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Une doctrine militaire est l’expression apriori de l’adaptation technique du soldat aux différentes situations dans lesquelles celui-ci va devoir appliquer la violence. Dans ce cadre, il s’agit de saisir quelles représentations de l’Autre la doctrine de la « guerre révolutionnaire » a structurées pour faciliter l’adaptation du militaire à la rébellion algérienne.
Des Arabes mythiques d’Abd al-Raman Ibn Abd Allah défaits en 732 ou 733, à la bataille de Poitiers, par Charles Martel, aux »masses arabes fanatisées« par un Jamâl Abd-el-Nâsir ou un Saddam Hussein, s’impose, dans l’histoire des Français, l’image tenace et obsédante de l’Arabe agressif et guerrier. Notre mémoire collective du rapport à l’Autre, un certain Autre, est ainsi marquée d’une forme de représentation dans laquelle prédominent des images de violence, de brutalité et de destruction.
Puis, plus proche de nous, il y a la guerre d’Algérie, sûrement toujours présente dans l’esprit de millions de Français. Là encore, l’Arabe est embusqué, un couteau à la main, tendant sournoisement un piège pour égorger « nos fils et nos compagnes ». Mais si cette guerre constitue un événement d’une densité majeure pour les générations qui l’ont vécue dans leur chair, leurs combats, ou dans leur exil, elle est aussi un fait militaire de toute première importance, qui a marqué la pensée et l’action de l’armée française. En effet, elle a été la dernière guerre menée par la France pour la défense d’un Empire dont l’Algérie était l’ultime pré carré colonial. Elle est, de ce fait, le cadre dans lequel l’armée parachèvera, dans la pratique, une doctrine militaire particulière : la doctrine de la « Guerre Révolutionnaire »(DGR), appelée à répondre, à la suite de l’expérience indochinoise, à toute forme de rébellion nationaliste soutenue par les ennemis de l’Occident, du monde libre.
Comme le disait le général Allard, commandant en chef des forces terrestres en Algérie : « La guerre révolutionnaire n’est pas, dans son essence, une guerre militaire de conquête territoriale, mais une lutte idéologique de conquête des esprits, des âmes ; les formes et les moyens de cette lutte sont nombreux : politiques, économiques, sociaux, militaires aussi, et l’arme principale n’en est pas le canon mais la propagande, qui sait s’adapter au milieu visé » [2]. Les guerres sont alors « obligatoirement menées ’dans la foule’ » [3], « à l’intérieur d’un milieu social, en tenant compte de la structure et des réactions prévisibles ou probables de celui- ci »3. Cette forme de guerre fait « des populations /.../ de cette foule et de son opinion le véritable enjeu »4. Pour le soldat, il s’agit de connaître la « foule », le « milieu », dans lesquels il doit agir (...) Lire la suite dans le PDF ci-joint
Gabriel Périès pour Persée
Persée.N° 40, mars 1992
[1] Connaissance de l’Algérie, Service psychologique, X° Région militaire (RM), 1955, p. 15.
[2] Général Allard, « La guerre révolutionnaire », conférence prononcée le 14 mars 1956 à l’IHEDN et au CHEM, miméo, « Diffusion restreinte » (DR) déclassé
[3] Colonel Némo, « La guerre dans la foule », Revue de défense nationale, juin 1956, p. 725.