques et volcaniques pouvant engendrer d’importantes catastrophes écologiques et humaines.
Du pétrole contre la dette.

Ce projet de 1,1 milliard $US permettra le passage de 450.000 barils de pétrole par jour destinés à l’exportation. Selon Alejandra Almeida, de l’organisation Acción Ecológica, « l’Équateur ne possède même pas les réserves nécessaires pour justifier ce nouvel oléoduc. Les entreprises étrangères vont liquider nos ressources sans que l’on puisse faire quoi que ce soit ». Malgré la forte opposition des habitants autochtones du territoire et des groupes environnementaux, le gouvernement, lié par une dette extérieure oppressante et un programme d’ajustement structurel (PAS) imposé par le Fonds monétaire international (FMI), accueille volontiers cet investissement. « Des revenus de ce mégaprojet, précise Mme Almeida, 80% retourneront aux investisseurs tandis que les 20% que conserve le gouvernement seront principalement destinés au remboursement de la dette. Cet investissement n’apporte concrètement aucun avantage économique pour les habitants de ce pays. En fait, durant les 30 années où l’Équateur a porté l’emblème d’un pays pétrolier, on a noté une augmentation importante de la pauvreté et une détérioration inquiétante de la forêt amazonienne. »

La méthode canadienne

EnCana est née de la fusion entre Alberta Energy et Pancanadian Petroleum. Les nombreux conflits qu’a engendrés son arrivée en Amazonie équatorienne l’ont d’abord forcée à embaucher des paramilitaires pour combattre les Indigènes. L’entreprise a ensuite changé sa stratégie pour en adopter une qui a fait ses preuves au Canada : inviter les chefs des communautés affectées à s’associer à une nouvelle filiale d’EnCana. Elle leur propose de gérer une partie des revenus de la vente d’électricité générée par la récupération des gaz issus du processus d’exploitation. Cela permettrait aux indigènes de profiter des revenus de l’exploitation de leurs richesses, mais, lorsqu’on prend conscience de la corruption et de la division qui en découle, cette méthode est vite mise en doute.

« Nos chefs prennent des arrangements sans même nous consulter et conservent la majorité des bénéfices, affirme Flavio Santí, un Indien Quichua. Les communautés sont divisées comme elles ne l’ont jamais été entre ceux qui embarquent dans le "vice financier" et les autres qui préfèrent protéger le territoire sacré qui nous a donné la vie depuis plus de 14 000 ans. » Malgré les démarches de l’entreprise canadienne pour les amadouer, les autochtones demeurent sceptiques. Leurs trente années d’expérience avec des pétrolières étrangères leur ont fait perdre confiance dans les promesses de développement et de prospérité. Ce fut le cas avec Texaco. Après de nombreux déversements pétroliers et la déforestation d’un million d’hectares de forêt et à cause de la combustion des gaz, 82,4% de la population de la région de Lago Agrio, au nord-est de l’Équateur, souffrent aujourd’hui de maladies respiratoires et dermatologiques. Texaco est poursuivie en cour fédérale de l’État de New York pour les dommages causés durant les vingt années d’exploitation pétrolière dans la région. Dix ans après l’arrêt de ses activités, Texaco refuse toujours d’accorder le moindre dédommagement à la population.

Championne de l’environnement ?

Grâce à ses initiatives environnementales - reboisement, co-génération des gaz, soutien technique lors du déversement pétrolier aux îles Galápagos, etc. -, EnCana a reçu en octobre 2002 le prix du ministère de l’Environnement de l’Équateur. Gwyn Morgan, PDG d’EnCana, affirme fièrement que « nous [EnCana] ne détérions pas l’environnement en Équateur puisque nous fonctionnons selon des standards parmi les plus stricts au monde ». EnCana fait partie des investissements de Ethical Funds, un fonds de placements éthiques canadien qui gère des capitaux valant deux milliards de dollars (dont 22,8M$ investis dans EnCana). Ethical Funds reconnaît qu’il s’agit de l’un de ses investissements les plus controversés. La Banque mondiale, elle, n’a consenti aucun prêt au projet.

En septembre 2002, un ancien dirigeant du département de l’environnement de la Banque mondiale, Robert Goodland, a réalisé une étude qui confirme la violation des règles sociales et environnementales édictées par la Banque. Par exemple, le rejet de déchets pétroliers dans les rivières de la réserve Cuyabeno a provoqué l’intoxication de plusieurs enfants sionas. Goodland contredit ainsi l’analyse de la firme Stone & Webster, que la banque allemande Westdeutsche Landesbank avait diligentée pour légitimer son financement de 900M$US au projet. Par ailleurs, EnCana a été un chef de file dans la lutte contre le protocole de Kyoto au Canada. Les initiatives d’EnCana en matière de protection de l’environnement - comme le fonds écologique EcoFund de l’OCP pour la recherche sur la conservation de l’environnement - n’excusent pas son implication dans ce projet générateur de conflits, considère Robert Walker, vice-président d’Ethical Funds. Ethical Funds sollicite d’ailleurs le vote des autres actionnaires, à la prochaine assemblée générale d’EnCana, en faveur de deux propositions demandant à la compagnie de divulguer les compensations offertes aux communautés locales, les mesures d’atténuation des impacts environnementaux et sa stratégie pour lutter contre les gaz à effet de serre.

À ce stade, Ethical Funds préfère former une large coalition d’actionnaires d’EnCana et demander des comptes à ses dirigeants. « C’est l’approche la plus efficace, estime Robert Walker. Retirer notre investissement n’aurait, en ce moment, peu ou pas d’impact sur la compagnie. » Exportation et développement Canada (EDC), une agence du gouvernement fédéral canadien, cite aussi EnCana parmi ses investissements, mais refuse de confirmer son appui financier au projet OCP. « Le Bloc Québécois est préoccupé par le manque de transparence d’EDC », a commenté le député fédéral (Verchères-Les-Patriotes) Stéphane Bergeron, qui a demandé des éclaircissements à l’agence. Les Indigènes n’ont pas de titres de propriété sur leurs terres à l’écologie fragile. Propriétaire du sous-sol, le gouvernement national en concède l’exploitation sans leur permission. Dans leur lutte, ils ne peuvent compter que sur les pressions de la communauté internationale, l’appui des groupes environnementaux (Acción Ecológica, Oil Watch en Équateur et Amazon Watch aux États-Unis), la vigilance d’investisseurs responsables et leur propre résistance.

Recto-Verso
février 2003

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