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5 juin 2008

Colombie, États-Unis
La logique du terrorisme d’État

 

Par René Báez
Alai-Amlatina
. Équateur, le 29 mai 2008.

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Le Plan Colombie, dessiné par le gouvernement d’Andrés Pastrana et le Département d’État, cofinancé par l’Union Européenne et mis à en vigueur par le démocrate Bill Clinton dans sa visite à Cartagène d’août 2000, derrière l’en-tête de croisade contre le trafic de stupéfiants et ultérieurement de la lutte contre le terrorisme international, cache des intérêts obscurs métropolitains et de l’oligarchie "paisa". Détaillons de telles intentions.

L’objectif géopolitique cardinal des Etats-Unis après l’implosion du "socialisme réel" européen n’est rien d’autre que de consolider son hégémonie unipolaire. De cette intention majeure dérivent les buts stratégiques du Plan Colombie :

 1. Réassurer le contrôle politico-militaire étatsunien du nord de l’Amérique du Sud (morcelé après le retrait du Panama de la base Howard, en 1999)
 2. Installer des forts militaires pour s’approprier des ressources naturelles, énergétiques et bioénergétiques de l’Amazone
 3. Contrôler le commerce régional avec les pays asiatiques
 4. Dépeupler des territoires à travers des opérations de génocide et d’ethnocide
 5. Affaiblir la gravitation géopolitique du Brésil
 6. Convertir les Latinoaméricains au culte au marché et à la démocratie formelle, entre autres

Sur le terrain strictement économique, le Plan cherche à renforcer les colonnes du capital financier en soutenant la production et la vente d’armes, en étayant l’industrie chimique et en améliorant les bénéfices pour Wall Street provenant du trafic international de drogues psycho-actives naturelles. Les bienfaits du programme pour les "messieurs de la guerre" étasuniens ont été manifestes depuis qu’une partie substantielle des fonds fournis initialement par Washington a eu pour destin initial l’achat d’hélicoptères Blackhawks, qui sont seulement fabriqués au USA. De la même manière, un rapport du Nuevo Herald qui coïncide avec l’officialisation du Plan s’est rendu compte que les fumigations des cultures de coca et de pavot réalisées avec le Roundup, herbicide toxique produit par Monsanto.

Avec l’intensification des bombardements chimiques, le prix du kilo de cocaïne à New York est monté de 120.000 à 240.000 dollars, pour bonheur des "blanchisseurs" du premier monde, qui, en dernière instance, sont les plus grands bénéficiaires de cette colossale affaire, estimée actuellement à plus de 700 milliards de dollars et comparable avec à celle pétrole ou de la fabrication et du commerce du matériel de guerre.

Au temps de l’administration du républicain George W. Bush, le Plan Colombie a été rebaptisé par le nom sarcastique d’Initiative Régionale Andine (IRA = COLÈRE), avec l’intention ouverte d’internationaliser la guerre civile que flagelle la nation sœur frontalière comme corollaire de l’assassinat du leader populaire Jorge Eliécer Gaitán en 1948 ; et, après le mémorable 11 septembre 2001, elle sera incorporée à la campagne déloyale mondiale contre le terrorisme décidée par les "faucons" du complexe miltaro-industriel étasunien comme le moyen d’approfondir un keynesianisme de guerre et de "neutraliser"/éliminer les dissidents de la globalisation corporative (à savoir des leaders de l’opposition parlementaire, des dirigeants syndicaux, des défenseurs des droits humains, écologiques, des guérilleros, des chrétiens libéracionnistes,des indigènes ou simplement des exclus par l’accumulation par de la dépossession institutionnalisée par le "capitalisme du Pentagone").

Comme tout fait historique, le Plan Colombie se nourrit aussi de facteurs endogènes, dans ce cas inhérent au pays. À quoi faisons-nous allusion ? Produit d’une évolution contrefaite et subordonnée, la crise colombienne du café des années 70 a dérivé en une constellation de problèmes économiques, sociaux, politiques et institutionnels de plus en plus pointus. Une dérive tragique de sa crise multidimensionnelle a consisté en ce que le pays sud-américain converti, à partir de la décennie citée, en producteur important et exportateur de drogues vers le vaste marché yankee (un marché d’à peu près 60 millions d’accros irrécupérables), phénomène induit par la politique d’ouverture commerciale instrumentalisée par les gouvernements conservateurs et libéraux colombiens soude la re la pression des recommandations - obligations d’organismes comme le Fonds monétaire international, le Banque mondiale, le BID, la CAF.

L’ouverture colombienne à l’importation de biens produits par le puissant et subventionné "agrobusiness" étatsunien, à mesure qu’il a provoqué la ruine des paysans, a forcé ainsi ceux-ci à l’exode vers les villes ou à subsister avec des cultures pas traditionnelles. Cette "reconversion" de l’agriculture colombienne a eu comme conséquence la constitution d’une matrice productive avec environ 100.000 familles établies sur des dizaines de milliers d’hectares et elle a donné un pas à des processus d’industrialisation et de commercialisation de la marijuana, de la coca et du pavot, aux activités qui représentent des intérêts pour un vaste spectre social interne qui inclut des partis politiques de l’établissement libéral/conservateur, aux législateurs, juges, banquiers, journalistes, jusqu’ aux paramilitaires et chefs de la drogue de divers profils, vendeurs d’armes, troupes de l’Armée et la Police, petits producteurs agricoles, raspachines et "pericos". Le groupe de guerilleros gauchiste des FARC, selon les déclarations de ses commandants, perçoit des revenus sur le principe d’impôts touchés auprès des paysans, transformateurs et des narcotrafiquants.

En plus de défendre sa part sur le grand gâteau du trafic de stupéfiants, dont une fraction substantielle est retenue et investie dans les métropoles, l’oligarchie du Nord a trouvé dans le Plan Colombie le meilleur alibi pour pousser sa réforme agraire "à l’envers", consistant à expulser de leurs installations ancestra1es les paysans et les communautés indigènes, à s’approprier leurs terres à travers des opérations de l’Armée et des bandes de paramilitaires et, ultérieurement, à constituer de grandes propriétés rurales pour la culture du palmier africain, soja et autres productions primaires congruentes avec la vieille/nouvelle division internationale du travail provoquée par le capital transnaciona1 dès les années 70 grâce à l’implantation de dictatures fascistes dans le Cône le Sud, comme celles d’Augusto Pinochet au Chili et Rafael Videla en Argentine.

L’affaiblissement institutionnel et moral de l’État colombien, qui l’a même porté à la perte du contrôle d’à peu près un tiers de son territoire et de la moitié de ses municipalités, ouvrira un large lit pour que les États-Unis assument un protectorat virtuel de la nation sudaméricaine et pour que, en brandissant le mythe de la "société sans drogues" ou la métaphore de la "guerre infinie contre les terroristes", criminalisant une société entière dans une tentative pour légitimer des guerres néocolonialistes en connivence avec l’Union Européenne.

L’amère expérience colombienne ne se limite pas à ses frontières. Produit combiné de la domination externe et de la spoliation interne, le Plan Colombia/lRA/Plan Patriota, adossé aux TLCs, à l’IIRSA (l’Initiative d’Intégration de l’Infrastructure d’amérique du Sud) et au Plan Mérida (le flambant neuf "Plan Colombie mexicain"), a progressivement irradié ses sinistres instruments et conséquences, spécialement aux pays andins.

Les violations récurrentes à la souveraineté de pays comme le Venezuela et l’Équateur avec dans le rôle principal Álvaro Uribe, un ex-collaborateur du "Chef" Pablo Escobar, s’inscrivent dans le contexte historique laconiquement décrit.

 René Báez, économiste équatorien, est professeur de l’université, Prix National d’Économie et membre de l’ International Writers Association.

Traduction de l’espagnol pour El Correo de  : Estelle et Carlos Debiasi.

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