Portada del sitio > Imperio y Resistencia > « Gringolandia » (USA) > États-Unis: La mère de toutes les bulles. Get out now !
Par Raúl Dellatorre
Página 12. Buenos Aires, le 17 février 2009.
Barack Obama n’a pas promis que le plan de sauvetage de presque 800 milliards de dollars qu’il a supplié le Sénat serait le dernier, mais sûrement il le désire. Il sait qu’il marche sur un terrain extrêmement dangereux. Le niveau de l’endettement dans lequel est rentré les États-Unis, à travers l’émission successive de bons du Trésor à chaque fois qu’ils lancent un plan de sauvetage, inonde la place mondiale de papiers de la dette dans une dimension inimaginable, même pour le pays avec l’économie la plus puissante du monde. Si on imaginait seulement un instant que les investisseurs soupçonnaient un défaut de recouvrement d’une dette qui dépasse déjà les 11.000 milliards de dollars, la conclusion sûrement serait que nous serions devant une catastrophe plusieurs fois supérieure à la crise actuelle. Ou, autrement dit, devant la possible et peut-être vraie dimension de la crise actuelle. Est-ce trop ? Voyons cela.
Quelques questions techniques. Les bons du Trésor des États-Unis sont considérés universellement, par convention, comme les valeurs de dette les plus fiables. À partir de là, la différence entre le rendement que les investisseurs réclament aux obligations de tous les pays et celui que rapportent les bons des États-Unis, définit le « risque pays ». Le bon des États-Unis est considéré comme le « kilomètre zéro ». Qu’importe dans quelle situation se trouve son économie, à partir lui se mesurent les distances. C’est ainsi et ainsi c’est accepté. Les États-Unis sont l’unique pays au monde auquel on ne mesure pas le « risque pays ».
Mais les plans de sauvetage ne sont pas l’unique raison avoir besoin d’émettre des bons du Trésor. Les États-Unis doivent aussi soutenir par l’endettement le déficit croissant de ses dépenses publiques, et de plus assumer le déficit commercial, aussi multimillionnaire, qui n’arrivera pas à être soldé par un paiement en espèces, avec l’émission de dollars.
Une autre question technique. Tout autre pays, pour tenir un déficit permanent en compte courant, devrait s’endetter jusqu’au moment où quelqu’un lui impose un redressement brutal. Cela ne lui vaudrait rien d’émettre du papier, parce que personne n’accepterait sa monnaie. En revanche personne n’impose rien aux États-Unis et tous acceptent sa monnaie. « C’est un avantage technologique, c’est l’unique pays au monde qui a la petite machine à faire des dollars », a dit une fois Ben Bernanke, quand il n’était pas encore à la tête de la Réserve Fédérale des États-Unis. Cela était passé comme boutade. Il parlait sérieusement.
Les États-Unis extraient des produits au reste de monde et en échange lui donne des dollars et des bons de sa dette. Tout pays qui émet de façon excessive de la monnaie génère une inflation. Les États-Unis aussi, mais pas d’inflation interne, seulement dans le reste du monde, là où vont échouer leurs dollars. Ils s’endettent, remplissent de bons leurs associés et déplacent leur inflation. Aucun autre pays ne provoquerait ce résultat avec son déficit commercial, en déplaçant le coût vers les autres.
Tout ce qui a été dit se passe depuis presque une décennie, coïncidant pratiquement avec les années de George Bush au gouvernement. La question est comment cela va continuer ou, comme dirait un analyste, « si le modèle est durable ». Pour l’instant, la politique continue à lancer des monumentaux plans de sauvetage à coups d’endettement par obligations. Ceux de Bush étaient pour sauver les banques. Obama continue avec les sauvetages du système financier, mais il en lance d’autres pour la production de biens, pariant sur une sortie de crise. L’immédiat consiste en l’augmentation de l’émission de bons et de la dette, tandis qu’il faut si l’objectif de reprise est tenu.
Pour l’instant, les bons de la dette des États-Unis, à long ou moyen terme (à dix ou trente ans) continuent de circuler, continuent a être achetés. Les banques se défaisaient de leurs stocks de bons du Trésor, pas tant par méfiance, mais plus par nécessité de liquidité. Les particuliers, en grande partie des investisseurs sur le marché d’actions qui ont fui la place boursière ou immobilière après avoir subi de grandes pertes, préfèrent ces bons parce qu’ils ne veulent pas courir de risques. Ils pensent que les bons sont un bon refuge, bien qu’ils paient un taux très bas, 2 pour cent, l’un des plus faibles de l’histoire à cause de la politique imposée par la Réserve Fédérale.
Mais la plupart du stock des titres de la dette des Etats-Unis sont dans les coffres de banques centrales. Plus de la moitié de la dette, 5 800 milliards de dollars, est aux mains d’ institutions et de particuliers en dehors des États-Unis, avec la Chine et le Japon en tête (plus de 650 milliards le premier, presque 600 milliards le second). S’ils annonçaient de se défaire seulement d’une partie, la valeur des bons étasuniens s’écroulerait. Mais, pour l’instant, personne ne le fait. Ils sont associés au sort de la valeur de ces bons : une chute de son cours signifierait aussi une forte perte pour les banques centrales qui en possèdent.
Cette dépendance mutuelle indique seulement que, très probablement, ce ne seront pas les banques centrales asiatiques qui commenceront une débandade ou un nettoyage. Mais personne ne pourrait assurer qu’elles garderont la même conduite si la fuite est lancée par une autre. Il est possible qu’elles ne veuillent pas être les premières à sortir, mais ne voudraient pas non plus être les dernières.
Quelle possibilité y a-t-il que d’ « autres », anonymes, commencent un dégazage des bons étasuniens ? Aujourd’hui, comme cela a été dit, leurs rendements sont très bas, mais sont considérés comme « surs » parce que l’on pense qu’ils ne vont pas perdre leur valeur marchande. Mais il suffirait que les investisseurs individuels retrouvent leur propension au risque pour qu’ils cherchent des rendements plus attractifs dans des produits privés. Ceci pourrait arriver, par exemple, si une reprise soutenue est observée de l’activité économique et que les actions des entreprises recommencent à être attrayantes. S’il arrivait que l’attitude des investisseurs individuels entraîne les investisseurs institutionnels, il en ressortirait que le meilleur scénario pour l’économie pourrait s’avérer le pire pour les bons étasuniens.
Que se passera t-il avec les bons si la crise se prolonge, si la situation de faiblesse de l’économie des Etats-Unis ne se dissipe pas et encore plus de secteurs économiques entrent-ils en crise ? L’alternative de plus d’intervention officielle, plus de plans de sauvetage, suppose plus de nécessités de financement et, donc, plus d’émission de bons. Jusqu’à quand est-il possible, avant de devenir une bulle sur le point d’éclater ? Il ne sont pas peu nombreux, ceux qui soutiennent que cette limite est déjà trop près, s’il ne qu’elle déjà dépassé. C’est-à-dire le pire de scénario pour l’économie pourrait aussi être le pire pour les bons.
Dans un article récent, Rubén Ramallo, professeur de l’Université de Palerme, a passé en revue et cite quelques commentaires d’origine étasunienne en signalant le souci croissant sur l’avenir des bons du Trésor. Plusieurs prévoient une fin catastrophique, la plus frappante, fut la revue spécialisée en investissements financiers Barron’s, qui a alerté avec un : "Get out now !" (« Barrez-vous maintenant ») à ses lecteurs propriétaires de bons. Les autres remarquent que la tendance des banques centrales est à la vente et non à l’achat de titres du Trésor des Etats-Unis.
Les bons, il n’y a pas de doute, sont devenus une autre bulle, mais la « Big One ». Celle qui dépasse toutes les autres : celle des actions technologiques, l’immobilière, celle du crédit, etc. Le drame est que, cette fois, elle aurait une portée démesurée, par le degré d’exposition des principales économies du monde et par ce que celles-ci représentent dans l’économie globale. Tout le modèle d’accumulation serait en jeu. Quelqu’un s’imagine-t-il la fin du néolibéralisme comme un monstre qui se dévore lui-même? Une fin digne d’un film de fiction, ou pas tant que cela. En définitive, Hollywood est aussi les États-Unis. Et vice versa.
Traduction de l’espagnol pour El Correo de: Estelle & Carlos Debiasi