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25 janvier 2003

Davos : Lula est le messager des plus pauvres

 

Le discours du nouveau président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, au Forum social mondial de Porto Alegre, était un moment très attendu. Il s’est exprimé devant une foule nombreuse et attentive. Il s’est engagé à être le porte-parole des plus démunis auprès des représentants des pays riches, réunis en Suisse, et devant lesquels il doit parler ce week-end. La participation de Lula, ancien ouvrier et figure de proue du mouvement anti-mondialisation, au Forum économique mondial est à la fois attendue et controversée. Le président brésilien va essayer de trouver un écho à Davos, où un groupe pharmaceutique américain vient pourtant d’annoncer la signature d’un accord pour permettre l’accès des pays pauvres à l’un de ses médicaments anti-sida.

« Mon engagement le plus important c’est que vous pouvez avoir la certitude, même si je peux faire des erreurs, que jamais je n’abandonnerai les idéaux qui m’ont fait parvenir à la tête de ce pays ». A peine quelques semaines après son investiture, le premier président de gauche du Brésil, se trouve dans l’obligation de concilier la gestion de ses convictions et celle de ses obligations de chef d’Etat de la « huitième puissance mondiale ». Invité d’honneur du Forum social de Porto Alegre, dont l’objectif est de donner la réplique à celui de Davos, il est aussi attendu en Suisse pour participer aux discussions sur l’avenir de l’économie mondiale avec les représentants des pays riches dont il ne partage pas du tout la vision.

Cette situation est inédite et assez inconfortable. C’est pourquoi le nouveau président du Brésil a réaffirmé ses convictions, à Porto Alegre, devant les 80 000 militants de l’anti-mondialisation venus pour l’écouter. Aux Brésiliens, il a rappelé son engagement de faire « un gouvernement tourné vers les pauvres ». Et à tous les autres, il a confirmé qu’il serait leur messager. « J’ai été invité à Davos mais si vous n’étiez pas là, je n’aurais jamais été invité ».

Dans ces conditions, Lula a affirmé qu’il allait s’adresser aux leaders de l’économie mondiale comme « à n’importe lequel de ses compagnons », en répétant qu’on « ne peut pas continuer emprisonné dans une logique économique où des peuples peuvent manger cinq fois par jour et d’autres une fois tous les cinq jours ». Le président brésilien est conscient d’avoir une grande responsabilité vis à vis de son pays mais aussi de « la gauche du monde entier », lui l’ancien ouvrier devenu chef d’Etat.

« Lula ne devrait pas faire le voyage de Davos »
La participation de Lula au Forum économique mondial ne fait pourtant pas l’unanimité parmi ceux qui le soutiennent. Pour le dirigeant du mouvement des Sans terre, Jose Pedro Stedile, par exemple, « Lula ne devrait pas faire le voyage de Davos », alors qu’il a défendu le combat de Porto Alegre avant son élection. « Le Forum social mondial est apparu pour s’opposer à Davos et non pour croire que la coalition des hommes d’affaires et des capitalistes avait intérêt à ce que le monde change ». Participer c’est un peu se corrompre, et peut-être sans grande efficacité en retour.

Le discours de Lula sur la mondialisation risque, en effet, d’être bien décalé par rapport aux préoccupations du moment dans une enceinte comme celle de Davos où il va se trouver en face d’interlocuteurs comme Colin Powell, le secrétaire d’Etat américain, qui depuis son arrivée en Suisse, a centré les débats autour de la crise irakienne et du risque de guerre. Bien loin des revendications sociales des militants anti-mondialisation et de la demande de paix exprimée à Porto Alegre.

Pourtant, l’annonce, en marge de Davos, de l’octroi par le laboratoire américain, Pharmacia, d’une licence d’exploitation d’une version générique de l’un de ses médicaments anti-sida à une association néerlandaise, IDA (International Dispensary Association), est une nouvelle intéressante pour les pays les plus démunis, qui n’ont pas les moyens de payer les traitements sous brevets dont disposent les pays du Nord. Il n’est pas innocent que cette annonce ait eu lieu au moment où se déroule le Forum économique mondial. Il s’agit d’un signe à destination de tous les pays pauvres, frappés par le sida mais exclus de l’accès aux traitements comme ils le sont du Forum de Davos, dont le Brésil est d’ailleurs une sorte de chef de file.

Les négociations sur les médicaments génériques qui se déroulent dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce sont bloquées depuis plusieurs mois par les Etats-Unis. Dans ce contexte, la proposition de Pharmacia fait figure d’avancée en attendant une solution globale et un véritable accord. Elle devrait permettre à 78 pays, parmi lesquels tous les Etats d’Afrique subsaharienne, de se procurer à bas prix la version générique d’un médicament, la Delavirdine (ou Rescriptor), dont la fabrication serait assurée par des laboratoires choisis par l’IDA. En échange, Pharmacia recevrait quand même 5 % de royalties de la part de ces laboratoires. Cette dernière condition relativise, bien sûr, la générosité d’une proposition, qui tombe à point nommé et dans le contexte idéal pour redorer le blason des grandes firmes pharmaceutiques, tant mises en cause sur le sida, mais dont l’impact ne peut être que limité.

Pour en savoir plus :

Par VALÉRIE GAS
25/01/2003

RFI->http://www.rfi.fr/actuchaude/special.asp?m1=1&m2=1&SurTitre=’Mondialisation’&Titre=’Davos%20%20%20Lula%20est%20le%20messager%20des%20plus%20pauvres’]

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