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24 juin 2004

La loi et les Etats Nationaux doivent porter l’espérance contre le néolibéralisme

 

Par René Passet*

I - Ça devait être " la fin de l’histoire ".

Sans doute - comme le rappelle ici Jacques Robin - une formidable mutation technologique déplaçait-elle les forces motrices du développement, du champ de l’énergie et de la matière à celui de l’information et de l’immatériel. Mais après l’effondrement du système opposé venu de l’Est, l’humanité avait atteint, nous disait-on, l’état naturel auquel, depuis les origines, elle aspirait ; il n’y avait qu’une économie possible, l’économie néo-libérale dont les faits venaient de consacrer la supériorité.

Comme toute vérité révélée , celle-ci avait son texte fondateur, le " Consensus de Washington " - tout droit descendu, au début des années 1980, d’un sommet du G7 - dont les " dix commandements " énuméraient les bienfaits de la libre circulation des capitaux dans le monde accompagnée d’une totale liberté d’entreprendre, en même temps qu’ils dénonçaient les tentations venues du Malin dissimulé sous les formes de " l’Etat-providence ".

Cette vérité avait aussi ses grands prophètes - Hayek, Friedman...- et ses guides qui, sous les traits du Président Reagan et de Madame Thatcher, conduisaient les peuples - dans les mêmes années 1980 - au seuil de la Terre promise . Les 3D - déréglementation, désintermédiation, décloisonnement - réalisaient l’incarnation de l’idéal sur Terre. Le capital, affranchi des contrôles étatiques qui le brimaient, pouvait se concentrer à l’échelle mondiale, au sein de puissantes institutions financières - banques, sociétés d’assurances, fonds de pensions, fonds spéculatifs...- qui se trouvaient en mesure d’imposer leur loi à l’ensemble de l’économie et de la société, via les entreprises, les Etats et les grandes institutions financières ou économiques internationales comme le FMI, la Banque mondiale ou l’OMC. Le capitalisme, devenu " actionnarial " serait désormais régi par une logique essentiellement financière. On nous expliquait que c’était un bien : en recherchant le rendement maximum, la finance pousserait l’économie vers l’optimisation de ses performances ; les cours des monnaies nationales, fluctuant librement, s’ajusteraient au niveau de la " parité des pouvoirs d’achat " auquel, en cas d’écart, les ramèneraient constamment ventes ou achats de devises...ce serait la fin des grands mouvements spéculatifs susceptibles de déséquilibrer les économies. On allait voir ce qu’on allait voir. Et l’on a vu...

On a vu - sous l’effet d’une course perturbatrice à la rentabilité financière immédiate - toutes les promesses humaines de la mutation technologique se retourner en autant de drames pour l’ensemble de la planète : on a vu se déchaîner la spéculation pourtant décrétée désormais impossible ; on a vu le rapprochement des peuples à l’échelle d’un monde où tout se vit en temps réel, devenir fracture, domination, inégalités accrues, instabilité, sous l’effet des mouvements de capitaux cherchant la rentabilité et la sécurité là où elles se trouvent, c’est-à-dire dans les pays riches, venant et fuyant au gré d’anticipations massives ; on a vu le soulagement des travailleurs par la machine se transformer en licenciements, chômage, paupérisation, exclusion sociale, sous la pression d’un actionnariat avide de s’attribuer la totalité des gains de productivité du système plutôt que de les partager en réduisant les temps de travail ; on a vu l’économie du lucre s’étendre à tous les domaines de la vie, de la culture et de l’environnement naturel qu’on surexploite, pollue et dérègle pour satisfaire à la soif des rendements financiers à court terme...
On voit aujourd’hui ce capitalisme optimisateur en crise. Celle-ci, d’abord boursière, s’est amorcée au début de l’année 2000 sur le Nasdaq, marché des valeurs technologiques, hypertrophié au fil des anticipations délirantes de spéculateurs dont l’infaillibilité constituait pourtant un des dogmes indispensables à la bonne marche du système. Elle s’est étendue aux valeurs traditionnelles : en un peu plus de deux ans - de mars 2000 à juillet 2002 - 6700 milliards de dollars s’envolaient en fumée à Wall Street, le SP 500, indice de 500 plus grandes valeurs boursières américaines chutait de 50% cependant que le CAC 40 à Paris et L’EURO STOXX des 50 premières valeurs européennes régressaient de 30%.

Puis elle a touché l’économie réelle. En décembre 2001 éclatait la faillite du courtier en assurances Enron, bientôt suivie de quelques autres, parmi lesquelles, en juillet, le dépôt de bilan - plus grande faillite de tous les temps - de Worldcom, première entreprises de Télécommunications du monde. En France, éclatait l’affaire Vivendi Universal. Ces affaires révélaient l’existence de comportements douteux et de comptabilités frauduleuses destinées à tromper l’opinion : Enron avait dissimulé une dette de 21 milliards de dollars avec la complicité du cabinet d’Audit Andersen, cependant que le conglomérat Tyco cachait une dépense de 8 milliards de dollars liée à l’acquisition de 700 sociétés, que le groupe d’imagerie Xerox gonflait ses résultats de 1,7 milliard de dollars sur la période 1997-2001, que Worldcom camouflait, entre l’année 2001et le premier trimestre 2002, 7,1 milliards de charges courantes sous forme d’investissements ; en France, Vivendi fait l’objet d’une enquête de la COB, cependant que ses petits actionnaires déposent une plainte pour " faux et usage de faux "...face brutalement mise à jour d’un iceberg infiniment plus profond. C’est toute la logique du système qui se trouve ainsi mise en cause : l’exigence par les fonds de pension d’un rendement de 15% des capitaux propres poussant à forcer les résultats, la pratique des stock options incitant les responsables d’entreprises à en soutenir frauduleusement le cours pour les réaliser en temps utile tout en abandonnant l’épargne salariale à son triste sort (comme ce fut le cas notamment à Enron) lorsque se précisent les retournements de conjoncture.

Le système alors est atteint en son cœur : la confiance ; et Monsieur Greenspan, le patron de la Fed, ne s’y trompe pas lorsqu’il déclare, le 16 juillet, devant la Commission bancaire du Sénat américain : " La falsification et la fraude détruisent le capitalisme et la liberté de marché et plus largement les fondements de notre société "...au-delà de l’économie, " la société" en effet , car le côté nauséabond des nombreuses interférences établies entre ce monde des affaires et l’univers de la politique apparaît au grand jour : Enron n’a-t-il pas pris une part importante dans le financement de la campagne du président Bush ? Ce dernier, tout comme son vice-président Dick Cheney, n’ont-ils pas cultivé hier, lorsqu’ils étaient dans les affaires, les pratiques qu’ils sont conduits à dénoncer aujourd’hui en tant que responsables politiques ? Quelle force morale et quelle crédibilité cela leur donne-t-il ?

Nous touchons maintenant - août 2002 - à ce moment incertain où semble s’amorcer le cercle vicieux qui marquerait le basculement définitif dans la crise. Par un choc en retour, la crise de confiance déclenchée par les malversations de l’économie réelle se répercute sur la bourse dont l’érosion menace la consommation et l’investissement, bases de l’activité économique réelle. On craint " de voir les ménages, démoralisés par la chute de Wall Street, cesser tout simplement de consommer pour reconstituer leur épargne. On pourrait alors se retrouver dans une situation comme jamais depuis les années 1930 " ; c’est ce que l’on appelle " l’effet de richesse " ; en juillet 2002 l’indice de confiance des consommateurs publié par l’institut de conjoncture Conference Board, a effectivement chuté de 9%. Quant à l’investissement, l’érosion des valeurs boursières entraîne une difficulté des entreprises à trouver de l’argent sur le marché et donc à investir : " La confiance des gens dans les marchés d’actions a été profondément ébranlée. Il faudra des années avant qu’elle revienne " estime Jeff Knight , responsable des investissements chez Putnam Investments ( Le Monde24-07-02).

En conséquence, les perspectives de croissance, aux Etats-Unis comme en Europe, sont révisés à la baisse. Les anticipations boursières ne peuvent manquer d’en être affectées pour renforcer leurs effets négatifs sur l’économie réelle, qui à son tour...C’est au seuil de ce cercle vicieux que nous nous trouvons en août 2002...

II - Le " seul système naturel " révèle donc ses contradictions.

On s’aperçoit que la " rationalité instrumentale " sur laquelle il est construit ne constitue plus une base acceptable. Sans doute hier - lorsque la production ne suffisait pas à couvrir les besoins essentiels et que l’activité humaine ne menaçait pas l’existence de la biosphère - le mieux-être des populations se mesurait-il à la quantité des biens dont elles disposaient. Comme, par ailleurs, le capital était le facteur rare limitant la progression de l’activité économique c’est sur son efficience que se polarisait le calcul économique. En un mot, la performance quantitative de l’instrument était assimilée à celle du système économique. Mais, lorsque la production mondiale suffit à couvrir les besoins fondamentaux à l’échelle de la planète cependant que 815 millions de personnes souffrent de la faim et que 1 300 000 000 vivent avec moins de un dollar par jour, on s’interroge sur la " rationalité " du système qui engendre de tels résultats ; le problème essentiel n’est plus la production mais le partage. Lorsqu’en produisant, le système productif s’autodétruit - en détruisant le milieu naturel qui le porte comme il porte toute vie - apparaît la question des comportements permettant d’assurer un " développement durable ".

Produire plus ? pour qui ? pourquoi ? comment ? pour quoi faire ?
... la réponse à ces questions ne se situe pas dans le champ de l’économie mais dans celui des valeurs.

On s’aperçoit aussi que la logique financière se situe à l’opposé des impératifs du monde contemporain. Les moyens de communication - au premier rang desquels l’ordinateur - font du monde une unité organisée en réseaux, vécue en temps réel et dominée par l’interdépendance ; les questions que pose l’économie impliquent une ouverture sur le très long terme de la biosphère et le respect de ses mécanismes régulateurs ; ouverture également sur les valeurs qui se situent au niveau des finalités et non plus de l’instrument. A cela, l’économie prétendument universelle répond par le repliement le plus étriqué sur la seule logique de l’instrument financier. Alors, le très long terme devient " les dix prochaine minutes ", comme le déclarait au pris Nobel James Tobin un financier fier de son réalisme, l’appareil économique n’est plus fait pour mettre en valeur des territoires, produire des richesses et encore moins créer du bien-être, mais pour faire jaillir le sang de la rente, serait ce au prix de la désertification des territoires, de la dégradation de la nature, de la destruction des richesses et de la détresse des hommes. La grande désillusion - de Joseph Stiglitz, autre prix Nobel, nous montre - innombrables exemples à l’appui - comment le FMI, véritable " pompier pyromane ", en imposant une logique exclusivement financière aux pays les plus pauvres crée lui-même - pour le plus grand profit des financiers internationaux - les problèmes qu’il a pour mission de combattre : partout, lorsque la crise menace et que l’économie réelle aurait besoin de liquidités, on impose au contraire les restrictions qui plongent les peuples dans la détresse...mais assurent le remboursement de leurs créanciers. C’est ainsi que, sacrifiant les investissements de base à rendement différé (infrastructures économiques, éducation, santé...) indispensables à tout démarrage économique, en vue de dégager les excédents budgétaires indispensables au remboursement des dettes, les plans d’ajustement structurels (PAS) étranglent ceux qu’ils prétendent secourir...

On comprend alors que les ravages que nous décrivions plus haut - loin d’être des dysfonctionnements - découlent de la logique même du système.

III- Face à une telle situation, l’univers du politique - tout absorbé par ses petites affaires - fait preuve d’une incompréhension affligeante.

Nous voici devant l’une des mutations les plus considérables - peut-être la plus considérable - de tous les temps ; elle est porteuse des plus grands espoirs pour l’humanité ; et ces espoirs sont gâchés, retournés, pervertis, par un système fondé sur le lucre et la cupidité ; le temps paraît venu pour la confrontation de grands projets de société et l’on nous sert l’une des campagnes présidentielles les plus ternes et les plus mornes que l’on ait connues, fondée sur l’impératif sécuritaire et les mérites comparés d’une réduction de 30% de l’impôt sur le revenu ou de 50% de la taxe d’habitation, quand ce n’était pas - je n’invente rien - l’aptitude d’un candidat à préparer un steack aux nouilles...Etonnez-vous de l’enthousiasme qui s’est emparé des foules et du taux d’abstention qui s’en est suivi.

La gauche semble avoir oublié sa mission historique qui fut de porter l’espoir des plus défavorisés. La misère, au milieu du XIX° siècle, était grande, mais il se trouvait des hommes (Owen , Fourier, Proudhon, Sismondi, Marx , Engels, Hugo, plus tard Jaurès...), pour dire aux victimes du capitalisme naissant qu’il y avait au sein du système, des forces en œuvre qui travaillaient à l’émergence d’un monde meilleur dans l’avènement duquel, eux - les plus démunis - avaient un rôle à jouer. Cette pensée-là était porteuse d’espérance. Mais ceux qui la nourrissaient se situaient alors dans l’opposition aux pouvoirs politiques établis et nul n’attendait d’eux autre chose qu’une utopie sans doute réaliste, mais lointaine destinée à soutenir les courages en montrant la voie.
C’est la force même de cette espérance qui a fini par porter les hommes qui la soutenaient au pouvoir. Epreuve redoutable, car assumer le pouvoir, c’est ne plus se contenter de perspectives lointaines, dire ce qu’il faut faire dans l’immédiat et fournir des résultats. La gauche au pouvoir a donc voulu - très légitimement - prouver son aptitude à gérer et cela l’a conduite à mettre l’accent sur le programme...au détriment du projet. La gauche n’a plus que des programmes à proposer ; elle a perdu le sens de l’histoire et, pas plus que les autres , elle ne sait où elle va.

Poussée à l’extrême, cette attitude donne naissance à une étrange conception du " réalisme " - celle de Blair, Schröder...d’un Jospin - consistant à s’incliner devant le réel tel qu’il est et à faire sienne la logique de l’adversaire. Curieusement, c’est le socialisme acceptant l’ordre qu’il prétend combattre - fondé sur les données d’avant-hier - que l’on qualifie de " moderniste " et celui qui, prenant en compte la mutation, s’efforce de construire l’avenir que l’on qualifie de " rétrograde ".

Dans cette ligne, on voit même poindre des analyses s’appuyant sur le fait - incontestable - que la dichotomie sociale marxienne entre propriétaires des moyens de production et détenteurs de la force de travail laisse place à la constitution d’une importante catégorie sociale intermédiaire, pour préconiser un " recentrage " des propositions en faveur de cette dernière et n’avoir plus un mot pour les plus défavorisés. Comme si l’objectif essentiel était de se faire élire. On ne semble pas avoir compris que si l’idéalisme reste inefficace lorsqu’il ne s’appuie pas sur le réel qu’il prétend transformer, réciproquement le véritable réalisme ne s’appuie sur le réel pour le transformer au nom d’un idéal. Il est temps que, conformément à sa mission, la gauche redevienne porteuse d’espérance et de projets.

IV- Malgré la crise ce n’est cependant pas encore le " grand soir " ; ni même simplement la fin du capitalisme " actionnarial ".

Une crise - même aussi profonde que celle des années 1930 - cela peut être une adaptation à de nouvelles réalités. Les modalités du capitalisme actionnarial pourront changer sans que celui-ci cesse d’être fondamentalement identique à lui-même, aussi longtemps que le pouvoir effectif restera entre les mains des puissances financières. Entre acceptation et négation de la société existante, la question se pose en termes de " pouvoirs " : c’est en changeant la nature de ces derniers qu’on change la logique du système . C’est d’un " réformisme radical " qu’il s’agit : remettre la finalité humaine au coeur de la décision et la finance à sa place d’instrument .

 Cela signifie d’abord, qu’il existe une rationalité de l’humain. Il n’y a pas d’une part " la " rationalité qui serait celle de la marchandise et de l’argent et d’autre part la simple générosité " irresponsable et irrationnelle " qui serait celle de l’humain. Proclamons fortement l’existence d’une rationalité économique qui, pour reposer sur des fondements différents, n’en donnent pas moins lieu à l’établissement de critères décisionnels tout aussi rigoureux que ceux fondés sur ce que j’appelle depuis longtemps une simple " logique des choses mortes ".

 Cela implique, au niveau de l’entreprise, la participation effective et non point symbolique des travailleurs, au pouvoir de décision ; se pose également la question du contrôle des citoyens sur les activités les concernant directement (pollutions ou risques de voisinage - comme à Toulouse - par exemple.

 Au niveau des nations, cesser de subordonner l’emploi à la maximisation des revenus financiers (licenciements de " convenance boursière "), faire de la relève de l’homme par la machine l’instrument d’une libération ( réduction des temps de travail qui a toujours été, dans le long terme le facteur décisif d’augmentation du nombre de travailleurs occupés, alors même que le volume total annuel des heures travaillées dans la nation ne cessait de régresser) ; repenser les mécanismes de la répartition dans une optique de justice distributive (question du revenu de citoyenneté notamment)

 Au niveau international, subordonner la loi marchande au respect des normes sociales et environnementales définies par les grandes conventions internationales (Rio, Kyoto, BIT...), contrôler la liberté de mouvements des capitaux dans le monde, s’opposer aux dérives spéculatives qui se déploient au détriment de l’économie réelle, annuler la dette des pays en retard de développement, mettre fin aux plans d’ajustement structurel, lutter effectivement - par des actes et non des mots - contre l’argent sale et les paradis fiscaux.

Remettre l’humain au cœur des institutions, c’est tout d’abord, porter le pouvoir politique de contrôle au niveau international des forces qu’il doit contrôler. Cela débouche sur le renforcement de la coopération internationale, la refonte des institutions actuelles (qui se comportent trop souvent en instruments des intérêts qu’elles ont théoriquement pour mission de réguler) et la mise en chantier de nouvelles institutions internationales plus représentatives de l’ensemble des forces économiques, sociales et citoyennes des sociétés mondiales : le Conseil de sécurité économique et social de Jacques Delors ou l’Organisation mondiale du développement social de Riccardo Pétrella.

L’Europe constitue un espace au sein duquel pourraient se déployer efficacement de nombreuses initiatives que l’on dit irréalisables au plan national. A condition évidemment de renforcer l’Union avant de l’étendre jusqu’à n’en faire qu’une zone de libre échange interne appelée à se diluer dans une zone plus vaste de libre échange à l’échelle mondiale.

 Le primat de l’humain c’est aussi le refus de tout réductionnisme - marchand ou totalitaire - pour édifier une " économie plurielle " conciliant le libre jeu des intérêts individuels avec la suprématie d’un intérêt général sur lequel se fonde l’existence d’un secteur public et d’un secteur d’économie solidaire et sociale, l’un et l’autre irréductibles aux lois de la régulation marchande.

 C’est enfin, renforcer les coopérations sans éloigner le pouvoir des citoyens et sans aboutir à des lourdeurs paralysantes ; déconcentrer le pouvoir sans diluer les solidarités lentement forgées au cours de l’histoire, cela suppose une réflexion approfondie sur les implications d’un principe dit de subsidiarité, excellent dans ses intentions, mais mal analysé et encore plus mal mis en application.

Quelles forces mettre en œuvre ?

D’abord la loi, dans la mesure où les Etats nationaux possèdent encore d’importants pouvoirs. Les hommes politiques qui tiennent le discours de l’impuissance des gouvernements dans le monde contemporain doivent changer de métier.

Ensuite la concertation et la coordination des politiques à l’échelle internationale. Si, comme on nous le dit souvent, cela ne relève de la compétence d’aucun gouvernement pris isolément, il dépend de l’initiative de chacun de tenter de convaincre les autres de sa nécessité dans tous les domaines où cela lui paraît s’imposer.

Enfin le réveil, à l’échelle mondiale, des peuples et des mouvements citoyens qui, de la mise en échec de l’AMI et de Seattle à Porto Alegre, s’effectue à une vitesse étonnante. On voit apparaître ici une forme de démocratie directe qu’il faudra savoir entendre et articuler avec les formes traditionnelles de la démocratie représentative, si l’on ne veut pas courir le risque de la voir un jour s’opposer à cette dernière. Une telle opposition serait proprement catastrophique pour la démocratie. Ce n’est pas en se dissimulant derrière les murs de Davos, de Québec ou en s’enfonçant - comme l’autruche - la tête dans les sables du Quatar que l’on réglera le problème.
Lorsque la " rationalité instrumentale a vécu le réalisme change de camp : le temps est venu d’affirmer la nécessité - et la possibilité - d’une économie fondée sur ses finalités humaines.

*René Passet, professeur émérite à l’Université de Paris I.
Docteur honoris causa à l’UCL.
Membre et ex-président du conseil scientifique d’ATTAC-France

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