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La dernière norme générale colombienne sur la consultation indigène fut une Directive Présidentielle, la première de 2010, qui, avec l’excuse d’offrir « une garantie du droit fondamental à la consultation préalable des groupes ethniques nationaux », laissait pratiquement le procédé à la disposition des entreprises intéressées à l’accès libre aux ressources naturelles des territoires indigènes.
Comme cela n’a pas été publié dans la presse officielle, ni n’est devenu public autrement, le Forum Permanent des Nations Unies pour les Questions Indigènes, à l’occasion d’une visite un peu plus tard en Colombie, s’est adressé au ministre de l’Intérieur et de la Justice de l’époque en lui réclamant de l’information. Il a nié d’abord l’existence de cette norme pour ensuite affirmer qu’il s’agissait d’une circulaire interne dirigée seulement à l’Administration. Après plus d’un an, avec le changement de Gouvernement en plein milieu, est élaboré « le Projet de Loi par lequel est réglementée la Consultation Préalable pour les Groupes ethniques » qui présente une autre apparence, mais qui ne coupe pas le cordon ombilical avec cet engagement de donner un droit d’entrée aux entreprises intéressées dans le procédé de consultation qui, conformément au droit international des droits des peuples autochtones -un droit qui engage la Colombie - doit être de la responsabilité exclusive de l’État. De plus, en passant, on nie la consultation sur des mesures à caractère législatif. En somme, l’État colombien s’obstine à soustraire la garantie et, plus encore, l’efficacité de l’exercice du droit fondamental à la consultation préalable.
Le Projet de Loi commence par ignorer le droit international qui l’astreint. En ne mentionnant pas, ni ne voulant mentionner l’ « Accord de l’Organisation internationale du Travail sur les Peuples Autochtones et Tribaux dans les Pays Indépendants » (Accord 169) qui, de par sa ratification, est en vigueur en Colombie depuis le 7 août 1992, de qui découle de façon immédiate le devoir de l’État à la consultation indigène. En ne contenant non plus aucune référence à la « Déclaration de Nations Unies les Droits de Peuples autochtones » que la Colombie a intégré peu de temps après son adoption, en avril 2009, à travers des communications aux diverses instances des Nations Unies (le Secrétaire général, le Conseil des Droits de l’homme et le Forum Permanent pour les Questions Indigènes), en essayant de conserver la même discrétion qui s’appliquera ensuite à la Directive Présidentielle précitée. Après avoir intégré la Déclaration, la Colombie a accepté l’engagement d’assumer et de mettre en pratique les droits y étant enregistrés ( art. 38 : « Les États, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, adopteront des mesures appropriées y compris des mesures législatives, pour atteindre les objectifs de la présente Déclaration» ; art. 42 : « Les Nations Unies, ses organes, y compris le Forum Permanent pour les Questions Indigènes, et les organismes spéciaux, en particulier à un niveau local, ainsi que les États, promouvront le respect et la pleine application des dispositions de la Déclaration présente et veilleront à son efficacité »).
Pour quelque chose d’aussi important que l’identification des ayants-droit à la consultation, le Projet ne s’en tient pas aux normes internationales qui s’appliquent. Il les identifie avant tout comme des groupes ethniques, ce qui s’en tient effectivement au langage de la Constitution stricte de la Colombie, mais non à sa Constitution étendue composée de davantage de normes. La valeur constitutionnelle de l’Accord 169 en somme, qui se détache certainement de la Constitution, est bien déterminée par la jurisprudence de la Cour Constitutionnelle. Et l’Accord est postérieur à la Constitution, donc il prévaut. Ses sujets sont les peuples autochtones, ce qui n’empêche pas bien sûr, selon la norme constitutionnelle elle même, que peuvent s’y assimiler d’autres sujets, comme le peuple afro-colombien ou les communautés correspondantes. Le détail n’est pas seulement terminologique. En réduisant l’usage du terme « peuple » aux peuples autochtones, auquel on a recours seulement pour des présupposés qui se prétendent spéciaux, on essaie de compliquer la connexion de la loi future avec le droit international des droits des peuples autochtones auquel se rapporte l’affaire et qu’on doit appliquer. Symptomatiquement, la Directive Présidentielle précitée commençait par restreindre qui s’occupait des groupes ethniques avec l’intentionnalité évidente de rejeter toute autre forme de reconnaissance du sujet par un caractère général.
Il y a un autre fil continu entre la Direction Présidentielle et le Projet de Loi, celui de la main qu’on tend aux entreprises pour intervenir dans le processus de consultation. Dans ce second, le postulat qui reçoit la principale considération et qui apparaît ainsi comme normal est celui dans lequel existe un intérêt pour son résultat de caractère dit privé, celui de la partie qui s’appelle dans le Projet avec un certain euphémisme, les intéressés ou les particuliers.
On ne peut pas cacher qu’il s’agit fondamentalement des entreprises. Elles apparaissent non seulement avec la capacité d’ouvrir une procédure de consultation, mais aussi d’être partie prenante de celle-ci avec des facultés de décision. C’est en relation y compris en passant devant le sujet indigène : « Les participants au processus de consultation préalable, exceptés les processus qui requièrent des formalités spéciales, sont : Le Ministère de l’Intérieur ; La personne (s) naturelle ou juridique ‘sollicitante’ ; et Les groupes ethniques directement affectés ». Une Direction générale de Consultation Préalable du Ministère de l’Intérieur apparaît comme instance garante, mais la procédure peut être envisager sous forme d’ accords directs entre les entreprises et les communautés : « Dans le cas où la communauté et l’intéressé ne parviennent pas à un accord selon les termes de la méthodologie qui va être avancée, le Ministère de l’Intérieur –direction générale de Consultation Préalable devra prendre une décision par rapport à la méthodologie, en évaluant les positions des parties (…) ». Faut-il insister sur le fait que tout cela viole frontalement le droit international des droits des peuples autochtones et exclut de façon absolue, pour des raisons de poids, que la consultation se passe entre entreprise et communauté ?
Dans la communauté ethnique, en l’occurrence indigène, le sujet se limite pour le Projet dans les supposés existants intéressés, les entreprises. Pour le droit international des droits des peuples autochtones le sujet est le peuple indigène. Pour des questions qui sont pour le moins ordinaires, comme la consultation sur des mesures législatives ou d’autres réglementations de caractère général, le même Projet compte en revanche avec les peuples , allant y compris à identifier des instances représentatives :« Les mesures administratives et législatives d’ordre national seront consultées avec la Table Permanente de Concertation pour les Peuples autochtones et les Organisations Indigènes, et avec la Consultative de Haut Niveau pour les Communautés Noires, Afrocolombianas, Palenqueras et Raizales, et avec la communauté Rom [gitane], comme il se doit, s’entendant que dans les instances précitées, ils agissent comme les représentants légitimes des communautés qu’ ils représentent ». Il y a un excès dans cette identification. Selon le droit international des droits des peuples autochtones, ce n’est pas à l’État, mais aux peuples eux-mêmes, qu’il revient de déterminer la représentation. Et on ne peut pas identifier celle-ci directement avec quelques instances mixtes de concertation si les peuples autochtones ne le font pas de façon autonome. Seulement dans la mesure où les instances précitées ont l’appui effectif des peuples autochtones, la formule est valable. Elle ne l’est pas parce que le dit une loi, qui ainsi s’arroge le pouvoir de décision sur le sujet.
Le sujet de la consultation doit être le peuple ou les peuples directement affectés, ce qu’il n’empêche pas à partir de là que, selon leur organisation et représentation autonomes les communautés concrètes plus directement affectées peuvent et doivent opérer. Ce qui ne cadre pas avec le droit international des droits des peuples indigènes, c’est que le sujet est réduit à la seule communauté affectée, la meilleure façon de remettre la partie indigène entre les mains des entreprises et encore plus si la procédure leur confère le rôle décisif précité. En substance, l’actuel Projet de Loi articule furtivement le même dessein que la Direction Présidentielle de 2010. Comme cela se passe en général avec la violation constante des droits des peuples autochtones, le changement de Gouvernement semble avoir soigné la comme opération de propagande, sans réexamen de fond. Mais il n’y a pas de doute que ce sont les mêmes mains qui ont produit la Directive et le Projet.
En ce qui concerne la consultation des mesures législatives, c’est déjà très significatif qu’on lui prête si peu d’attention. Dans ce peu qui le règle il est de cette façon impossible d’identifier la représentation indigène. On fixe un délai de traitement si bref d’ un mois, ce qui a comme effet grave qu’ aucun temps de consultation n’est prévu entre les représentants et les bases indigènes. Il y a quelque chose de plus. De ce genre de consultation, s’occupe pour le compte de l’État, la Direction générale de Consultation Préalable, cette instance politico-administrative et non le Congrès lui même. Le résultat de la consultation législative est géré par le Gouvernement pour donner la dernière main aux projets législatifs sans obligation ni de transmettre même la documentation du processus, alors que le Congrès reste complètement coupé de la culture indigène, pouvant adopter tranquillement ses décisions législatives conformément à ses compétences douteusement constitutionnelles, celles qui lui correspondent exclusivement selon la Constitution stricte, mais pas si exclusivement selon la Constitution étendue dont fait partie, pour le moins, l’Accord 169. Face à tout cela il semble logique que, comme il se détache du droit international des droits des peuples autochtones, ce devrait être le Congrès, et non le Gouvernement, qui se charge directement de la consultation indigène pour les mesures législatives.
Parmi les aspects importants reste la clé de la valeur octroyée au résultat de la consultation, ce sur quoi le Projet de Loi se montre transparent :« La Consultation Préalable est un scénario dirigé pour recueillir des opinions, des critères, des visions et des propositions de la part des communautés ethniques et des intéressés à mener un travail, un projet ou une activité, des mesures administratives, pour déterminer les impacts que ceux-ci génèrent et pour établir les mesures de gestion liées ». Les communautés apparaissent maintenant devant les intéressés, mais sans que ne s’élève à travers cela leur position en terme de droits, les indigènes, face à des intérêts, entrepreneuriaux. Les unes et les autres, communautés et intéressés, émettent seulement de la même façon des opinions, des critères, des visions et des propositions. Pour l’Accord 169 la consultation doit avoir comme objectif le consentement spécifiant n’importe quel cas dans lequel celui-ci est nécessaire. Pour la Déclaration les Droits des Peuples autochtones, en plus d’ajouter davantage de cas de nécessité du consentement, l’État est responsable chaque fois que ce n’est pas respecté. Et la même déclaration qualifie le consentement comme libre, préalable et informé. Le Projet de Loi se désintéresse de la liberté, de l’information et même du consentement, laissant tout cela en fait aux mains des entreprises. Le Projet dit quelque chose d’autre dit le Projet sur la portée ou pas des accords éventuels, mais sa valeur reste déjà ainsi irrémédiablement dégradée avec un caractère général et, très spécialement, dans le principe de consultation des mesures législatives.
La consultation indigène, comme c’est dit, astreint la Colombie depuis le 7 août 1992, date depuis laquelle ont été produites une quantité de lois et autres mesures y compris concessions et validations d’accès des entreprises à des ressources en territoires indigènes, sans la consultation due. Cela fait longtemps que l’État ne défend pas efficacement les peuples autochtones de la poursuite et de l’invasion de leurs territoires par des entreprises qui ont recours à des moyens de déplacement voire même d’assassinats par la main d’agents vicaires. Même l’État a participé à cette situation. La Cour Constitutionnelle a déclaré la nullité d’une loi ou d’une concession par manque de consultation, mais s’est gardée de procéder à la déclaration quant à l’état inconstitutionnel de choses qui dans d’autres sujets lui ont servi pour généraliser le remède à tous les cas égaux. Il convient aussi de remarquer que le Projet de Loi survient en complicité du plus spectaculaire lavage des mains. Il est possible qu’il ait l’alibi que le projet de restitution de terres indigènes se trouve en phase de consultation, mais dans cet autre processus il ne montre aucune disponibilité pour atteindre celles qui se trouvent aux mains d’entreprises.
Le Projet de Loi de Consultation, avec tout son entêtement dissimulé, pour ne pas le respecter, je crois qu’il peut seulement se comprendre, ce qui ne veut pas du tout dire se justifier, dans le contexte de continuité d’une politique antérieurement dessinée, qui se manifestait dans la Directive Présidentielle de 2010, mais qui provient des décennies de massacres et de déplacements après la promulgation de la Constitution et la ratification de l’Accord. Il ne semble pas que l’on puisse le corriger. Ainsi et dans le contexte précité il semble inutilisable. Le problème continue d’être de fond. Sauf opinion plus fondée.
– Proyecto de Ley de Consulta
– Directiva Presidencial sobre consulta
Bartolomé Clavero. Séville, le 28 Novembre, 2011
* Proffeseur de la Faculté de Droit de la Université de Séville