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7 août 2005

Dénoncer les agissements de Ledesma

 

Tous les ans se déroule à Ledesma, Jujuy, la marche qui commémore la Noche del Apagón (Nuit de la coupure d’électricité). Cette année un événement d’une extrême gravité s’est produit.

Avant d’y venir et de faire appel à votre soutien et éventuellement à votre aide pour traduire d’urgence certains documents en Français, voici un bref rappel historique afin que vous puissiez comprendre les enjeux de ce qui vient de se passer.

1. Rappel historique

L’empire Ledesma, la plus grande entreprise d’exploitation sucrière d’Amérique, par une nuit de la fatidique en 1976, et de mèche avec la dictature, coupe l’électricité et fait enlever plus de 300 personnes qui seront pour la plupart torturées, puis emprisonnées, dans des conditions épouvantables. Au moins 30 d’entre elles sont allées grossir les rangs des "disparus". Depuis, plusieurs charniers clandestins découverts dans la province confirment que ces "disparus" ont bien été assassinés.

Parmi les 30 disparus figurait Luis Aredez. Durant son travail de médecin auprès des plus pauvres, le Dr Aredez avait été alarmé par l’état de malnutrition d’un grand nombre d’enfants des travailleurs de l’entreprise Ledesma. Elu maire de Ledesma en 1976, il s’empressa de mettre un programme sur pied pour remédier à ce mal et afin de le financer, il ne trouva rien de mieux que de faire payer un modeste impôt à la richissime compagnie sucrière. L’entreprise n’apprécia guère ce coup et jugea qu’un tel homme, médecin des pauvres et de surcroît maire honnête, devait disparaître. A la première occasion, elle l’envoya, donc, rejoindre les 30 000 disparus de l’Argentine.

Depuis la disparition de son mari, sa femme a mené à elle seule une lutte sans relâche contre les maîtres de Ledesma, la famille Arrieta-Blaquier.
Coiffant le fichu blanc des Mères de la Place de Mai et sans autre arme qu’une pancarte avec les photos des 30 disparus de sa ville, Olga entreprend de résister à " l’empire " de Ledesma , et à tout ce qui lui ressemble, dans le pays ou ailleurs. Elle réclame inlassablement que lumière soit faite sur les disparitions de son mari et de tant d’autres. Elle exige que les coupables, pourtant connus de tous, et qui sont tous en liberté, coulant une vie tranquille soient jugés.

Au début de juillet 2003, Olga est hospitalisée d’urgence et traitée en soins intensifs. Le "bagazo", bacille de la canne à sucre que les cheminées de "l’empire" crachent sur Ledesma depuis plus d’un siècle, a fait d’innombrables victimes. Olga, comme tant d’autres, a été touchée à son tour. Olga est décédée cette année.

L’action d’Olga a été finalement couronnée de succès, elle a été reconnue officiellement par le Président Kirchner et des actions en justice ont été ouvertes à l’encontre de l’entreprise Ledesma et la famille Arrieta-Blaquier.

2. Les événements de la Marche del Apagón 2005

Rappelons pour commencer qu’aujourd’hui encore Ledesma, véritable état dans l’état, fait régner la terreur dans la région - l’entreprise entretient une véritable milice privée et une sorte de police secrète chargée des basses oeuvres - et que jusqu’à maintenant quasi personne n’avait osé témoigner contre elle.

La marche de la Noche del Apagón a été cette année un événement énorme qui a réuni environ 10.000 personnes, parmi lesquelles figurent un très grand nombre de personnalités des organisations de défenses des droits de l’homme, tels que Eduardo L.Duhalde, Rodolfo Mattarolo et Ana González. Mais aussi du monde syndical, ainsi que Norberto Liwsky, mandataire d’Olga Aredez pour l’ensemble des affaires en cours, et les avocats chargés des actions en justice contre Ledesma.

Norberto Liwsky et les avocats chargés du procès intenté à l’entreprise Ledesma et à la famille Arrieta-blaquier ont quitté les lieux à 22 heures en taxi. Peu après minuit, les responsables de la marche ont reçu un appel téléphonique leur annonçant que Liwsky et les avocats avaient été victimes d’une opération commando à mi-chemin à un endroit, dans un double virage croisant sur la route une voie de chemin de fer passant sur la route. Le taxi a dû de ce fait freiner pour passer au ralenti sur les rails.
L’attaque a eu lieu à cet instant précis, probablement avec la connivence du chauffeur de taxi. Si apparemment, les voyageurs ne souffrent d’aucunes blessures, on leur a dérobé tout le dossier du procès (heureusement seulement des photocopies), les tampons et cartes professionnelles des avocats, leurs agendas, et pire : la liste complète des personnes qui ont accepté de témoigner contre Ledesma, avec leurs noms et adresses.
Cet événement démontre que Ledesma, sans doute, avec, comme par le passé la complicité des autorités provinciales et de la police, a gardé toute ses capacités de nuisance à l’encontre de la société civile. Ce qui fait craindre pour la sécurité des témoins du procès. Beaucoup d’entre eux travaillent sur le territoire de la raffinerie.

3-Communiqué de presse de CEDSESEHD

Suite aux faits qui se sont produits après la marche "del apago", à Ledesma Jujuy le 28 juillet 2005.
Poursuivre la dénonciation de OLGA MARQUEZ DE AREDEZ.

Nous vous envoyons une demande d’adhésion pour poursuivre le recours de protection collective présenté par le CODESEHD au nom de ma mère OLGA MARQUEZ de AREDEZ, lors de ses derniers jours de vie à Tucuman.
Cela est nécessaire et si vous pouvez m’aider à diffuser cette campagne à un maximum de personnes et surtout aux institutions, cette cause vaut la peine d’être poursuivie.

Afin d’assumer le désir et la volonté d’OLGA MARQUEZ DE AREDEZ a été présenté par le CODESEDH en tant que représentant d’Olga, le premier mars dernier, un recours de protection contre l’entreprise Ledesma, Société anonyme Agricole Industrielle et la province " afin que soit évitée la contamination produite par les déchets de sucre qui porte atteinte aux droits de l’homme, à la santé et à l’environnement des habitants de Libertad General San Martin", devant les tribunaux compétents de Jujuy.

La société reconnaît en elle (OLGA MARQUEZ DE AREDEZ) le témoignage d’un engagement permanent de défense des droits de l’homme mais aussi en cohérence avec la dignité de sa conduite, elle est reconnue comme une des personnalités les plus importantes des droits de l’homme qui a émergé en réponse aux crimes de lèse humanité commis par la dernière dictature militaire de la République Argentine. Cet engagement elle l’a poursuivi jusqu’aux derniers instants de vie, au travers de l’action légale déjà mentionnée.

Sa mort ne peut éteindre cette lumière de justice et la défense des droits de l’homme face à la violation qu’implique la pollution de l’environnent que génère le groupe Ledesma, raison pour laquelle a été réitérée la présentation d’un recours de protection dans le cadre d’une violation des droits de l’homme de dimension collective. Nous redoublons d’efforts et d’engagements pour la défense du droit à la santé et à un environnement sain pour les travailleurs et habitants de "Libertad General San Martin".

Pour toutes ces raisons :
Pour donner une continuité et approfondir les actions initiales, nous exprimons notre appui et notre adhésion au recours de protection qui est actuellement présenté durant le procès juridique aux tribunaux de San Pedro de Jujuy sous le numéro A- 26074/05 qualifié de "recours de protection association civile CODESEHD ( comité pour la défense de la santé, de l’éthique professionnelle et des droits de l’homme) Contre Ledesma Société Anonyme Agricole Industrielle et Etat provincial.
Buenos Aires, avril 2005
LUIS AREDEZ

HISTORIQUE
1958 : Le docteur Luis Ramon Aredez, entre dans le groupe Ledesma de la province de Tucuman sous contrat signé par l’entreprise, comme médecin pédiatre. Il existe alors un taux élevé de mortalité infantile, en particulier pour les enfants des travailleurs "golondrinas". C’est ainsi que sont appelés les ouvriers sous contrat , qui interviennent au moment de la récolte de la canne à sucre, et qui sont en majorité boliviens.

Peu de temps après, il est interpellé par le patron de l’entreprise Ledesma, qui est alors l’ingénieur Herminio Arrieta, qui lui stipule de ne pas dépenser tant d’argent en remèdes, que l’entreprise n’est pas disposée à le faire. Selon ses propres mots " à l’entreprise ce qui lui importe c’est de produire".

1973 : Suite à un accord législatif de la province de Jujuy, le "Parti Justiciasliste" lui demande de devenir Intendant de la Ville de Libertador General San Martin. Le Docteur Luis Aredez accepte à la condition que soit appuyé le programme qui doit être développé : il exigera de l’entreprise Ledesma qu’elle transfère les terres à la municipalité faisant ainsi référence au fait que l’entreprise est propriétaire de collines à collines de la vallée de San Francisco. Le projet consistait à ce que Ledesma paye à la municipalité des impôts sur les terres en sa propriété et ceux de l’usine, ceci afin de pouvoir réaliser des travaux de différente nature et ainsi ne plus dépendre des apports financiers du gouvernement central de la province

L’intendance a duré huit mois. Ledesma n’a payé qu’un mois d’impôts.

Sa démission est exigée parce qu’une plainte apparaît l’accusant d’être un infiltré marxiste. Bien sûr pour le gouvernement de cette époque ce type d’accusation signifiait un arrêt de mort.

Le syndicat ouvrier résiste à la demande d’éloignement du Docteur Aredez. Un coup d’état institutionnel se produit. Un groupe de civils armés de mitraillettes prend l’intendance et l’expulse du lieu.

15 Janvier 1976 : La résidence d’été de Tilcara, où la famille Aredez passe ses vacances est encerclée par l’armée argentine sans ordre d’arrestation.

24 Mars 1976 : survient le coup d’état, à trois heures du matin il est arrêté et enlevé dans une camionnette de l’entreprise Ledesma, conduite par un de ses employés. Il est maintenu en détention quatre mois à la prison de Villa Gorriti dans la ville de San Salvador de Jujuy et six mois à la prison de la Plata, province de Buenos Aires.

Les 22 et 24 juillet 1976 : se produisent dans les localités de Libertador General San Martin, Calilegua et El Talar des coupures de courant à partir de 22 heures et jusqu’à 6 heures du matin du jour suivant, durant cette coupure sont réalisées de nombreuses arrestations avec des camionnettes de l’entreprise Ledesma. Le temps passe et trente personnes ne réapparaîtront jamais plus.
Tous les ans le souvenir est donc présent et se célèbre "la nuit des coupures de courant". Cette cérémonie du souvenir consiste en une marche qui va de la localité de Calilegua à Libertador, cette marche s’étend sur 10 kilomètres et se termine par des messages, des discours et un festival solidaire avec des mères de détenus disparus du département de Ledesma - Jujuy.

23 Mars 1977 : Le docteur Luis AREDEZ est remis en liberté, sans papiers, il arrive à Libertador et immédiatement prend en charge le poste de médecin à l’Hôpital Escolastico Zeagada situé dans la localité de Fraile Pintado distante de 15 kilomètres de Libertador General San Martin. Il se présente au district militaire de Jujuy où il est reçu par le Colonel Nestor Carlos Bulacios et il lui commente que jamais n’ont été corroborées les accusations à l’origine de sa détention et qu’il doit de nouveau travailler à l’hôpital.

13 Mai 1977 : vendredi en milieu de journée, il sort avec sa voiture de l’hôpital Fraile Pintado et dit au revoir à ses collègues. Il part en direction de son domicile et est enlevé sur la route. Un témoin, voisin de Luis, l’a vu accompagné d’hommes en civil et avec des lunettes noires qui voyageaient avec lui dans une voiture, les voisins l’ont salué et ce qui a attiré leur attention c’est qu’il n’a pas répondu. L’automobile est retrouvée, abandonnée aux alentours du jardin botanique de la ville de Buenos Aires, six mois plus tard.
Un mois après son enlèvement à la fin d’une messe donnée dans la ville de Libertador General San Martin, ils appellent au domicile de Luis, son fils Ricardo répond et quelques secondes plus tard son domicile est envahi par la gendarmerie nationale qui a son siège à la direction de Ledesma. Celui qui commande cette opération est Juan de la Cruz Kairis employé de l’entreprise Ledesma. Ils ont emporté tous ses effets personnels.

Août 1977 : Se présentent au domicile de Luis trois personnes dans un Ford Falcon, elles sont en civil et portent des lunettes noires. Ils demandent à parler avec Olga, l’épouse de Luis, et lui demande de sortir dans la rue.Elle résiste à cette injonction et comme les voisins observent la scène les sujets se retirent.

Nous avons supporté des milliers d’appels anonymes et de menaces jusqu’à aujourd’hui. Mais la volonté de respecter la mémoire des mères des détenus disparus du département Ledesma Jujuy persiste. Elles sont dignes de notre respect et de celui de tout le peuple argentin, les jeudis, l’après midi, Olga fait son tour sur la place de la localité. (référence aux défilés des mères de la place de mai à Buenos Aires NDT)
Les patrons du groupe Ledesma sont les ARRIETA-BLAQUIER
Les remarques et/ou les signatures doivent être envoyées à :

CODESEDH
Comité para la Defensa de la Salud, la Ética Profesional y de los Derechos Humanos
Presidente Luis Sáenz Peña 611
(1110) Ciudad de Buenos Aires
República Argentina
Tel. Fax :4381 - 4743 / 4384 - 9174
Mail : codesedh@speedy.com.ar
Traduction : Martina Chávez :mchavez.attacbriech@free.fr

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