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13 juin 2008

Des informations « inconvenantes » sur le conflit colombien.

par Luis Britto García *

 

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Le ministre Julio Araujo critique mon livre « La paz con Colombia » (Télécharger le livre en bas de cette page), parce que selon son point de vue, il contient des « informations inconvenantes ». Je ne mets pas en valeur des informations pour leur convenance, mais pour leur véracité. En voici quelques unes de plus, je ne sais pas si elles conviennent, mais elles sont documentées.

La base sociale des FARC.

Depuis leur création en juillet 1964 les FARC-EP et d’autres mouvements insurgés subsistent grâce à leur base sociale paysanne. Selon des chiffres du Département Administratif National de Statistiques de la Colombie, pour l’année 2007 le pays 42.888.592 habitants, dont 31.886.602 (74,3 %) urbains et 11.001.990 (25,7 %) de ruraux, qui composent 22,7 % de la force de travail, une proportion élevée comparée à celle du Venezuela et à d’autres pays.

La base agricole de la Colombie

L’agriculture représente une grande partie des revenus du pays. Selon des chiffres officiels, pour l’année 2007, 11,5 % du PIB est agricole, 36 % industriel, 52,4 % produit par les services. Mais selon Edelmira Pérez Correa et Manuel Pérez Narenes, il y a des cultures illicites dans 259 municipalités, un quart du total (« El sector rural en Colombia y su crisis actual. ». Cuadernos de Desarrollo rural primer semestre 2002 - cahiers de Développement rural premier semestre 2002- Pontificia Universidad Javeriana, Bogotá, Colombia, pp. 33-58 -). Peut-être ceux-ci apportent-ils une partie plus importante d’un PIB estimé à 320.400.000.000 dollars pour 2007.

La base du pouvoir

Le contrôle de la terre donne le contrôle économique et politique de la Colombie. Pour l’année 2005 la superficie de terre cultivable est seulement de 2,01 % du total, celle consacrée à des récoltes permanentes occupe 1,37 %, et 96,62 % sont destinés à d’autres usages, surtout de l’élevage extensif. La concentration de la propriété est extrêmement inégale. Au début du XXIe siècle, sur 2.792.584 propriétés, 492.744 occupent près de 52 millions d’hectares, tandis que les petites propriétés occupent moins de dix millions d’hectares. Selon Edelmira Pérez et Manuel Pérez une telle inégalité s’intensifie par les déplacements massifs forcés de paysans, ainsi que l’appropriation de leurs terres de culture pour l’élevage extensif, celui-ci augmente l’exode paysan parce qu’il demande moins de main-d’oeuvre.

Déplacements de population

Un instrument fondamental de la concentration de la propriété de terre est le déplacement forcé de grandes masses de paysans grâce à la violence militaire ou paramilitaire. Durant le seul quinquennat entre 1996 et 2001 on enregistre 2.880.179 déplacés, à qui on a enlevé les terres qu’ils occupaient (Edelmira Pérez et Manuel Pérez, op. Cit. p. 36). Le Recensement de population de 2005 enregistre que plus de 27 millions de Colombiens ont migré d’une municipalité jusqu’à une autre. Durant les cinq ans qui ont précédé ce Recensement, 824.858 se sont déplacés » pour menace pour leur vie" et 49,8 % se sont déplacés par des raisons familiales, peut être liées avec déplacements inévitables. Le Cabinet -conseil pour les Droits humains et le Déplacement (CODHES) enregistre 3.720.428 déplacés de manière inévitable entre 1985 et 2005, et 1.564.463 entre 2001 et 2005. Cela participe au fait que 49,2 % de la population est sous le seuil de pauvreté en 2005, que la taux de chômage est de 10,6 % pour 2007 et qu’un pourcentage très élevé de la population subsiste par l’économie souterraine.

Données étasuniennes

Au lieu de résoudre le conflit en écoutant les besoins des bases sociales, on essaie de les étouffer par des bases militaires, des équipements et des fonds des États-Unis. Le Département d’État avoue que "L’appui des États-Unis au Plan la Colombie est une réponse intégrale à une stratégie compréhensive" (Le plan la Colombie : Département d’État des États-Unis, s.d. 2001, 7). La Doctrine de Sûreté Nationale des Etas-Unis formulée par George W. Bush en 2002 admet que "nous travaillons actuellement pour aider la Colombie à défendre ses institutions démocratiques et à combattre les groupes armés illégaux, de gauche et de droite, grâce à l’extension réelle de la souveraineté à tout le territoire national et à l’assurance d’une sûreté basique au peuple de la Colombie" (Bush, George W. : " The National Security Strategy of the United Status of l’Amérique " , Washington, 17 septembre 2002, Ces déclarations insolentes impériales sembleraient soutenir que le gouvernement colombien est incapable tout seul d’exercer la souveraineté et garantir la sûreté, c’est pourquoi les États-Unis assument les deux fonctions.

Données armamentistes

Selon le World Economic Outlook , pour 2005 la Colombie affiche une dépense militaire de 3.309 millions de dollars, 3,8 % de son PIB (le pourcentage le plus élevé en Amérique Latine après 3,9 % du Chili) ; et le Venezuela dépense moins de la moitié : environ 1.477 millions, 1,6 % de son PIB. De tels chiffres auraient connu des augmentations très fortes. Selon James Petras, l’armée colombienne a progressé jusqu’à un effectif de 200.000 personnes, plus de 30.000 policiers, sans compter des dizaines de milliers de paramilitaires cachés. Selon Miguel Suárez dans Argenpress, en 2004 l’armée colombienne disposait de 450.000 hommes ; en 2007 sa dépense militaire aurait doublé jusqu’à représenter près 6,6 % de son PIB ; pour 2008 son contingent dans des armes dépasserait le demi-million, et la dépense de sécurité s’élèverait à 22.200 millions de dollars par an. Une chose est le croire, mais c’est plus difficile encore de le financer. C’est peut être pour cela la Dette publique colombienne s’élève à 53,9 % du PIB, elle était en 2006 estimée à 374.400.000.000 dollars.

Données économiques et sociales

Si avec des moyens aussi disproportionnés d’argent, d’armements et d’effectifs depuis quarante ans décennies on n’a pas pu contrôler un groupe de guerilleros à qui on attribue environ 15.000 combattants qui opèrent dans 24 des 32 départements, l’heure est arrivée de restructurer d’une manière profonde les bases économiques, sociales et politiques du pays. On n’y parviendra pas en augmentant la violence des Colombiens contre les Colombiens, ni non plus en la déchargeant contre des pays voisins. Une telle refonte revient uniquement et exclusivement au peuple frère de la Colombie. Je peux donner mon avis sur le sujet, avec le même droit que le chancelier Araújo donne le sien sur mon livre. Cela ne me revient pas de décider ces voies de cette refonte, mais cela ne revient pas plus aux États-Unis.

La base Palanquero

Enfin pour finir cette note, la revue Cambio et avec elle la presse mondiale publie une information dont je ne sais si elle sera inconvenante pour la Colombie, mais qui me remplirais d’une honte si elle se référait à mon pays. Dans son édition du 6-juin-2008, page 66, la rubrique « Dernières Informations » nous apprend que le président Uribe "a assuré hier que les Farc,"en"’abusant’ d’un pays étranger enregistré la vidéo dans laquelle elles ont confirmé la mort du guérillero légendaire Mañuela Marulanda Vélez". L’information ajoute :

« Bogotá. EFE. Le 22 avril l’ambassadeur des Etats-Unis en Colombie, William Brownfield, a rencontré le ministre colombien de la Défense, Juan Manuel Santos, et lui a communiqué que Washington avait observé ’ une avance significative des Forces Militaires colombiennes en matière des droits humains ’, a-t-il remarqué. Aussi, le Département de l’État a décidé de lever le veto qu’il appliquait depuis janvier 2003 à la base aérienne de Palanquero, au centre de la Colombie, qui était sanctionnée depuis 1999 quand les avions qui ont décollé , ont bombardé par erreur un village et ont tué 18 paysans ».

Voyez, donc. Un président s’occupant de savoir si une vidéo est enregistrée ou pas à l’étranger, et un ministre censurant les livres de l’extérieur, tandis que les États-Unis sanctionnent, imposent ou lèvent des vetos aux bases militaires sur le territoire colombien. Vient à la mémoire la chanson de la Geste, de Neruda : "Des yeux et des oreilles pour l’Amérique du Nord / pour son propre peuple sourd et aveugle".

Luis Britto García . Juin 2008.

La paz con Colombia
de Luis Britto García
Texte en espagnol
* Luis Britto Garcia, est un homme de lettres, dramaturge, historien et essayiste vénézuélien. http://www.luisbrittogarcia.blogspot.fr

Traduction de l’espagnol pour El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi.

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