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Le candidat du Pôle démocratique, Lucho Garzon, ancien syndicaliste, devient maire de la capitale. Échec pour le président Alvaro Uribe.
Par Bernard Duraud
L’Humanité, Mercredi, 29 octobre 2003.
Le candidat de gauche, Lucho Garzon, a été élu dimanche maire de Bogota, point d’orgue d’un week-end désastreux pour le président de droite Alvaro Uribe. Avec 46,6 % des suffrages selon un décompte partiel communiqué par le bureau électoral national, Eduardo Garzon dit " Lucho " avait cependant suffisamment d’avance sur son rival de droite, Juan Lozano (40 % des voix), pour devoir l’emporter définitivement et devenir le premier maire de gauche de Bogota.
" Lucho ", dirigeant syndical dans l’industrie pétrolière et ancien président de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT ), figure de proue du Pôle démocratique qui regroupe différents mouvements de gauche, était arrivé en troisième position à l’élection présidentielle de l’an dernier avec un peu plus de 6 % des suffrages. Le Parti communiste colombien avait alors soutenu sa candidature bien que ne faisant pas parti du Pôle.
L’élection de Lucho Garzon renforce le poids d’une personnalité hostile à la politique ultralibérale et répressive d’Alvaro Uribe dont l’unique but est de rendre gorge à la guérilla. Le président devrait subir un échec plus important encore à l’occasion du référendum de samedi qui proposait notamment parmi quinze questions, de geler le salaire des fonctionnaires gagnant plus du double du salaire minimum ou de réduire la taille du Congrès. Après dépouillement du référendum dans la plupart des bureaux de vote, des difficultés logistiques dans des localités isolées ont été prétextées pour différer à mercredi ou jeudi l’annonce des résultats définitifs faisant naître des rumeurs de tripatouillage. La confusion régnait donc hier autour de l’issue de ce référendum pour lequel Uribe fait campagne depuis son accession à la présidence. Mais la plupart des questions posées pourraient être invalidées n’atteignant pas le taux de 25 % de participation nécessaire. Ce qui constituerait une autre victoire pour les syndicats et la gauche qui, comme Garzon, avaient prôné l’abstention sur ce vote.
Le gouvernement avait indiqué qu’en cas d’échec de ce référendum aux allures de plébiscite, il chercherait à réaliser autrement les sept milliards de dollars d’économies escomptées sur sept ans, probablement en levant de nouveaux impôts et ainsi serrer davantage la vis, conformément aux souhaits du FMI de voir geler les dépenses publiques.
Le succès de Lucho Garzon aux municipales ne doit rien au hasard. Lassés de l’incurie des deux partis traditionnels - conservateur et libéral - après pratiquement quarante ans de guerre civile, les habitants de Bogota, forte de ses 8 millions d’habitants, ont décidé de lui confier les rênes pour diriger la capitale pendant trois ans à la place d’Antanas Mockus. Défi du nouveau maire : tenter de réduire l’état de la pauvreté dans lequel vit plus de la moitié de la population de la ville. Et à peine élu le nouveau maire a appelé la guérilla des FARC à libérer Ingrid Betancourt leur otage depuis vingt mois. À noter que Bogota n’est pas isolée, la deuxième ville du pays, Medellin, a été gagnée par un candidat du centre-gauche, Sergio Fajardo de l’Alliance sociale indigène.