Accueil > Les Cousins > Amérique Centrale et Caraïbes > Honduras Qui est-il Porfirio "Pepe" Lobo Sosa ?
Par María Laura Carpineta
Página 12</U> . Buenos Aires, le 28 Novembre 2009.
Si les urnes ne créent pas de surprise demain,Porfirio « Pepe » Lobo Sosa sera le proche président du Honduras. Il dirigera un gouvernement que la majorité des pays voisins ne reconnaîtront pas, fera face à l’ inconfortable situation d’avoir son prédécesseur prisonnier dans le pays, dans une ambassade, et aura à réunifier une société divisée entre la démocratie et le statu quo. Ce n’est pas un contexte facile, mais son charisme et son pragmatisme lui ont déjà permis d’arriver comme favori aux élections aux mains des putschistes, sans rompre avec ses vieux amis de la gauche. « Les compagnons qui ont encore un contact avec lui disent qu’il continue d’être la personne accessible que nous avons connue », a raconté par téléphone Ramiro Vázquez, commandant du Front Farabundo Martí pour la Libération Nationale (FMLN) et l’un de ses anciens compagnons d’étude à l’École Supérieure des Cadres Politiques de la disparue Union Soviétique.
Cela ne plaît pas trop à Lobo de parler de ce passé. Il ne le nie pas, il fait simplement comme s’il n’avait jamais eu lieu. Cella fait presque trente ans qu’il représente l’un des piliers conservateurs du pauvre et violent Honduras et défend le néolibéralisme prôné depuis Washington à toute la région. Dans sa page Web, sa biographie insiste sur son passsage par l’université de Miami, sa grande expérience comme l’un des principaux producteurs honduriens de maïs et de soja et son engagement inébranlable avec l’Église Catholique. Lobo a le parcours d’un digne fils de l’oligarchie hondurienne, si l’on ne gratte pas trop pendant la décennie violente des années soixante-dix.
En 1970 il était récemment revenu de Miami avec un diplôme d’administrateur d’entreprises sous le bras. Il avait tout pour commencer à grimper dans l’entreprise de son père, mais la répression sanglante des juntes militaires à cette époque et les airs révolutionnaires qui parcouraient l’Amérique centrale l’ont enveloppé et entraîné vers un monde différent. Il n’y a pas beaucoup de récits de l’époque, mais des membres du feu Partie Communiste hondurien, soutiennent que Lobo était leur trésor le mieux caché.
« A cette époque arrivaient en URSS des dirigeants et des militants qui vivaient dans la clandestinité. L’ami Lobo a fait partie de la délégation du PC du Honduras », se souvient Vazquez, commandant du FMLN, le groupe de guérilleros du Salvador qui au début de cette année a pris le pouvoir à travers les urnes. Les cours ont eu lieu en 1974 et ont duré six mois. Vazquez s’en souvient comme une époque d’effervescence politique et de l’idéalisme extrême, dans lequel l’engagement de personnes comme Lobo faisaient croire que la révolution était possible. « Tous nous discutions de ce que Porfirio Lobo faisait au sein des révolutionnaires. C’ était un homme dédié à la lutte ; il avait renoncé à sa classe à cause de la brutalité de la dictature et il s’était mis du côté du peuple sans protection", a raconté le salvadorien.
Mais en plus de son engagement, Lobo se distinguait parmi ses camarades pour sa bonne humeur imperturbable et son amabilité. Le jeune Hondurien ne se mettait jamais en colère pendant les discussions politiques, se souvient Ramirez, et il avait toujours envie de discuter et de connaître des gens nouveaux. « Il avait la mine d’une bonne personne et il continue à l’avoir », résume son ex-collègue.
Et tel semble être le secret de Lobo. Tout ayant changé de camp, changé complètement son discours, et devenu le dirigeant favori de l’establishment putschiste et néolibéral de son pays, le candidat du Parti National a réussi à maintenir de bonnes relations avec la droite la plus réactionnaire qui a poussé au coup d’État il y a cinq mois et, en même temps, à conserver un bon dialogue avec les fonctionnaires zelayistes et les organisations de droits de l’homme.
« Pepe Lobo est avant tout un homme pragmatique et avec un homme pragmatique on peut toujours parler », a répété plusieurs fois à notre journal un négociateur zelayista pendant les mois qu’a duré le dialogue manqué entre le président renversé Manuel Zelaya et le dictateur Roberto Micheletti. Selon la même source, Pepe, comme les honduriens le connaissent, avait garanti aux négociateurs étasuniens le vote pour restituer le président légitime. Mais Micheletti et ses hommes ont réussi à retarder le vote après les élections et l’accord a échoué avant qu’il ne pût jouer sa partie.
À plusieurs reprises, Lobo a réussi à se réinventer et se re crédibiliser sou les yeux de ses alliées et rivaux. La première fois fut quand il a abruptement quitté la clandestinité et les rangs communistes. La deuxième, il y à peine quatre ans, quand il s’est présenté pour la première fois comme candidat à la Présidence. Conseillé par un ex-redacteur des discours de Ronald Reagan et de George Bush père, le propriétaire terrien souriant a parcouru le pauvre et violent pays d’Amérique Centrale en brandissant une sculpture d’un poing de fer. Sans nuances. Son message était la main forte et sa proposition, réinstaller la peine capitale.
La stratégie a échoué et un inconnu Manuel Zelaya a gagné avec un décompte des voix très controversé. « Les groupes du pouvoir économique ont tranché parce que Pepe était pour eux un communiste ou, au moins, de moindre confiance que Zelaya », s’est récemment souvenu dans le quotidien La Jornada du Mexique l’ unique candidat présidentiel progressiste qui participera demain, Carlos Ham. Cela lui a pris quatre ans et un retournement inespéré de Zelaya vers le socialisme du XXIe siècle de Hugo Chavez pour convaincre ses amis entrepreneurs de son engagement inconditionnel envers le marché. Il a réussi à réaffirmer son appartenance de classe, comme diraient ses vieux camarades.
En tant que leader de l’opposition, il a critiqué les mesures redistributives de Zelaya, mais il n’a pas été son rival le plus acharné. Un mois avant le coup d’état, Pepe avait accepté en rechignant la consultation populaire pour convoquer une Assemblée Constituante. « Il faut écouter la clameur populaire », avait-il remarqué. Plus tard il a appuyé la dictature, mais toujours en jouant avec l’ambivalence. « Je ne vais pas prendre part ni pour Zelaya et ni pour Micheletti », martelait-il chaque fois que la presse lui demandait sa position face du coup d’état.
Ses détracteurs n’ont pas de doute que Pepe prît position pour Micheletti et sa dictature, mais encore ils le séparent du reste. « Cela ne m’a aucunement surpris que Pepe ait appuyé le coup, après tout il militait dans un parti conservateur. C’est une personne qui a une certaine noblesse, mais liée au statu quo » le définit Andrés Pavón, président du Comité pour la Défense des Droits de l’homme en Honduras. Paon connaît bien Lobo depuis sa jeunesse, quand il militait dans cette organisation. « Nous maintenons un lien personnel, avant le coup d’état nous bavardions. Je l’ai appelé une journée avant le coup pour lui demander ce qui se passait, mais il ne m’a pas répondu. Je n’ai pas essayé à nouveau », a-t-il raconté dans une conversation téléphonique avec notre quotidien.
S’il gagne demain, Lobo a promis d’être à la tête d’un gouvernement d’unité nationale et de réconcilier les Honduriens. L’un de ses vieux compagnons ne croit pas que cette fois son sourire et son charisme indubitable y parviennent. « C’est très difficile qu’il puisse réunifier son pays. Pour le faire il devrait respirer un grand coup et beaucoup se souvenir de ses années de jeunesse et de contact avec les plus pauvres et sans protection », a suggéré depuis le pays voisin du Salvador, son ex-camarade de classe Ramiro Vazquez.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.