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26 novembre 2003

La guerre du soutien-gorge crispe l’OMC

 

Les Etats-Unis veulent imposer des quotas d’importation sur le textile chinois. Osé ?

Par Angela Pascucci
Il Manifesto, Le Courrier, 24 Novembre 2003

Cela fait belle lurette que Washington a sonné le retour du protectionnisme dans les domaines de l’agriculture et de l’acier. Aujourd’hui, le pays phare du libre commerce international veut ériger des barrières pour freiner les arrivages de soutiens-gorge, robes du soir, chemises de nuit et pyjamas « made in China », sous prétexte que les prix ridiculement bas des produits chinois sont en train de laminer l’industrie étasunienne. Cette nouvelle crispation protectionniste est bel et bien un coup porté à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Car c’est à la suite de l’adhésion de la Chine que le secteur textile de l’Oncle Sam a perdu plus de 300.000 emplois.

La semaine dernière, alors qu’on célébrait la rhétorique du « merveilleux continent américain traversé par le libre échange », durant les jours où les représentants de l’ALCA [1] ont tenu une réunion à Miami, l’affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine a atteint un point culminant. Mercredi 19novembre, l’administration du président étasunien George W.Bush a exprimé le souhait d’ouvrir la voie à l’imposition de quotas sur certains produits textiles chinois : soutiens-gorge, chemises de nuits, robes du soir, pyjamas, mais aussi tissus de laine. Cette annonce protectionniste a suscité la réaction immédiate de Pékin. Un sursaut affichant un certain « ressentiment », mais les propos chinois n’ont pas été agressifs. Ils ne contenaient pas non plus de menaces de rétorsion. Et si pour le secrétaire étasunien au Commerce Grant Aldonas, il faudra au moins trois mois avant que Washington ne passe à l’acte, la Chine, elle, a déjà trouvé la manière de manifester concrètement son désappointement.

Promesses chinoises

A cet effet, les autorités chinoises ont aussitôt renvoyé aux calendes grecques le voyage aux Etats-Unis de deux délégations officielles, selon ce qu’a déclaré mercredi dernier une source anonyme d’Hongkong à l’agence Reuters. Ces déplacements avaient pour but l’achat de coton et de blé étasuniens. Cette décision intervient après l’annulation d’un autre voyage, à Chicago, d’un troisième groupe chinois chargé d’acquérir une cargaison de soja. Les autorités ont avancé des excuses logistiques et des problèmes de visa, mais cette coïncidence semble par trop évidente et, surtout, elle laisse la place au doute.
Pis encore, Pékin avait programmé une série de visites que certaines « commissions gouvernementales d’achat » s’apprêtaient à effectuer dans les prochaines semaines aux Etats-Unis. Ces initiatives auraient été entreprises dans le cadre des « bonnes actions » que Pékin a promises à Washington pour aider l’Oncle Sam à réduire son déficit. Or les achats chinois auraient fourni un apport milliardaire. Et ce prix aurait certes été payé de bon gré, mais surtout en échange de l’abandon des pressions étasuniennes sur la Chine pour qu’elle redresse le cours de sa monnaie. Car la sous-évaluation du yen est responsable, selon Washington, d’avoir creusé le déficit commercial entre les deux pays, un trou qui risque d’afficher cette année la somme gigantesque de 130milliards de dollars.

Plafond restrictif

C’est dans cette optique que la Chine a approuvé, il y a deux semaines, l’achat d’automobiles et de pièces de rechange produites par General Motors pour une valeur globale dépassant le milliard de dollars. Tous ces efforts ont été fournis dans le but d’apaiser la grogne de Washington. Mais voilà que, non contente des promesses chinoises d’acheter plus de produits étasuniens, l’administration de M.Bush vient de menacer l’imposition d’un plafond aux importations en provenance du géant asiatique. Concrètement, ces restrictions se traduiront, l’an prochain, par un barrage douanier : les ventes ne pourront être supérieures que de 7,5% à celles de cette année.
Une mesure étrange si l’on considère que la Chine a absorbé, en 2002, un tiers des exportations étasuniennes de Soja. Et que cette année elle serait même en passe de faire mieux. Sans oublier que, ces dernières semaines, les Chinois ont acquis d’importantes quantités de coton, en donnant ainsi un coup de pouce aux agriculteurs étasuniens. Car ces achats ont eu pour effet de pousser les prix du coton au niveau le plus élevé de ces huit dernières années. Grâce aux achats chinois, les prix du soja ont également atteint leurs plus hauts sommets depuis six ans.

Mais, aujourd’hui, tout semble avoir été remis en question, y compris le commerce du blé. Ce qui n’empêche cependant pas la porte-parole de l’Association des producteurs étasuniens Dawn Forsythe de se montrer optimiste : « Ils auront besoin de blé un jour. On espère alors qu’ils achèteront le nôtre. En Chine, la consommation dépasse de loin la production et leurs réserves diminuent. » Et si, pour l’heure, les producteurs étasuniens de blé prennent leur mal en patience, l’industrie textile étasunienne, qui a perdu 316000 places de travail depuis janvier 2001, s’est dépêchée de remercier l’administration de George W.Bush et, dans la foulée, a aussi souhaité que l’annonce de mercredi dernier constitue le premier pas vers l’imposition de quotas sur tous les produits textiles chinoises.

Contre les normes de l’OMC

Or ces producteurs semblent avoir oublié que Washington s’est engagé, dans le cadre de l’OMC, à éliminer toutes les barrières aux importations textiles, et ce à l’échéance fixée par les pays membres, à savoir en janvier 2005. Une petite polémique a aussitôt éclaté. Elle a enregistré l’intervention de la Chambre de commerce chinoise qui, de son côté, a fait observer que, selon ses calculs, l’importation de matières premières par le secteur textile aux Etats-Unis a augmenté de 150% par rapport à 2002. Une façon de mettre le doigt sur ce qui a provoqué l’ulcère des industriels étasuniens.

Et nombreux sont ceux qui craignent que cette nouvelle guerre commerciale ne crispe ultérieurement l’attitude protectionniste de Washington. Un comportement de fermeture qui s’intensifie à l’approche des élections présidentielles de 2004, et qui semble par ailleurs être à l’origine de la chute du dollar vers de nouveaux planchers records face à l’euro. Or la dépréciation du billet vert est en train d’enrayer la reprise en Europe.

Note :

Notes

[1L’Accord de libre échange des Amériques (ALCA) se négocie depuis 1994 entre 34 pays du continent américain, excepté Cuba. Traduit et adapté par Fabio Lo Verso.

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