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29 avril 2004

Courriel d’information Attac
N° 466

 

Mercredi 28/04/04

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Dans ce numéro

1.- Le despotisme de l’évaluation marchande - Le cas de la santé.
(par Geneviève Azam, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac France) article paru dans Politis
L’obsession calculatrice, caractéristique de l’empire de la rationalité économique, s’empare aujourd’hui des moindres replis de la vie humaine, de la vie sociale et de la vie de l’esprit, avec pour nom magique " évaluation ". La santé, dans toutes ses dimensions, est prise dans cet étau. Ainsi la justification de la réforme à venir de l’assurance-maladie s’appuie sur un discours comptable et managerial, cherchant à se parer des atours d’une nouvelle sagesse qui serait toute vouée à la qualité des soins et au bien public.

2.- MM. Sarkozy et Brown, voici les 50 milliards de dollars que vous cherchez !
(par Damien Millet et Eric Toussaint du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde)
La réunion annuelle du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE vient de se terminer à Paris le 16 avril 2004. L’ignominie y a rejoint l’avarice, le tout dans un climat plutôt morose. Afin de fournir un bilan présentable à l’opinion publique, les gouvernements des pays de l’OCDE membres du CAD (ils sont 22) ont truqué les comptes aussi vulgairement que les dirigeants d’Enron ou de Parmalat.


1.- Le despotisme de l’évaluation marchande - Le cas de la santé.

L’obsession calculatrice, caractéristique de l’empire de la rationalité économique, s’empare aujourd’hui des moindres replis de la vie humaine, de la vie sociale et de la vie de l’esprit, avec pour nom magique " évaluation ". La santé, dans toutes ses dimensions, est prise dans cet étau. Ainsi la justification de la réforme à venir de l’assurance-maladie s’appuie sur un discours comptable et managerial, cherchant à se parer des atours d’une nouvelle sagesse qui serait toute vouée à la qualité des soins et au bien public.
La santé mentale intéresse particulièrement nos réformateurs et " les psy ", psychiatres, psychanalystes, psychothérapeutes, psychologues, font les frais de cette entreprise rationalisatrice. Sous prétexte de combler un vide juridique et de faire ¦uvre de sécurité publique, l’amendement Accoyer, devenu amendement Mattei, a été voté en octobre 2003, sans trace de débat public. Il vise la réglementation de la pratique des psychothérapies, il réglemente l’exercice de la profession et organise sa dissolution dans le corps médical puisque le seul fait d’être médecin suffirait pour être considéré comme psychothérapeute. En démocratie, on se croyait prémunis d’une intervention réglementaire dans le champ de la santé mentale, contrairement aux régimes autoritaires ! Mais pourquoi donc cet acharnement à défaire, au nom de la santé publique et de la sécurité, ce que les associations de psys ont raisonnablement construit depuis des années pour réguler leur activité ?
Le plan d’action Clery-Melin de " réorganisation du champ de la santé mentale ", rendu public au même moment que le vote des amendements, est éclairant. Les psychothérapies doivent désormais être traitées comme des " soins ", c’est-à-dire des outils répertoriés dans une nomenclature standard, selon une typologie d’actes techniques repérables, standardisés, permettant la quantification et l’évaluation comptable. La santé mentale se trouve réduite à la production et à la consommation de soins, de biens et services de santé, produits et prescrits en fonction de nomenclatures précises. En accord avec le raisonnement techno-économique qui donne à voir le monde comme un rapport entre des choses au lieu d’un rapport entre des humains, ce n’est plus la personne qui se trouve soignée, c’est la maladie. Dans un tel registre de pensée, l’écoute devient auscultation et diagnostic codé et les pratiques de la parole devraient laisser la place aux thérapies cognitivo-comportementales, comme le préconise d’ailleurs un rapport récent de l’INSERM qui tombe à point !

Ces changements vont de pair avec le développement récent des neuro-sciences, et de la psychiatrie biologique. Ils témoignent de sociétés rongées par le libéralisme où les individus se trouvent atomisés, où les corps sont eux-même isolés, dépouillés de leur dimension sociale ou politique, biologisés.

La santé transformée en soins est débarrassée de toute dimension éthique ou politique et peut devenir une marchandise comme les autres, dont la valeur est donnée par le principe d’utilité économique qui a été défini par Léon Walras, l’un des grands penseurs de la science économique néo-classique à la fin du XIX° siècle :
" Je dis, je dis que les choses sont utiles dès qu’elles peuvent servir à un usage quelconque et en permettent la satisfaction (S). Il n’y a pas davantage à tenir compte ici de la moralité ou de l’immoralité du besoin auquel répond la chose utile et qu’elle permet de satisfaire. Qu’une substance soit recherchée par un médecin pour guérir un malade, ou par un assassin pour empoisonner sa famille, c’est une question très importante à d’autres points de vue, mais tout à fait indifférente au nôtre ".

C’est par cette entreprise de rupture avec la philosophie morale et politique que la science économique a cru pouvoir se revêtir des vertus de la neutralité scientifique et que l’argument économique se donne comme argument d’autorité, neutre et indiscutable. C’est ainsi que se trouvent dangereusement réunis le scientisme et l’idéologie marchande.

Voilà pourquoi " l’évaluation " qui généralement précède les " réformes ", ressemble à une traque de l’inévaluable, à l’exclusion du gratuit, de tout ce qui n’obéit pas au rythme et aux classements du plan comptable et de l’équivalence marchande. Elle constitue l’habillage pseudo-scientifique d’une gestion boutiquière de la santé, de la construction d’un système médical et sanitaire de plus en plus subordonné à des impératifs de gestion manageriale.
Ce despotisme de l’évaluation va bien au-delà de la santé, il touche tout ce qui prétend échapper à la logique marchande et un raisonnement quasiment similaire aurait pu être établi à propos du savoir et de la recherche publique.

(par Genviève Azam, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac France)


2.- MM. Sarkozy et Brown, voici les 50 milliards de dollars que vous cherchez !

La réunion annuelle du Comité d’Aide au Développement (CAD) de l’OCDE vient de se terminer à Paris le 16 avril 2004. L’ignominie y a rejoint l’avarice, le tout dans un climat plutôt morose. Afin de fournir un bilan présentable à l’opinion publique, les gouvernements des pays de l’OCDE membres du CAD (ils sont 22) ont truqué les comptes aussi vulgairement que les dirigeants d’Enron ou de Parmalat. Pour pouvoir affirmer que leur aide publique au développement (APD) augmentait, les autorités de Washington y ont inclus deux milliards de dollars versés pour la reconstruction de l’Iraq. En réalité cette APD constitue une aide publique aux industries exportatrices étatsuniennes. C’est avec ces deux milliards de dollars que l’on paiera les travaux de reconstruction réalisés par les firmes Bechtel, Halliburton et autres transnationales nord américaines. Le gouvernement de la Belgique a fait également très fort : l’APD belge a augmenté de 43,2% parce que l’on y a compté l’annulation des dettes de la RD du Congo envers la Belgique. En réalité, pas un euro supplémentaire n’aurait été versé à la RDC en conséquence de cette opération puisqu’il s’est agi d’effacer dans les livres de compte du Trésor belge des dettes contractées par Mobutu. Dettes qui n’étaient plus honorées depuis longtemps. Le coût d’une opération d’assainissement de la comptabilité de l’Etat belge est assimilée à de l’aide publique au développement. N’est-ce pas inquiétant ? Quant aux autorités françaises, elles ont fait de même en comptabilisant dans l’APD les allégements de dettes qu’elles ont accordées aux pays pauvres très endettés. Cela permet au gouvernement français de dire que l’APD a augmenté de 9,9%. Selon le communiqué du CAD de l’OCDE : " Le volume de l’aide s’est accru de 11 % au total au cours des deux années écoulées (1) après avoir décliné pendant toute une décennie " (c’est nous qui soulignons). Le communiqué reconnaît que c’est nettement insuffisant : " Il faudra néanmoins aller beaucoup plus loin dans cet effort pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés par les Nations Unies à l’horizon 2015, et notamment réduire de moitié la proportion de la population vivant dans la pauvreté, faire reculer les taux de mortalité maternelle et infantile et donner aux enfants, filles et garçons, accès à l’éducation ".. C’est pourquoi une semaine plus tôt, lors d’une réunion à Paris le 8 avril 2004, la France et la Grande-Bretagne ont proposé une formule pour trouver 50 milliards de dollars supplémentaires.

Peu après la nomination de Nicolas Sarkozy, le nouveau ministre français de l’Economie et des Finances, la France et la Grande-Bretagne ont présenté à Paris en ce début avril un projet destiné à apporter aux pays du Sud les 50 milliards de dollars qui manquent toujours pour financer les Objectifs de développement du millénaire (succinctement, réduire la pauvreté de moitié entre 2000 et 2015). Même si ces objectifs sont devenus une référence pour les politiques de développement, il semble évident qu’il ne faut surtout pas s’en contenter. En effet, pour permettre enfin la garantie universelle des droits humains fondamentaux, un changement complet de logique est indispensable, afin de transformer l’ensemble du système économique actuel, responsable structurel du creusement des inégalités dans le monde. Pour cette raison, ce projet franco-britannique ne peut apporter de solution durable et équitable au problème du financement du développement. Mais où trouver les sommes nécessaires ?

En quelques mots, l’idée de ce projet consiste pour les pays dits "en développement" à emprunter sur les marchés financiers à des taux d’intérêt réduits grâce à une garantie de la part des pays riches (2). Ainsi, la dette du Tiers Monde continuera sa course folle et les remboursements exigés s’accroîtront encore ! Mais surtout c’est la quadrature du cercle : pour tenter de réduire la misère, on fait appel aux rentiers et aux spéculateurs financiers, dont la seule motivation est le profit à court terme et dont l’action aggrave les inégalités, donc accroît la misère. En effet, la finance internationale est peu soucieuse des conditions de vie des plus démunis. Des institutions internationales comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) imposent une ouverture commerciale et une libéralisation économique qui ne génèrent pas le développement humain mais servent les appétits des grands investisseurs. Ceux-ci s’empressent alors de délocaliser une partie considérable de leurs gains vers les banques des pays les plus industrialisés et les paradis fiscaux, répandant le dénuement, le chômage et affaiblissant les Etats qui se voient contraints de réduire les "filets sociaux". Que l’on pense aux nombreuses crises financières qu’ils ont provoquées ces dernières années, comme en Asie du Sud-Est en 1997 (24 millions de chômeurs en quelques mois). Tout se passe comme si on appelait à l’aide un serial killer pour tenter de soigner les profondes blessures d’un système à bout de souffle ! Les marchés financiers ne peuvent pas constituer une issue pour lutter contre la pauvreté dans le monde : ils le prouvent depuis vingt ans.

Il convient également de s’interroger sur l’idée habilement répandue selon laquelle la croissance économique (quand elle est réellement au rendez-vous !) améliorerait le bien-être de la majorité de la population. Loin de réduire la pauvreté si elle n’est pas accompagnée de mesures structurelles visant une réduction de l’inégalité dans la répartition des revenus et du patrimoine, la croissance sert surtout les intérêts des plus puissants.. De plus, indicateur économique sourd à la possibilité de la survie à long terme sur la planète, elle est souvent synonyme de dégradation de l’environnement et d’épuisement des ressources naturelles.

Reprenons nos esprits. Quelques données simples s’imposent. On nous dit que l’aide publique au développement (APD) est de 57 milliards de dollars et qu’il faudrait la doubler. Certes. Mais que compte-t-on dans cette APD qui est censée prouver la générosité des gouvernements du Nord ? Tout d’abord, seuls 32 milliards de dollars sont des dons, le reste est sous forme de prêts, qui seront eux aussi remboursés. La mariée est déjà moins belle ! De plus, on compte dans ces montants des dépenses qui ne profitent pas directement aux populations du Tiers Monde. Quand un pays du Nord décide d’envoyer un avion de vivres et de médicaments à un pays en détresse, l’affrètement de l’avion, l’achat des vivres et des médicaments, le salaire de ceux qui préparent ou effectuent le voyage sont comptés dans le montant de l’aide délivrée, mais les sommes correspondantes restent au Nord, seul le produit transporté arrive sur place et cela représente une bien maigre part des sommes annoncées. De même pour des missions d’experts envoyés dans les pays du Tiers Monde pour évaluer le plus souvent les possibilités d’investissement d’entrepreneurs du Nord. Les intérêts du pays créancier sont donc souvent plus déterminants que les besoins réels des populations.

Pourtant, il est possible de consacrer des fonds à lutter contre la pauvreté au Sud. En effet, une vraie aide au développement de 80 milliards de dollars existe déjà, uniquement sous forme de dons, et ces sommes sont utilisées avec une bien plus grande sagesse que l’APD actuelle. Qui sont donc ces mystérieux humanistes capables de donner 80 milliards de dollars par an ? Ce sont des gens que M. Sarkozy connaît particulièrement bien, et à qui il serait bien avisé de demander conseil et d’accorder un infini respect : selon la Banque mondiale, les migrants originaires des pays en développement envoient chaque année 80 milliards de dollars à leurs proches restés au pays. La montée des égoïsmes dans les pays les plus industrialisés et les politiques répressives à l’encontre des migrants en sont d’autant plus insupportables.

Aujourd’hui on nous dit que c’est la crise au Nord et que les déficits budgétaires ne nous permettent plus d’être généreux envers le Sud. La proposition de trouver des fonds sur les marchés financiers, soutenue par Nicolas Sarkozy pour la France et Gordon Brown pour le Royaume-Uni, révèle la volonté des responsables des pays industrialisés de ne pas assumer leurs responsabilités dans la situation dramatique des populations du Sud. Même si la France de M. Raffarin aime claironner qu’elle augmente son APD, il faut savoir qu’il s’agit d’une illusion d’optique. En 2003, près de 30% de l’APD française proviennent. des allégements de dette que la France accorde aux pays les plus pauvres. En fait, les pays pauvres remboursent la France qui leur reverse l’argent et le comptabilise dans l’APD ! Cela revient donc à faire payer aux pays du Sud une partie de l’aide que la France leur octroie : il fallait y penser !

Alors où trouver ces 50 milliards de dollars pour libérer le développement des pays du Sud ? Plusieurs mesures complémentaires permettraient de dégager des sommes considérables : une taxe internationale de type Tobin sur les transactions en devises fixée à un taux de 0,1% procurerait, selon des estimations prudentes, entre 80 et 100 milliards de dollars par an disponibles pour financer le développement humain. Une réduction des dépenses militaires de 25% libérerait à l’échelle mondiale 200 milliards de dollars. A noter que l’occupation de l’Iraq coûte environ 50 milliards de dollars au Trésor des Etats-Unis.

Mais on peut aussi chercher l’argent. au Sud ! Car le Sud crée des richesses considérables, très vite aspirées vers les riches créanciers (banques, marchés financiers, etc.) au Nord grâce au mécanisme de la dette. Ainsi, en 2002, l’ensemble des pays en développement a remboursé un total de 343 milliards de dollars au titre du service de la dette (6 fois l’APD !), soit 95 milliards de dollars de plus que les nouveaux prêts qu’ils ont reçus. Si on annule véritablement la dette du Tiers Monde, on libère au Sud des sommes considérables qui rendent enfin possible une véritable lutte contre la pauvreté.

Mais M. Sarkozy aura-t-il la volonté d’abandonner ce puissant outil de domination qu’est la dette ? Sans doute pas tout seul ! Les mouvements sociaux et les citoyens épris de justice sociale doivent porter ce thème au cour du débat public et contraindre les principaux acteurs financiers à annuler les créances qu’ils détiennent, afin d’instaurer une nouvelle logique économique qui irait enfin à l’encontre de celle de ce triste projet franco-britannique.

Par : Damien Millet, secrétaire général du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) ; et Eric Toussaint, président du CADTM Belgique.

Plus d’infos sur : www.cadtm.org

(1) En réalité l’augmentation entamée il y a deux ans a fléchi en 2003. C’est ce que reconnaît l’OCDE dans un autre document : " Les pays membres du CAD de l’OCDE ont accru leur aide publique au développement (APD) en faveur des pays en développement de 3.9 % en termes réels entre 2002 et 2003, après une hausse de 7.0 % en termes réels entre 2001 et 2002 "

(2) "Quand Tony Blair m’a présenté l’idée d’une facilité financière internationale destinée à réunir à terme les 50 milliards de dollars supplémentaires nécessaires chaque année pour la réalisation de ces objectifs, j’ai immédiatement approuvé. C’est une solution pragmatique (...), généreuse (...) et économiquement rationnelle puisqu’elle consiste, en bonne orthodoxie, à financer l’investissement par l’emprunt", a déclaré Jacques Chirac dans un message enregistré et diffusé, jeudi 8 avril 2004, à l’ouverture de la conférence (in Le Monde, 9 avril 2004).


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