Accueil > Empire et Résistance > Organismes et ONGs de domination > La restructuration proposée par le FMI durement critiquée par les pays du G-24.
Devinez ce qui se passe quand le FMI veut aider.
Felisa Miceli a exposé ces critiques à Singapour, en assumant la présidence du G-24. Toutefois, les Etats-Unis et l’Europe ont assuré qu’ils avanceront avec ce plan. Felisa Miceli et Rodrigo Rato ont échangé hier des saluts protocolaires, mais leur réunion en tête à tête a été annulée sans nouvelle date.
Par David Cufré
Página 12. Buenos Aires, 17 septembre 2006
Les pays les plus puissants et les autorités du Fonds Monétaire ont conçu un plan pour augmenter la représentation et le pouvoir de vote des nations « sous-développées » dans l’organisme. Les Etats-Unis, l’Allemagne, la France, l’Angleterre, l’Italie, le Japon et le Canada, du G-7, avec le chef du FMI, Rodrigo Rato, ont dit hier qu’ils approuveront cette initiative malgré les critiques. Ils ont même laissé entrevoir une certaine colère face aux mises en cause du projet. Ce qui est paradoxal, c’est que les doutes ont été émis par les pays qu’on essaye hypothétiquement d’aider. Depuis hier, l’Argentine est à la tête de ce groupe, puisque son ministre de l’Économie, Felisa Miceli, a assumé la présidence tournante du groupe. On le connaît comme le Groupe des 24 et en font partie, notamment, le Brésil, le Mexique, le Venezuela, l’Inde, l’Iran, le Liban, l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Nigéria et le Pakistan. La proposition de changements dans le FMI est "opaque" et "défectueuse", se sont-ils plaints.
La lutte entre les grands qui disent défendre les intérêts des petits et les petits qui demandent qu’on ne les aident plus se déroule à Singapour, dans le cadre de l’assemblée annuelle du FMI et de la Banque Mondiale. C’est là, que Miceli a reconnu hier que cette initiative sera sûrement approuvée parce que les nations s’opposent, et qu’en théorie ceux qui en seraient les bénéficiaires, ont à peine 10.1 % du pouvoir de vote dans le FMI, contre 15 % requis -au moins- pour bloquer une résolution dans l’assemblée de gouverneurs.
Les Etats-Unis détiennent à eux seuls 17.1 % du pouvoir de vote, tandis qu’en alliance avec l’Union Européenne ils concentrent 55 %. Des 184 pays qui intègrent le FMI, la majorité du G-24 et presque toute l’amérique du sud voteront contre le projet, quelques africains s’abstiendront et la majorité des asiatiques et d’Amérique centrale, comptant le Mexique, le soutiendront. En Amérique du Sud, les seuls à le soutenir seraient le Chili et l’Équateur, supposément, puisque le vote -qui sera effectué aujourd’hui- est secret.
Le cas du Mexique est particulier, puisqu’il a un pied dans le G-24 et l’autre dans l’alliance que dirigent les Etats-Unis. De fait, il fait partie du Nafta, le bloc économique qui compte aussi le Canada. Le Mexique, avec la Chine, la Corée du Sud et la Turquie sont les pays qui augmenteront leur pouvoir de vote dans le FMI en accord avec la proposition de Rato et des 7. L’Argentine ne s’oppose pas à la progression de ces pays, mais au fait qu’ils gagnent cet espace aux dépens d’autres nations moyennes et petites, entre autre, la nôtre.
A travers cette lutte, le Gouvernement argentin expose un changement de stratégie en politique extérieure par rapport aux années quatre-vingt-dix. La position portée à Singapour a été décidée avec le Brésil, en opposition aux Etats-Unis. Ceci s’ajoute à d’autres faits, comme l’alliance avec le Venezuela, l’accès à la présidence du G-24, le renforcement du Mercosur et le retour -comme hôte- aux réunions des Non Alignés. Sur cette ligne, la Chancellerie travaille à un probable voyage de Néstor Kirchner en Inde vers la fin de l’année.
Le gouvernement de ce pays, avec celui du Brésil, Turquie et Egypte, ont signé hier avec l’Argentine un communiqué pour faire part des objections au projet de reformulation du système de vote dans le FMI. "Nous croyons qu’on doit suspendre" ce processus et "faire une véritable tentative pour élaborer une formule simple et transparente qui protège réellement la position des pays avec des faibles recettes", ont-ils écrit.
Miceli, qui a donné une conférence de presse après avoir assumé la présidence du G-24, a précisé que "la préoccupation" du groupe est que "c’est possible que des pays en développement cèdent leur position en faveur d’autres pays en développement, et mais alors on n’atteindra pas l’objectif que fait valoir la réforme".
La première étape du plan de restructuration le FMI est d’augmenter la participation du Mexique, la Chine, la Corée du Sud et de la Turquie. Par la suite sera posé un second chapitre qui prévoit une révision intégrale de la formule, qui se base sur la distribution du pouvoir entre les membres de l’organisme. Selon les paramètres qui intégreront la nouvelle équation, les plus grands bénéficiaires seront le Japon, ses voisins asiatiques et les Etats-Unis eux-mêmes, bien que Washington ait promis de renoncer à toute augmentation de ses droits de vote au-dessus de 17.1 % qu’il possède actuellement, qui lui donne pouvoir de veto pour certaines décisions.
La réforme est le projet phare de Rato, qui durant les dernières semaines a appelé plusieurs dirigeants latino-américains pour demander un changement de vote et l’appui de son initiative. Ainsi l’a révélé le ministre de l’Économie brésilien, Guido Mantega, dans le groupe où il se trouvait avec Miceli. Tous les deux ont affirmé qu’ils s’opposeront au projet.
La nouvelle formule de calcul proposée par Rato pour déterminer la représentation de chaque pays dans le FMI revient à mesurer le poids du PIB de chacun de d’eux, estimé sur la base du taux de change. Le second élément à considérer est le degré d’ouverture de l’économie de chaque nation. Pour le G-24, on devrait utiliser le PIB mesuré comme parité de pouvoir d’achat, ce qui élimine les distorsions des différences de prix et profite aux nations en développement face à celles industrialisées.
Le groupe des 7, comme il a été expliqué plus haut, imposera son pouvoir et avancera avec le plan de Rato. Ces pays n’ont pas cédé non plus lors d’un précédent tour de négociations internationales : celles de l’Organisation Mondiale de Commerce (OMC), qui ont le mois passé échoué devant leur refus de suspendre les subventions agricoles et les mesures protectionnistes liées aux exportations des pays en voie de développement. Le G-24 a manifesté sa "désillusion" par cette attitude et a demandé au FMI d’intercéder pour que l’ouverture des économies soit à double sens. Quelqu’un a-t-il un doute sur la réponse du FMI ?
Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi