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Par François Bougon
AFP. Montevideo, le mardi 1er mars 2005
Le premier président de gauche de l’Uruguay, Tabaré Vazquez, a accédé au pouvoir mardi en présence des plus importants dirigeants de la gauche latino-américaine, dont le Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva et le Vénézuélien Hugo Chavez, mais en l’absence du Cubain Fidel Castro.
Dans son discours de politique générale à l’Assemblée générale législative (chambre des députés et sénat), il a promis des « changements responsables et progressifs entre tous et pour tous, mais spécialement au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin » après avoir juré de « travailler inlassablement pour le bonheur du peuple uruguayen ».
Montevideo a été pavoisée aux couleurs bleu ciel et blanc du drapeau national et bleu, blanc, rouge du Front élargi (Frente amplio), la coalition de gauche.
En remportant en octobre les élections présidentielle et législatives, elle a mis fin au règne des deux partis traditionnels - les Colorados (Rouges, libéraux) et les Blancos (Blancs, conservateurs) - depuis l’indépendance au XIXe siècle (1825).
Dans une ville où ont été déployés quelque 2.000 policiers, la plupart des dirigeants d’Amérique latine, désormais presque tous de gauche, sont là, à l’exception de Fidel Castro qui a finalement annulé son voyage, officiellement pour « raisons de santé ».
Après son investiture, M. Vazquez, un cancérologue de 65 ans, a aussitôt renoué les relations diplomatiques avec Cuba, rompues en avril 2002 par son prédécesseur Jorge Batlle, proche des États-Unis, après une violente polémique sur les droits de l’Homme. Le ministre cubain des Affaires étrangères, Felipe Pérez Roque, a transmis à cette occasion au nouveau président « le salut solidaire et l’accolade du compagnon Fidel et du peuple cubain ».
« Nous ne tolérerons aucune ingérence dans nos affaires internes », a souligné M. Vazquez dans son discours, se déclarant opposé à « toute forme de terrorisme » et partisan d’une plus grande intégration régionale notamment à travers le Mercosur, le bloc formé avec l’Argentine, le Brésil et le Paraguay.
En face du Parlement, des milliers de ses partisans s’étaient rassemblés, montrant une ferveur inébranlable, acclamant l’arrivée de Hugo Chavez mais sifflant la représentante du président américain George W. Bush, la secrétaire au Travail Elaine Chao.
Parmi eux, Eusebio Rosano, 44 ans, et Susana Vallejo, 35 ans, partagent le maté, une infusion typique du Rio de la Plata, en compagnie de leur fille de cinq ans. Arrivés tôt depuis la ville de Fray Bentos (ouest), pour vivre ce moment historique, ils ne repartiront que jeudi matin.
« Nous n’allons pas dormir, cela fait trente ans que nous attendons cela », dit-elle.
Son mari, employé de commerce, place ses espoirs dans le nouveau gouvernement pour régler le « problème numéro un », la misère qui touche près d’un tiers des 3,2 millions d’habitants et s’est aggravée depuis la crise financière de 2002, la pire qu’ait vécue le pays.
Un peu plus loin, un militant du parti communiste présente l’allure typique des révolutionnaires latino-américains : béret noir avec petit insigne du Che Guevara et barbe fournie.
« Cela va être un gouvernement du peuple », assure Carlos Ricardo Ruiz, 40 ans, qui vit dans un village à une trentaine de kilomètres de Montevideo.
À ses côtés, ses camarades de cellule, « la moitié au chômage », vendent de petits tableaux « faits à la main » de Tabaré, de Lénine, du Che ou de Fidel.
Sur le parcours que doit emprunter Vazquez après avoir prononcé son discours, il y a deux banderoles sur une cahute en bois : « Nous serons enfin des privilégiés » et « Nous sommes ici, Tabaré Vazquez, n’oubliez pas ».
Luis Carlos Haflijel, 35 ans, survit dans cette maison de fortune depuis deux ans avec ses neuf enfants en chantant dans les bus et en fabriquant des chaises en bois et attend du gouvernement « un travail digne et stable ».