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30 avril 2012

Hollande, et après ?

par Guillermo Almeyra *

 

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Le plus probable – bien que, bien sûr, la sécurité mathématique ne s’applique pas à la politique – est que François Hollande, le candidat du Parti socialiste français, additionne le 6 mai à son 28.8 % presque tous les votes de Jean-Luc Mélenchon, du « Front de Gauche », qui a obtenu lui 11%, plus les deux points des écologistes, un autre point de l’ extrême gauche, un tiers d’huit% qui a eu le centredroite avec Bayrou et un cinquième des 18 % qui a voté pour ‘extrême droite pour protester contre la crise et contre Nicolas Sarkozy. Ceci permettrait au social-démocrate, s’il y avait la même participation qu’au premier tour, un « plancher » entre 47 et 48 % des votes, contre 44-45 pour le président sortant. Selon les mathématiques, cela serait suffisant pour gagner. Par un cheveu et avec une France divisée en deux, mais gagner.

Mais les élections ne sont qu’un thermomètre. Ce qui importe réellement est l’évolution du malade. Donc, d’un côté, la France est extrêmement intégrée à l’Union Européenne et subit trop de la crise générale du système capitaliste pour qu’un gouvernement social-démocrate puisse beaucoup modifier l’économie du pays et son orientation. Par conséquent, Hollande pourra difficilement tenir ses promesses de rupture avec la politique du duo Sarkozy-Merkel, malgré le mandat antiBruxelles que lui a donné l’électorat (c’est pourquoi, entre d’autres choses, les grands patrons français ne l’attaquent pas, ni n’ont appuyé Sarkozy et sont dans l’attente). Tout au plus, sa victoire éventuelle affaiblira la droite en Allemagne, compliquera la politique de l’Union Européenne et voilà qui permettra à son gouvernement d’adopter quelques mesures sur la création d’emploi et sur le contrôle de la spéculation financière. Mais cela ne ressemblera pas tout à fait au changement promis.

Cependant, ceux qui ont appuyé Mélenchon et pourraient rendre possible le triomphe du social-démocrate qu’ils refusent, n’entreront pas à son gouvernement et exigeront ce changement, ainsi que la VIème République, du dehors grâce à des mobilisations et à des luttes. Les votes sont tous pareille dans les urnes, mais le suffrage de ceux qui peuvent faire des grèves, des manifestations et occuper les lieux de travail pèse plus que celui du nuage de poussière social-conservateur et réactionnaire qui appuie la droite. Les mobilisations syndicales pourraient traîner contre le capital, y compris une partie des travailleurs et des jeunes qui ont voté pour Marine Le Pen en cherchant une proposition radicale contre le « système des riches ».

L’opposition de gauche radicale pourrait gagner ainsi une partie de l’opposition de droite qui ne sera pas dirigée, à partir de maintenant, par Sarkozy mais par Marine Le Pen, parce que le premier dépend maintenant de la deuxième. Dans cette opposition de droite dure, étant donnée sa composition, surgira probablement une aile « sociale » antisystème, et en revanche, les fascistes proprement dits provoqueront un effet de rejet dans la droite conservatrice sarkoziste.

En outre, la division de la France n’existe pas seulement entre deux partis de densité et de poids inégal, c’est à dire, la droite, avec le grand patronat et les « facteurs de pouvoir » plus une base conservatrice dispersée et diffuse, et la gauche, formée par les organisations traditionnelles – des syndicats, des partis, des ligues sociales – plus une jeunesse aux emplois précaires, les étudiants, les employés. Il y a, en effet, une division de classes entre les deux blocs, mais cette lutte sociale interagit avec la lutte nationale et décolonisatrise de millions d’immigrants qui ne votent pas, mais qui sont essentiels pour la production, ils peuvent faire des grèves et de plus prendre de fait les quartiers pauvres. Cela dépendra de la capacité de la gauche réelle de réorganiser une partie de l’électorat du « Front national » et aussi une grande partie qui est raciste mais à l’envers par rejet du racisme blanc et repousse la politique, des esclaves de couleur.

Les élections ont mis à découvert la France profonde – elle a voté plus de 80 % – et ont mis en mouvement le pays qui, comme toujours, donne son impulsion à toute l’Europe. Que fera le capital face un gouvernement éventuel de Hollande ? Émigrera-t-il ? Sabotera-t-il ? Quelles pourraient être les résistances à cette réaction ? Quel saut fera le niveau de conscience dans un pays où, comme en Italie ou en Espagne, se sont multipliés les suicides de travailleurs provoqués par la sensation d’impuissance devant la crise ? Jusqu’à présent, il y a eu des courtes occupations d’usines, mais aucune n’a débouché sur l’autogestion ouvrière. Les exemples grecs et argentins se répéteront-ils en France, où les ouvriers sont plus vieux, sont moins syndicalisés et sont plus divisés, même du point de vue de leur origine nationale et de leur langue ? Les réponses à ces questions ne sont pas dans les scrutins du deuxième tour, bien que ceux-ci – si Hollande gagnait Hollande – les rendraient possibles.

L’axe de la situation française passe par l’évolution du « Front de Gauche ». Celui-ci a pour composante principal le vieux Parti Communiste, conservateur et enclin à l’opportunisme pour maintenir des représentations municipales. Le même qui fera pression pour s’intégrer dans le gouvernement d’Hollande. À son leur, les appareils syndicaux sont conservateurs. Mélenchon dirige le Front avec une main dure. Les révolutionnaires anticapitalistes « Gauche Unie », qui ont rompu avec le moribond Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) à cause du sectarisme du même face au « Front de Gauche », ont comme souci principal de traîner vers le Front une grande partie de ceux qui dans leur vieux parti (NPA) voient celui-ci comme inutile et même nocif. Par conséquent, le « Front de Gauche » est pour le moment une mosaïque de pièces discordantes et mal collées, dont plusieurs se sont seulement assemblées pour les élections. Pour qu’il puisse devenir un organisateur des luttes il doit dépendre moins d’une rhétorique patriotique et républicaine et plus de l’auto-organisation des travailleurs. La question du programme passe ainsi à un premier plan parce que lui même sélectionnera les dirigeants et pourra donner – ou non – une base à l’organisation d’une gauche anticapitaliste en France.

La Jornada. Mexique, le 29 avril 2012.

Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo. Paris, le 30 avril 2012.

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* Guillermo Almeyra Historien, chercheur et journaliste. Docteur en Sciences Politiques (Univ. Paris VIII), professeur-chercheur de l’Université Autonome Métropolitaine, unité Xochimilco, de Mexico, professeur de Politique Contemporaine de la Faculté de Sciences Politiques et Sociales de l’Université Nationale Autonome de México. Domaine de recherche : mouvements sociaux, mondialisation. Journaliste à La Jornada, Mexique.

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