Accueil > Les Cousins > Amérique Centrale et Caraïbes > Haïti Le départ d’Aristide a aggravé la situation
La situation des droits de la personne en Haïti est pire maintenant qu’avant le départ de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, il y a un an, soutient un rapport dévoilé lundi à Ottawa.
Par Sylvain Larocque
Presse Canadienne. Ottawa, Le lundi 28 février 2005
Divers éléments armés, dont des policiers, « essaient d’éteindre le mouvement démocratique des pauvres », a estimé Thomas Griffin, un avocat de Philadelphie qui a dirigé, en novembre, une équipe d’enquête en Haïti pour le compte de la faculté de droit de l’Université de Miami.
« Les prisons sont remplies de supporters du Parti Lavalas », a-t-il ajouté, en faisant référence à la formation politique d’Aristide, qui est exilé en Afrique du Sud. Emprisonné depuis des mois, l’ancien premier ministre sous le président déchu, Yvon Neptune, vient d’entreprendre une grève de la faim.
À l’instar de nombreux membres de la diaspora haïtienne au Canada et ailleurs, M. Griffin affirme que le président déchu a été victime d’un « coup d’État » orchestré par les États-Unis, la France et le Canada.
Au lieu de rétablir la paix et l’ordre, le gouvernement intérimaire du premier ministre Gérard Latortue a contribué à aggraver la situation des droits humains en Haïti, croit l’avocat.
Thomas Griffin et le Comité Outaouais Solidarité Haïti vont même plus loin en accusant Ottawa d’être « complice » des exactions commises par certains policiers haïtiens et des manquements de la justice dans le pays.
M. Griffin s’inquiète notamment du fait que Philippe Vixamar, un employé du cabinet du ministre haïtien de la Justice, soit rémunéré par l’Agence canadienne de développement international dans le cadre d’un projet d’assistance. Or, lors du passage de M. Griffin en Haïti, M. Vixamar a pris sur lui de s’exprimer au nom du gouvernement haïtien, ce qui amène l’avocat à accuser le Canada d’ingérence dans les affaires du pays.
« Il a parlé en son nom strictement personnel », a admis en entrevue téléphonique le responsable d’Haïti à l’ACDI, Yves Pétillon. « Ce n’est pas nécessairement des choses qu’on aurait souhaitées. »
M. Pétillon reconnaît que la justice et la police haïtiennes sont dans un piteux état depuis longtemps. « Nous espérons que nos interventions aideront à améliorer la situation des droits de la personne là-bas », a-t-il souligné
La France, les États-Unis et le Canada rejettent les allégations voulant que le départ d’Aristide ait été le résultat d’un « kidnapping » ou d’un « coup d’État ». Mais pour en avoir le coeur net, Thomas Griffin et le Comité Outaouais Solidarité Haïti réclament la création d’une commission d’enquête internationale sur la question, comme l’ont déjà réclamé la Communauté des Caraïbes (CARICOM), l’Union africaine et le Venezuela.
Les militants demandent aussi la tenue d’une enquête sur le « rôle » de l’ACDI et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en Haïti, de même que la libération des prisonniers « politiques ». En début d’après-midi, lundi, ils ont manifesté devant le Parlement fédéral afin de faire passer leur message.
Dans la ligne de feu
Une centaine de policiers canadiens, dont une majorité de la GRC, sont actuellement en Haïti afin d’assister la police nationale, qui est par ailleurs soupçonnée d’assassinats extrajudiciaires.
L’un de ces policiers, qui a parlé à La Presse Canadienne sous le couvert de l’anonymat, a expliqué que ses conditions de travail étaient extrêmement difficiles, mais qu’il avait la certitude de faire oeuvre utile dans le pays.
« On risque nos vies, a-t-il témoigné. J’ai arrêté des fusillades pour ne pas qu’il y ait de morts, ni de blessés. On se met entre les deux. On a failli me tuer parce qu’on nous accusait des violences en Haïti, ce qui est évidemment faux. On fait tout pour ramener la stabilité. On est chanceux qu’aucun Canadien ne soit revenu au pays dans des boîtes. »
Lundi, la police haïtienne a ouvert le feu à Port-au-Prince sur des manifestants pro-Aristide qui défilaient au premier anniversaire du départ en exil forcé d’Aristide. Au moins deux personnes ont été tuées lors de la manifestation et près d’une dizaine blessées.
La semaine dernière, des hommes lourdement armés avaient attaqué le pénitencier national d’Haïti, tuant un gardien lors d’une fusillade qui a permis à 500 prisonniers de s’évader.
Le Canada s’est engagé à verser 180 millions $ en aide humanitaire et logistique à Haïti en deux ans.