Accueil > Empire et Résistance > Courriel d’information Attac N° 465
Mercredi 21/04/04
Merci de faire circuler et de diffuser largement.
Le Courriel est reçu aujourd’hui par 49 919 abonnés
S’abonner ou se désabonner http://www.attac.org/indexfr
Confort de lecture et impression papier :
– Format RTF : http://www.france.attac.org/IMG/zip...
– Format PDF : http://www.france.attac.org/IMG/pdf...
Dans ce numéro
1.- Le capitalisme délinquant
(par Michel Husson, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac France) article paru dans Politis n°787
La liste des affaires s’allonge tous les jours. Après Enron et Worldcom aux Etats-Unis, ce sont aujourd’hui Parmalat en Italie, Adecco en Suisse et Manesmann en Allemagne qui font la une des journaux. Il n’est plus possible aujourd’hui de faire comme s’il s’agissait de quelques brebis galeuses isolées.
2.- Affaire Parmalat, " C’est arrivé près de chez vous "
(par Bernard Marx, économiste à Confrontations Europe) article paru dans La Lettre de Confrontations Europe n°66
L’éclatement de l’affaire Parmalat en Italie, l’une des plus grandes fraudes de l’histoire récente du capitalisme européen, devrait conduire à une profonde réévaluation du fonctionnement du système financier. On peut craindre qu’elle restera en réalité limitée.
1.- Le capitalisme délinquant
La liste des affaires s’allonge tous les jours. Après Enron et Worldcom aux Etats-Unis, ce sont aujourd’hui Parmalat en Italie, Adecco en Suisse et Manesmann en Allemagne qui font la une des journaux. Il n’est plus possible aujourd’hui de faire comme s’il s’agissait de quelques brebis galeuses isolées. Les scandales et les procès concernent de grands groupes dont certains appartiennent au " capitalisme rhénan " supposé plus civilisé. Ces pratiques délictueuses ne sont pas l’apanage de quelques personnes bien placées, elles impliquent un réseau articulé de délinquants en col blanc. Elles portent sur des sommes astronomiques, si on les rapporte aux larcins des amateurs qui peuplent nos prisons. Ceux qui pratiquent les petits trafics en tout genre n’ont donc pas tort d’appeler cela faire du " business ". Et l’indignation intéressée de ceux qui mènent campagne contre la contrefaçon de marques et le piratage informatique pourraient être dirigée vers des cibles mieux choisies.
Les affaires récentes permettent d’identifier les différents maillons de cette chaîne de création de valeur un peu particulière. On y croise de grandes banques d’affaires qui ont pignon sur rue, avec une prédilection particulière pour le Luxembourg. Les dirigeants de Parmalat avaient ainsi créé pas moins de six sociétés écrans au Grand-Duché, où siègent dix-sept banques italiennes dont une bonne partie remplit donc des fonctions assez classiques de receleur. Mais il ne suffit pas de blanchir l’argent détourné, il faut également maquiller les comptes. C’est la tâche impartie à des cabinets spécialisés et à des agences de notation chargées de donner une image flatteuse des entreprises. Ce sont souvent leurs fausses man¦uvres qui conduisent à faire sortir les affaires, un peu à l’instar de la simple fraude fiscale qui a permis de faire tomber Al Capone. Dans le cas d’Enron, on se souvient que le célèbre cabinet Arthur Andersen n’a pas survécu à ses tripatouillages.
Voilà donc la face cachée d’un système qui prétend imposer aux travailleurs une modération salariale inéluctable, dont la contrepartie se retrouve sous forme de stock options somptueuses, de parachutes dorés à la Messier et d’autres transvasements moins " légaux ". Ce sont les bénéficiaires de ce système qui paient des bataillons entiers d’idéologues, d’économistes ou de publicistes, afin d’ériger en normes de la modernité cette totale liberté d’action qui leur permet ensuite de mener à bien les délocalisations, les restructurations et les détournements, bref de ponctionner largement la richesse créée. Quand leur image devient trop repoussante, les grandes compagnies, comme Elf-Total-Fina, s’offrent les services d’experts aussi indépendants que Kouchner, aveugle au travail forcé organisé en Birmanie, et dont la petite entreprise (BK Conseil) devrait en toute justice connaître le même destin qu’Arthur Andersen.
Un tel degré de corruption est une composante intrinsèque du capitalisme contemporain, qui pose la question d’une régulation nécessaire. Il est en effet impossible de s’accommoder de ce mode de fonctionnement qui corrode l’ensemble de la société et s’alimente d’une irrépressible montée du chômage de masse et des inégalités. Ce serait donc faire ¦uvre d’utilité publique que de placer quelques grains de sable dans cette machine à broyer le social. Mais les patrons ont bien compris le danger, comme en témoigne une certaine morosité que l’on a pu observer à leur assemblée générale, organisée comme chaque année à Davos. Qu’un aussi fin connaisseur que Georges Soros ait pu affirmer qu’il ne fallait pas laisser le pouvoir aux " intégristes des marchés financiers " devrait mettre la puce à l’oreille. Le risque est grand en effet que ce soit les milieux d’affaires eux-mêmes qui prennent l’initiative d’aménagements cosmétiques permettant, à moindre frais, de dédouaner l’ensemble de la profession. La section française de l’ONG Transparency International est animée par le président de France-Télécom, Michel Bon et par l’ancien PDG de la Caisse des Dépôts. Cela devrait faire réfléchir : comment faire confiance à ces chantres de la privatisation pour revenir sur la déréglementation qu’ils ont contribué, à leur place, à promouvoir ? Seule une intervention citoyenne, rigoureusement indépendante, allant à la racine du mal, est à même de faire avancer les mesures coercitives qui permettrait de mettre un point d’arrêt à cette impressionnante dérive délictueuse.
(par Michel Husson, économiste, membre du Conseil scientifique d’Attac France)
2.- Affaire Parmalat, " C’est arrivé près de chez vous "
L’éclatement de l’affaire Parmalat en Italie, l’une des plus grandes fraudes de l’histoire récente du capitalisme européen, devrait conduire à une profonde réévaluation du fonctionnement du système financier. On peut craindre qu’elle restera en réalité limitée, comme le montre Bernard Marx, économiste à Confrontations Europe.
Au lendemain de l’affaire Enron des voix nombreuses proclamaient que le capitalisme européen était à l’abri de ce genre de dysfonctionnement. Et à côté de la réaction américaine, notamment la loi Sarbanes-Oxley, les réponses européennes ont fait pâle figure. Les États ont agi chacun pour leur compte, le plus souvent avec peu d’ampleur et peu d’innovation. Au niveau européen la Commission et singulièrement la DG Marché intérieur, plus directement responsable de ces questions, ont mis en débat en mai dernier une Communication sur la modernisation du gouvernement d’entreprise qui préconise un plan d’action à l’ambition limitée(1).
Bien qu’il s’agisse d’une entreprise à capital familial et industriel et non d’une entreprise " d’actionnaires " de la nouvelle économie, on retrouve dans le cas Parmalat de nombreuses similitudes avec Enron dans les montages utilisés, la chaîne des dysfonctionnements et des responsabilités. Multiplication de sociétés coquilles dans les paradis fiscaux ; solides connivences avec les milieux politiques ; responsabilité des banques d’affaire du groupe qui ont organisé des opérations (émissions d’obligations, montage de fusions, etc.) en se souciant de leur commission et non des garanties apportées par Parmalat ; responsabilité de banques commerciales qui ont prêté de l’argent avec facilité pour éviter que les prêts déjà effectués ne soient déclassés ; responsabilité des cabinets d’audit, des agences de notation incapables d’anticiper et de jouer leur rôle d’alerte et enfin, responsabilité des autorités de surveillance (Banque d’Italie pour la partie bancaire et Consob pour les marchés financiers) qui sont passées à côté du sujet !
L’impact est certes moins " global " que l’affaire Enron - les marchés financiers n’ont pas été massivement déstabilisés - mais il ne faut pas le minimiser : les banques italiennes seront fragilisées par la nécessité de " digérer " des prêts non remboursés, venant s’ajouter à d’autres faillites retentissantes. Quelque 70 000 épargnants sont spoliés et l’emploi de 35 000 salariés est menacé, sans compter l’impact sur les sous-traitants et les fournisseurs. Et l’effet en terme d’attractivité des capitaux et des placements sera incontestablement néfaste pour l’Italie, mais aussi pour l’Europe.
Une fois l’affaire déclenchée, le gouvernement italien a réagi sur deux fronts. Le premier a été de désigner un curateur chargé de définir un plan de sauvetage qui émerge difficilement. Le second est celui des réformes. Le gouvernement Berlusconi s’est focalisé sur la réforme de la surveillance en proposant une structure type FSA britannique à partir d’un renforcement de la Consob : mais a-t-elle fait la preuve d’une plus grande efficacité ?
Créer une SEC européenne
Au niveau européen, le commissaire Bolkestein a annoncé essentiellement une proposition de révision de la directive sur l’audit pour définir des principes applicables dans toute l’UE en matière de contrôle public, de contrôle de qualité externe, d’indépendance des auditeurs, de code éthique, de transparence des sociétés d’audit et de leurs réseaux, de sanctions disciplinaires, de désignation et de révocation des contrôleurs légaux. Un Comité de réglementation de l’audit serait créé.
Pour sa part le Parlement européen(2) estime que les directives sur le marché financier intégré(3) réduiront notablement, " si elles sont adoptées en temps utile et mises en ¦uvre correctement, le danger de nouveaux cas comparables ". Il appuie la proposition d’une révision rapide de directives " audit " et formule d’autres demandes complémentaires : le renforcement de la responsabilité individuelle des membres du conseil d’administration ; la publicité de la structure des groupes ; la formulation d’une nouvelle directive sur le blanchiment de l’argent.
Le scandale Parmalat montre qu’il faut aussi traiter en Europe les dysfonctionnements et les dérives frauduleuses du capitalisme dans les spécificités de la globalisation financière. Il ne suffira pas de s’en remettre à l’autorégulation, à la subsidiarité, à la compétition réglementaire et à la pression des marchés.
Il faudrait notamment être beaucoup plus actifs sur tous les chantiers de la régulation et de l’information financière, et pas seulement sur celui de l’audit (agences de notation, analystes financiers, banques d’affaires). Le Parlement européen réclame la création d’une autorité chargée d’enregistrer et de contrôler les agences de notation (rapport Katiforis). Mais la Commission a l’air peu réceptive à cette idée. De même la lutte contre les paradis fiscaux et réglementaires peut être plus activement menée en responsabilisant tous les acteurs (États, banques, professions de l’information financière et notamment les agences de notation). Il faut aussi, comme y appelle le Parlement, renforcer les moyens de la surveillance et du contrôle.
Au-delà de la responsabilité de chaque État membre concernant ses structures nationales de supervision, l’Union elle-même doit mettre en place à son niveau des moyens réels de surveillance et de contrôle. Il est temps de mettre à l’agenda politique la création d’une SEC(4) européenne non pas pour remplacer les contrôleurs nationaux, mais en s’inspirant des relations entre la BCE et les Banques centrales nationales au sein de l’Eurosystème.
Mais au-delà de ces actions d’assainissement indispensables, il faut aussi interroger les critères de " valeur patrimoniale " et la conception " financiariste " de l’entreprise et non pas chercher forcément une convergence mieux conduite avec le modèle américain.
(par Bernard Marx, économiste à Confrontations Europe)
(1) Cf. L’Option de Confrontations n° 19 : Vers des identités européennes d’entreprises, janvier 2004.
(2) Résolution adoptée le 10 février.
(3) Directive abus de marché, directive prospectus, déjà adoptées ; directive transparence et directive sur les services d’investissement.
(4) Securities and Exchange Commission (SEC américaine).
coorditrad@attac.org est l’adresse de secrétariat international des bénévoles qui coordonnent une équipe de 700 traducteurs répartie sur toute la planète. Vous aussi vous pouvez participer. Il suffit de les contacter en précisant votre (ou vos) langue maternelle et les langues depuis lesquelles vous pouvez traduire. Le travail de traduction est basé sur le volontariat et ne vous engage pas à répondre à toutes les demandes tout le temps. Vous travaillez à votre rythme et en fonction de vos intérêts.