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31 janvier 2012

Contrecoups de l’embargo européen au pétrole iranien

par Pepe Escobar *

 

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Si le triste défilé de mascottes européennes – ou que l’analyste Chrys Floyd a merveilleusement surnommé les Euromascottes – comprenait quelque chose à la culture persane, il aurait su que les conséquences de leur déclaration de guerre économique sous la forme d’embargo sur le pétrole iranien serait vraiment du métal lourd.

Mieux encore : du métal létal. Le Majlis (parlement iranien) discutera ce dimanche, lors d’ une séance ouverte, de l’annulation tout de suite de toutes les exportations de pétrole à tout pays européen qui a appuyé l’embargo, selon Emad Hosseini, rapporteur du Comité Énergie du Majlis. Et cela survient avec l’avertissement apocalyptique requis, transmis à travers de l’agence d’information Fars, par le membre du parlement Nasser Soudani : « L’Europe brûlera dans le feu des puits pétroliers de l’Iran ».

Soudani exprime les points de vue de tout l’establishment de Téhéran quand il dit que « la structure de leurs raffineries [européennes] est compatible avec le pétrole de l’Iran », et par conséquent les Européens n’ont pas d’alternative de remplacement ; l’embargo « causera une augmentation des prix de pétrole et les Européens se trouveront obligés d’acheter le pétrole à des prix plus élevés » ; c’est-à-dire, l’Europe « se trouvera obligée d’acheter indirectement du pétrole iranien et à travers des intermédiaires ».

Selon l’ensemble de sanctions de l’UE, tous les contrats existants seront respectés seulement jusqu’au 1er juillet et aucuns nouveaux contrats ne seront autorisés. Maintenant imaginez ce qui arrivera si ce projet la législation de préemption iranienne est approuvée dans les prochains jours. Des pays du Club Med affectés par la crise comme l’Espagne et spécialement l’Italie et la Grèce subiront un coup mortel, n’ayant pas eu le temps de trouver une alternative possible au brut léger de haute qualité de l’Iran.

L’Arabie Saoudite – quel que soit son discours pétrolier dans les médias occidentaux – n’a pas de capacité additionnelle ; et en plus, la priorité absolue de la Maison de Saud est de garder des prix élevés du pétrole, pour pouvoir soudoyer – en plus de réprimer – sa propre population afin qu’elle oublie les idées nocives du Printemps Arabe.

Par conséquent, voila que, les économies européennes qui sont déjà en faillite se trouveront obligées de continuer à acheter du pétrole iranien, mais maintenant auprès des gagnants du choix, les vautours intermédiaires.

Il n’est pas surprenant que les perdants de ces tactiques de la Guerre Froide appliquées de manière anachronique à un marché mondialement ouvert sont les Européens eux mêmes. La Grèce – qui frôle déjà l’abîme – achetait du pétrole à l’Iran avec un fort rabais. Il est fort possible que l’embargo du pétrole précipite le gouvernement grec vers la « cessation de paiements » [default en anglais] et même un effet de cascade catastrophique dans l’Eurozone (l’Irlande, le Portugal, l’Italie, l’Espagne – et d’autres encore).

Le monde a besoin d’un Hérodote digital pour déchiffrer comment ces mascottes européennes qui cherchent à représenter la « civilisation » ont, d’un seul coup, infligé une blessure simultanée à la Grèce –berceau même de la civilisation occidentale – et à la Perse – l’une des civilisations les plus sophistiquées de l’histoire-. Dans une répétition surprenante de la tragédie comme farce, c’est comme si les grecs et les Persans s’unissaient dans le défilé des Thermopyles pour affronter l’attaque des armées de l’OTAN.

Que l’épreuve eurasiatique commence

Alors voyons les réactions à travers l’Eurasie. Le Ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a dit : « Les sanctions unilatérales ne sont pas efficaces ». Le Ministère des Affaires étrangères de Pékin, bien qu’avec beaucoup de tact, fût tranchant : « faire pression aveuglément et imposer des sanctions à l’Iran ne sont pas des méthodes constructives ».

Le Ministre des Affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu a dit : « Nous avons d’excellentes relations avec l’Iran et nous faisons beaucoup d’effort pour une reprise des conversations de l’Iran avec le groupe de médiateurs des 5+1 (« Les Six de l’Iran », les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies plus l’Allemagne.) La Turquie continuera à chercher un règlement pacifique du problème ».

Membre des BRICS l’Inde – Parallèlement à la Russie et à la Chine – a aussi écarté les sanctions. L’Inde continuera à acheter le pétrole iranien et à le payer en roupies ou en or. La Corée du Sud et le Japon inévitablement sortiront des exemptions du gouvernement de Barack Obama.

Dans toute l’Eurasie le commerce s’éloigne rapidement du dollar US. La Zone Asiatique d’Exclusion du Dollar signifie aussi de manière cruciale que l’Asie se détache lentement des banques occidentales.

Le mouvement pourrait bien être mené par la Chine, mais il est irréversiblement transnational. Encore une fois suivez la piste de l’argent. Membres du BRICS, la Chine et le Brésil, ont commencé à laisser de côté le dollar US dans leurs échanges commerciaux en 2007. Membres du BRICS, la Russie et la Chine, ont fait de même en 2010. Le Japon et la Chine – les deux plus grands géants asiatiques – ont fait de même le mois dernier.

Rien que la semaine dernière, l’Arabie Saoudite et la Chine ont présenté un projet pour une gigantesque raffinerie du pétrole dans la Mer Rouge. Et, plus ou moins secrètement, l’Inde a décidé de payer le pétrole iranien avec de l’or, même en contournant l’ intermédiaire habituel, une banque turque.

L’Asie veut un nouveau système international et travaille pour l’obtenir. Les conséquences inévitables à long terme : le dollar US – et, notamment, le pétrodollar – glisseront lentement vers l’inutilité. « Too Big to Fail (trop grand pour échouer) », pourrait devenir non pas une affirmation catégorique, mais une épitaphe.

* Pepe Escobar auteur brésilien de : « Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War » (Nimble Books, 2007) ; « Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge » ; « Obama does Globalistan  » (Nimble Books, 2009).

Asia Times. Chine, le 28 janvier 2012

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Traduit de l’anglais pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi

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