Accueil > Argentine > Économie > Agroalimentaire > Jardins suspendus pour faire pousser vos fruits et légumes chez vous.
Par Frédéric Perron
Cyberpress.ca, 8 mars 2004
Depuis deux ans, l’organisme Alternatives met au point un système de culture hydroponique simplifiée qui pourrait être installé sur à peu près n’importe quel toit plat. Et si tout se passe comme prévu, des Montréalais pourront bientôt faire pousser leurs fruits et légumes en hauteur. Dès ce printemps, un grand jardin expérimental sera aménagé sur celui de Téluq, sur le Plateau Mont-Royal.
Les objectifs ? Économie d’énergie, réutilisation des résidus domestiques et meilleure alimentation pour les Montréalais moins fortunés. Le projet regroupe plusieurs partenaires, dont la Ville de Montréal et l’organisme Santropol Roulant.
Dans un jardin hydroponique simplifié, tous les nutriments nécessaires à la croissance des plantes se trouvent dans l’eau. Nul besoin de terre. Seules les énergies humaine et solaire sont nécessaires. Pour aménager les jardins, Alternatives utilise des matériaux recyclés. Étant peu coûteux à utiliser et à entretenir, ils seraient à la portée de tous. Ces jardins ont aussi l’avantage d’être légers : si nos toits peuvent supporter la neige, ils peuvent aussi servir à une culture hydroponique. Mais le système peut encore être amélioré. « Nos principales recherches portent sur la diminution des coûts et l’entretien, la récupération de l’eau de pluie et des façons de réutiliser les résidus domestiques comme nutriments », précise Alex Hill, directeur de projet pour Alternatives.
Pour ce projet, les objectifs sont surtout environnementaux. Un jardin sur un toit permet de réduire les coûts énergétiques dans un immeuble en créant une couche isolante qui aide à garder l’endroit frais sans climatiseur. Les jardins permettent aussi de réduire les coûts de transport des aliments et de réutiliser les résidus domestiques. « Les bénéfices du jardinage pour la santé sont reconnus et l’espace manque pour le jardinage urbain, ajoute M. Hill. Le jardinage est encore le passe-temps préféré des Canadiens. C’est une forme d’exercice qui reconnecte le style de vie urbain et les cycles écologiques. »
Claude Cormier, architecte paysagiste qui a, entre autres, conçu des jardins au Palais des Congrès, encourage l’utilisation de tous les espaces urbains possibles pour ajouter de la verdure. « Le jardin crée un sentiment d’appartenance entre les gens et leur lieu d’habitation, dit-il. Le quartier devient plus sûr parce que les gens y sont plus engagés. Ça amène un enracinement du citoyen dans son quartier. »
Une idée innovatrice
Partenaire dans ce projet, Santropol Roulant est connu principalement pour son service de popote roulante intergénérationnelle, qui consiste à préparer de la nourriture saine pour les personnes âgées et à la faire livrer par de jeunes bénévoles. Au cours des deux derniers étés, Santropol Roulant a utilisé pour sa popote des tomates, de la laitue et du basilic cultivés dans un petit jardin expérimental d’Alternatives installé sur un toit privé dans le quartier Petite-Patrie. « Cette année, on va pouvoir produire beaucoup plus de nourriture », affirme Vanessa Reid, directrice de Santropol Roulant.
De son côté, la Ville de Montréal a alloué 2 000 $ à ce projet expérimental en novembre dernier. La Ville y voit une façon d’aider les gens des quartiers défavorisés à mieux se nourrir. « Ces quartiers sont souvent moins bien desservis par les marchés d’alimentation », affirme Mylène Robert, responsable des communications au Service de développement social et communautaire.
« Les gens achètent souvent leur nourriture dans les dépanneurs, où les prix sont élevés et la variété moins grande, poursuit-elle. Il y a peu de fruits et légumes frais dans les dépanneurs. On essaie donc de trouver d’autres moyens pour rendre accessibles des aliments frais à des prix abordables. L’une des solutions, c’est le jardinage. Dans certains quartiers, on manque d’espace pour le faire ou le sol est contaminé. L’idée de cultiver des jardins sur les toits est innovatrice. On a décidé de tenter l’expérience. »
Des réserves
D’ici trois ans, Alternatives aimerait créer une institution indépendante qui pourrait aider les résidants à cultiver leur propre jardin. Cette institution offrirait de la formation, des graines, des livrets d’information et des solutions pour tous les toits, balcons ou cours.
Les architectes paysagistes ont cependant des doutes sur la facilité d’entretien de tels potagers. « Je ne suis pas certain que ça va demander moins d’entretien qu’un jardin traditionnel, parce que sur un toit, ton jardin est exposé au vent, ce qui cause de la sécheresse, explique Claude Cormier. L’exposition constante au soleil peut aussi être néfaste. »
Sandra Barone a également des réserves : « Avec les maladies, ce n’est pas évident de faire pousser des tomates en ville. Et la laitue, si elle manque d’eau, c’est fini ! La canicule et le vent assèchent les plants. Il faut installer des brise-vent. Ça peut se faire, mais ça augmente les coûts. »
Le projet d’Alternatives ne se limite pas à Montréal. L’organisme mène des expériences semblables au Maroc et a d’autres partenaires au Mexique, en Colombie et au Zimbabwe. Le Centre de recherches pour le développement international (CRDI), une société d’État canadienne, est également un partenaire financier.
Gisèle Morin-Labatut est spécialiste des programmes pour les partenariats canadiens au CRDI. « Ce qui est merveilleux, c’est qu’Alternatives travaille avec des gens dans le Sud, souligne-t-elle. Ils peuvent donc faire une expérience ici et comparer les techniques, les résultats, les défis. C’est vraiment un exemple de ce qu’on veut développer au-delà de l’aide internationale. Il y a vraiment un flux de la matière grise dans les deux directions pour trouver des solutions à des problèmes qui ne concernent pas que le Sud. »
Alternatives collabore aussi avec le groupe Ingénieurs sans frontières de l’Université Concordia pour élaborer des solutions de nutriments. La principale approche étudiée consiste à utiliser une solution à base de compost pour nourrir les jardins.