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6 de febrero de 2004

Haïti
Haïti prise en otage

 

Par Tania VACHON *
Alternatives, le 29 janvier 2004,

Le pays est au bord du chaos. Depuis quelques mois, une série de manifestations secouent Haïti. À la grandeur du pays, plusieurs secteurs de la société expriment leur mécontentement envers le gouvernement d’Aristide, dont ils réclament la démission. Mais ces résistances, au cœur de la crise, seront-elles suffisantes pour insuffler un véritable changement dans le pays le plus pauvre des Amériques ?

La déception de la population face au régime de Jean-Bertrand Aristide a atteint un sommet inégalé. Après qu’il eût incarné un véritable espoir de changement, le vent a tourné et Aristide est maintenant comparé à Jean-Claude Duvalier, dictateur qu’il avait fortement critiqué vers la fin des années 80. Le président réprime maintenant les étudiants, cette relève militante de gauche qui l’avait porté au pouvoir par la voie démocratique en 1990, le mouvement social, qu’il avait autrefois appuyé, et même ses amis bourgeois, jusqu’ici épargnés. Depuis le mois de septembre 2003, la répression exercée par des partisans du régime a fait quelques morts et plusieurs blessés. Mais voilà que le président Aristide annonçait, lors de la rencontre des chefs d’État du Sommet des Amériques à la mi-janvier, la tenue d’élections législatives démocratiques d’ici six mois.

La tenue éventuelle d’un nouveau scrutin ravive les craintes de fraudes parmi la population. Marquées par de nombreuses inégalités, les dernières élections de 2000, qui avaient permis le retour d’Aristide au pouvoir, avaient été largement contestées par la communauté internationale. Puisque la Constitution haïtienne ne permet pas qu’un même président se présente à deux mandats consécutifs, Aristide avait laissé temporairement le pouvoir à son bras droit, René Préval, afin de se représenter lors des élections de 2000.

Depuis trois ans, tous les mandats de l’Organisation des États américains (OEA) - visant à assurer, entre autres, la tenue d’élections sécuritaires - ont échoué. Le président n’a respecté aucune des résolutions de l’OEA, et est perçu comme le grand responsable de la crise qui secoue Haïti aujourd’hui.

Un véritable marasme

« Par ses atermoiements, ses promesses non tenues, la communauté internationale porte aussi sa part de responsabilité dans cet échec », écrivait récemment Jean-Michel Caroit, dans le quotidien français Le Monde. Depuis 13 ans, le régime d’Aristide s’est traduit par un véritable marasme : augmentation du chômage, de la violence, de la pauvreté et de la corruption. Selon un rapport de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), la grande majorité de la population vit en dessous du seuil absolu de la pauvreté.

Les États-Unis, l’Union européenne et les institutions financières internationales bloquent l’aide prévue pour Haïti depuis plus de dix ans. Ces mêmes organisations concluent pourtant à une crise humanitaire imminente. Un rapport de la Banque interaméricaine de développement confirme que les exigences conditionnelles à l’aide de la communauté internationale entraînent des difficultés : « Au total, la principale raison de la stagnation économique est la suppression des subventions et des prêts de l’étranger qui a accompagné la réponse de la communauté internationale à l’impasse de la situation politique. » Devant la passivité de la communauté internationale vis-à-vis du régime d’Aristide et le maintien de cet embargo, Jean-Harry Clerveau, représentant de la Plate-forme haïtienne de plaidoyer pour un développement alternatif (PAPDA), s’insurge : « Dans le contexte actuel, nous faisons aussi face à la communauté internationale, et pas seulement à Aristide. » Il affirme que la population, plutôt que le régime, est la principale victime de cet embargo.

Quelles alternatives politiques ?

À la suite de l’annonce de la tenue d’un scrutin au cours des prochains mois, plusieurs s’interrogent : « Des élections bientôt ? Pour faire quoi au juste ?, se demande M. Clerveau. Théoriquement, Aristide ne peut pas se représenter à nouveau, mais puisqu’il a déjà violé la Constitution à maintes reprises, il ne serait pas étonnant que ça se reproduise. Mais sinon… pour qui voter ? »

Les années de violence et de répression sous Jean-Claude Duvalier (qui avait été nommé président à vie en 1971) auront permis au régime de démanteler les réseaux populaires de résistance. Pendant des années, l’armée paramilitaire de Duvalier, les « tontons macoutes », s’est attaquée aux syndicats, aux ONG, aux associations citoyennes et aux radios communautaires. Sous Aristide, ces agressions se sont intensifiées. L’assassinat en toute impunité du journaliste de Radio-Haïti Inter, Jean Dominique, en avril 2000, en est devenu le symbole. La majorité paysanne a ainsi perdu son unique voix. Les dirigeants politiques ont été victimes d’attentats ou contraints à l’exil. Le démantèlement des initiatives populaires a été dévastateur et a considérablement nuit au développement d’une véritable alternative politique, appuyée par la majorité de la population.

À l’aube des élections promises, quelques initiatives de la société civile marquent le paysage politique. L’une d’entre elles, qui a attiré l’attention des médias internationaux, est la Plate-forme démocratique de la société civile et des partis de l’opposition. Le programme de cette coalition vise « l’amélioration des conditions de vie de tous les Haïtiens tout en accordant une priorité méritée aux besoins de la majorité ». Ce « contrat social » porte principalement sur le processus électoral en énonçant des conditions à la tenue d’élections justes et démocratiques.

Mais plusieurs se méfient de cette initiative. Certains leaders de la coalition seraient d’anciens amis du régime en place ou de riches hommes d’affaires. M. Clerveau ainsi que d’autres Haïtiens de la diaspora (qui souhaitent garder l’anonymat) croient que les instigateurs de ce regroupement profitent du mécontentement de la population envers Aristide afin de s’approprier une part de légitimité et de pouvoir. « Cette coalition qui se dit représentative de la société civile n’est pas légitime, affirme le représentant de la PAPDA. Elle ne présente pas de programme politique et ne dénonce même pas Aristide et ses dirigeants. » Les organisations regroupées au sein de cette coalition sont par ailleurs si hétéroclites que les divers groupes arrivent difficilement à s’entendre sur des revendications communes.

La polarisation est donc importante, et l’horizon politique d’Haïti reste nébuleux. Tant qu’Aristide s’accrochera au pouvoir, la tenue d’élections démocratiques est plus qu’incertaine. Au cœur de cette crise, la population haïtienne, prise en otage.

* Tania Vachon, collaboration spéciale et chargée de projets pour les Caraïbes à Alternatives.

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