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22 mai 2004

Courriel d’information ATTAC
N°469

 

Vendredi 21/05/04

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Dans ce numéro

 1.- Le savoir, c’est capital
(Par Jean-Marie Harribey, membre du Conseil scientifique d’Attac France)
article paru dans Politis n° 784.
La connaissance est devenue une force productive essentielle. Cela explique
la pression du capitalisme pour s’emparer de tous les savoirs humains en
instaurant de nouveaux droits de propriété par le biais des brevets. Et c’
est l’une des batailles principales menées par les transnationales au sein
de l’OMC. Mais, à mesure que l’informatique devient le premier outil pour
mettre en réseau les systèmes de production et d’échange, se renforce le
caractère socialisé de l’activité économique, réalisant ce que Marx avait
anticipé sous le nom de " travailleur collectif ". Comment cette nouvelle
réalité est-elle analysée ?
 2.- Pour que le savoir vienne aux filles
(Par Dominique Foufelle), article tiré du site www.penelopes.org
L’analphabétisme maintient des millions de femmes et de filles dans
l’ignorance de leurs droits. Les y arracher constitue, s’accordent à
proclamer gouvernements et institutions internationales, un défi majeur de
l’avenir proche. Mais souhaite-t-on vraiment voir le monde peuplé de
citoyen-nes éclairé-es, autonomes et responsables ? A l’heure où les
religieux de tous poils tambourinent aux portes des écoles, et où les
multinationales s’installent dans les universités, il est permis d’avoir des
inquiétudes pour le système éducatif de demain.


1.- Le savoir, c’est capital

Par Jean-Marie Harribey

La connaissance est devenue une force productive essentielle. Cela explique
la pression du capitalisme pour s’emparer de tous les savoirs humains en
instaurant de nouveaux droits de propriété par le biais des brevets. Et c’
est l’une des batailles principales menées par les transnationales au sein
de l’OMC. Mais, à mesure que l’informatique devient le premier outil pour
mettre en réseau les systèmes de production et d’échange, se renforce le
caractère socialisé de l’activité économique, réalisant ce que Marx avait
anticipé sous le nom de " travailleur collectif ". Comment cette nouvelle
réalité est-elle analysée ?

Une première interprétation est donnée par des théoriciens renommés comme
André Gorz ou Antonio Negri qui soulignent à juste titre le fait que, pour
se reproduire, le capital a besoin de dominer toute la société et de happer
tout le temps de vie du travailleur. Ils avancent aussi la thèse qu’avec l’
avènement des nouvelles techniques et connaissances et la suprématie des
services dans la production, le travail deviendrait de plus en plus
immatériel et ne serait plus la source de la valeur et donc du profit que s’
approprie le capital. Valeur et profit naîtraient hors de la production, en
amont de celle-ci dans le processus d’accumulation de connaissances. Cette
thèse devient ici plus fragile.

Premièrement, le produit du travail a beau devenir immatériel, le travail
lui-même ne cesse pas d’être une réalité matérielle, c’est-à-dire une
dépense d’énergie et de temps, une fatigue, un stress, que ce travail soit à
dominante manuelle, intellectuelle ou relationnelle.

Deuxièmement, s’approfondit sous nos yeux une tendance historique du
capitalisme : celui-ci améliore constamment les processus productifs en
intégrant le progrès technique et les connaissances. Il s’ensuit une
amélioration de la productivité du travail et, de manière tautologique, une
baisse de la valeur d’échange des marchandises. Le jour est proche où les
logiciels ne vaudront plus rien parce que l’énorme travail de conception est
amorti sur un tel grand nombre de duplications que la valeur unitaire tend
vers zéro. Ce n’est pas la preuve que le travail ne crée plus la valeur. C’
est le signe que, lorsque le travail vivant diminue progressivement, moins
de valeur est créée alors que la richesse croît. Richesse et valeur :
allègrement confondues par la théorie économique dominante !

Troisièmement, les secteurs d’activité aux techniques de pointe, employant
du personnel très qualifié mais en petit nombre, obtiennent souvent la
meilleure rentabilité : on les dit " à haute valeur ajoutée ". Mais ne s’
agit-il pas plutôt de secteurs à haute valeur captée parce qu’ils
bénéficient de l’effort de la société en matière d’éducation et d’
infrastructures, qu’ils jouissent de rentes de monopoles et qu’ils imposent
des prix n’ayant aucun rapport avec le travail effectué ? Le comble de l’
affaire est fourni par les holdings financières dans lesquelles il n’y a
aucun travail productif mais où l’on enregistre une " haute valeur ajoutée "
qui n’est en fait qu’une appropriation de la valeur produite ailleurs par le
travail (son PDG, Serge Tchuruk, voulait naguère faire d’Alcatel une "
entreprise sans usines "). La difficulté d’analyse tient moins dans un
problème de mesure de la valeur que dans l’imputation de la création de
valeur à tel ou tel secteur, à telle ou telle catégorie de travailleurs.
Elle est levée si l’on raisonne à l’échelle de la société : la valeur est
créée collectivement et sa mesure est donnée par la somme de travail globale
 ; ensuite, savoir comment elle se répartit en fonction des rapports de
forces est une autre histoire.

Aussi, une autre interprétation de l’évolution du capitalisme peut être
proposée. Pour la première fois dans l’histoire, l’outil de production
primordial du moment, la connaissance, est difficilement appropriable. Ce
que possèdent les travailleurs dans leur tête ne peut leur être enlevé.
Mieux, plus la connaissance est partagée, plus elle se transmet et grandit.
Au contraire, plus elle est concentrée, plus elle risque de s’étioler. La
socialisation de la production et de la transmission de connaissances entre
donc en contradiction avec leur appropriation privée. Comme le dit très
justement Gorz, cette contradiction ouvre la crise du capitalisme
contemporain qui éprouve de la difficulté à faire fonctionner le savoir
comme capital, c’est-à-dire à en faire un objet de profit. Et pourtant il s’
y emploie. Et pour cela il ne peut se passer de la force de travail qui "
porte " le savoir. On ne peut donc dissocier celui-ci des travailleurs en
qui il est emmagasiné. La chance des travailleurs dans leur combat pour un
autre monde est que le savoir, c’est capital, mais a du mal à être du
capital.

(par Jean-Marie Harribey, membre du Conseil scientifique d’Attac France)


2.- Pour que le savoir vienne aux filles

Par Dominique Foufelle

Les deux tiers des quelque 900 millions d’adultes analphabètes et des 125
millions d’enfants en âge de fréquenter l’école primaire non scolarisés,
sont de sexe féminin. En Asie du Sud et en Afrique sub-saharienne, l’écart
de scolarisation entre filles et garçons peut atteindre 20%. Pour tenir un
des objectifs fixés au Forum Mondial sur l’Education de Dakar en 2000,
éliminer les disparités entre les genres dans l’enseignement primaire et
secondaire d’ici 2005, il va falloir que gouvernements et bailleurs de fonds
se remuent sérieusement !
Le droit à l’éducation, reconnu comme un droit fondamental, n’est pas
partout respecté, il s’en faut de beaucoup. Dans les pays pauvres, on fait
avec les moyens du bord. Les gouvernements, quand ils se préoccupent de la
question, doivent affronter des difficultés budgétaires accrues par le
remboursement de la dette ; ONG et société civile pallient dans les
meilleurs des cas leurs déficiences (L’éducation pour tous en Afrique : vues
d’en bas, par Jean Ruremesha).

Ecole = autonomie
Ces difficultés touchent l’ensemble des populations : adultes et enfants,
garçons et filles. Mais pour les femmes et les filles, il s’en ajoute une
autre : la difficulté à faire reconnaître leur droit à l’éducation. A quoi
bon envoyer une fille à l’école quand elle est de toute façon destinée à se
marier, faire et élever des enfants, tenir la maisonnée ? Ce peut même être
nuisible car une fille instruite, tout le monde le sait, deviendra moins
malléable. Le sacrifice financier que représente souvent la scolarisation
pour les familles restera réservé aux garçons ; tandis qu’aux fillettes, il
sera imposé une importante participation aux tâches domestiques, voire une
contribution au budget familial, sous forme de travail ou de prostitution.
Hélas ! il ne s’agit pas d’une caricature, mais de la réalité de millions de
fillettes et jeunes filles, qui ne s’améliorera pas avec l’âge adulte,
précisément parce que leur analphabétisme leur barre toute voie vers
l’indépendance. A l’injustice, s’ajoute ici une lamentable incohérence :
alors qu’à tous les niveaux, on loue le sérieux des élèves de sexe féminin,
et l’importance du rôle des femmes dans le développement durable, les
engagements pris et repris lors de multiples sommets nationaux ou
internationaux ne dépassent guère le stade des belles promesses.
Pourtant, des projets bien conçus et menés, qui tiennent compte des réalités
locales et des souhaits et besoins des populations, tout en respectant la
recommandation de la Commission européenne sur l’éducation et la formation
qui place la question du genre au-delà du respect des choix culturels
locaux, parviennent à faire évoluer les mentalités, en impulsant la
participation des communautés dans leur ensemble, en commençant par celle
des mères (Education de qualité, Aide et Action).
Si les femmes ont bien compris les enjeux de l’éducation, elles ne veulent
pas se laisser imposer un modèle éducatif standardisé. Pour que les plus
pauvres, les filles et femmes du monde rural, aient accès à l’éducation,
elles demandent que celles-ci soit dispensée dans leur propre langue. De
l’école, elles attendent des ouvertures vers une formation qui leur permette
d’accéder à l’indépendance financière ; laquelle seule leur permet ensuite
de peser dans la balance pour faire respecter leurs droits fondamentaux et
sortir de la spirale des violences (Pistes pour l’avenir).

A quand l’anti-sexisme à l’école ?
Leur lutte suit tout simplement la même logique que celle que menèrent les
femmes occidentales au siècle dernier. Selon la loi, la bataille fut gagnée.
Toutes les filières éducatives sont aujourd’hui en France, ouvertes aux
filles. Mais rares restent les femmes aux plus hauts postes de l’université
ou de la recherche (sur la place des femmes au CNRS, consulter le site
http://www.cnrs.fr/mpdf/index.htm). D’où une fâcheuse tendance au sexisme
ordinaire, qui peut aller jusqu’au harcèlement sexuel (voir le site
http://clasches.multimania.com/pet.php).
Faut-il s’en étonner, quand le sexisme est instillé dans les esprits dès les
premières lectures ? Au XXIe siècle en Europe, les petites filles voient
encore dans leurs albums illustrés les " mamans " (en tablier !) cuisiner et
les " papas " lire le journal. L’étude de l’association européenne Du Côté
des Filles démontre que la fiction dépasse même ici la réalité (Dangereuses
lectures, par Dominique Foufelle).
L’école va-t-elle se charger de décontaminer les petits qui lui sont confiés
 ? Elle se doit de bannir toute discrimination. Mais on a trop vite voulu
croire que la mixité avait mis la dernière touche à l’égalité. C’est si peu
vrai que l’Education Nationale française a jugé bon de renforcer ses
recommandations par une Convention égalité des chances plus vigoureuse,
signée en 2000, et de sensibiliser quelques (pas tous !) futur-es
enseignant-es au problème (A l’école de l’égalité, par Dominique Foufelle).
Reste que " le masculin l’emporte sur le féminin " encore et toujours dans
nos grammaires, et que le sexisme sévit dans les classes et les cours de
récré avec plus de violence que jamais.

La laïcité : un combat de première urgence
La recrudescence de ce sexisme latent qu’il n’a jamais pris la peine
d’éradiquer, le gouvernement français le met commodément sur le dos des
musulmans. Il menace plus ou moins ouvertement d’interdire la fréquentation
de l’école républicaine aux filles de familles musulmanes portant le voile,
tout en sachant qu’elles y sont pour la plupart contraintes, tout en
initiant des alliances avec les islamistes pour " pacifier " les banlieues.
Cette manouvre perverse n’a fort heureusement pas convaincu l’ensemble des
partisans de la laïcité (Oui à la laïcité ! Non aux lois d’exception ! ).
Qui exclurait-elle une fois de plus ? Non pas les plus faibles, mais les
plus affaiblies par l’oppression au quotidien.
Au même moment, il est question de rétablir dans le cursus scolaire
l’enseignement du fait religieux. Certes, il est difficile d’enseigner
l’histoire de l’humanité sans l’évoquer. Mais comment ? Avec qui ? Dans quel
cadre ? Avec quels objectifs ? (Enseignement du fait religieux, Comité
Laïcité République) Les extrémistes chrétiens ne prétendent pas moins que
les extrémistes musulmans régenter le temporel. Ils s’allient d’ailleurs au
sein de l’Onu pour dénier leurs droits sexuels et reproductifs aux jeunes
filles du monde entier ; or, les grossesses précoces constituent un des
freins majeurs à leur éducation. Si nous laissons les églises entrer dans
l’école, il en résultera immanquablement des régressions. Déjà, des femmes
croates ont enregistré un retour du patriarcat dans l’enseignement primaire
et tiré la sonnette d’alarme (consulter le site http://www.babe.hr/eng)
Au Québec, où les thèses masculinistes ont gagné plus d’audience, le débat
prend une tournure franchement antiféministe : on y accuse le système
éducatif de discriminer les garçons en privilégiant des valeurs dites
féminines. Si les malheureux mâles se trouvent plus souvent en échec
scolaire, c’est qu’ils peinent à s’adapter à un modèle social qui ne prend
plus en compte leur spécificité. Or, des études ont démontré que les élèves
qui réussissaient le mieux à l’école étaient précisément celles et ceux qui
ne se laissaient pas enfermer dans un moule (Identités de sexe, conformisme
social et rendement scolaire, par Pierrette Bouchard et Jean-Claude
St-Amand).
Mais de quelle réussite parle-t-on ? Si la privatisation de l’enseignement
se poursuit, si on continue à ouvrir de plus en plus largement les portes
des universités aux multinationales, c’est à la capacité à répondre aux
besoins du " marché " que se mesurera le succès d’une éducation.
(L’éducation dans les griffes de l’OMC, par Chryssi Tsirogianni). Sans
doute, des pauvres, des femmes, et même peut-être des femmes pauvres,
parviendront à se tailler une place dans cette jungle. Humainement, ils n’en
sortiront pas moins laminés que les laissés pour compte. Si par éduquer, on
entend former des individu-es pensant et des citoyen-nes responsables, seul
un enseignement laïc, public et gratuit peut garantir le respect du droit de
toutes et tous à l’éducation.

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est l’adresse du secrétariat de l’équipe des traducteurs internationaux qui nous font bénéficier bénévolement de leurs compétences. Vous aussi vous pouvez participer. Il suffit de contacter coorditrad en précisant votre (ou vos) langue maternelle, les langues depuis lesquelles vous pouvez traduire et votre niveau de compétence. Le travail de traduction est basé sur le volontariat et ne vous engage pas à répondre à toutes les demandes. Vous travaillez à votre rythme et en fonction de vos centres d’intérêt.

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