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15 novembre 2003

Citoyenneté à l’entreprise : Quel droit à la parole pour les cadres ?

 

Par Jean-François Bolzinger *
FSE - 13 nov. 2003

Les cadres, les salariés en situation de responsabilité professionnelle sont aujourd’hui en nombre conséquent en Europe et sur la planète. Ils jouent un rôle particulier dans les stratégies économiques à l’oeuvre et sont au coeur du processus de mondialisation dont ils sont non seulement victimes comme les autres salariés, mais aussi acteurs essentiels.

Il y a toujours eu des difficultés pour un droit à la parole des cadres distinct des
orientations de l’employeur mais ils ont pu longtemps peser pour influer sur les
décisions.

Avec le pilotage financier des entreprises et de l’économie, la donne a changé. C’est en terme de droits sociaux nouveaux qu’il convient aujourd’hui de traduire la volonté des cadres d’intervenir de façon citoyenne dans la vie de leurs entreprises.

En France, comme dans beaucoup de pays, certains salariés en responsabilité sont souvent les seuls à être interdits du droit de grève dans la Fonction Publique, preuve s’il en est que le droit à la parole ne se pose pas de la même manière pour eux que pour
d’autres.

Mais le nouveau vient aujourd’hui du fait que des cadres n’ont d’autre choix pour faire jouer leurs compétences ou être en cohérence avec leur éthique professionnelle que de dénoncer ou de refuser certaines directives ou situations.

Ce sont des médecins salariés des services d’urgence des hôpitaux qui au mois d’août dernier, en France, ont alerté et dénoncé l’incurie des pouvoirs publics face à une canicule qui a fait plus de 10.000 morts en raison notamment de la restriction drastique des moyens attribués aux services de santé.

C’est le syndicat du ministère des Impôts, qui appelait les collègues cadres au printemps dernier à refuser de se faire les propagandistes du projet de réforme gouvernemental sur les retraites alors que celui-ci n’était pas encore voté.

Ce sont des pilotes d’avions qui ont refusé dernièrement d’embarquer des expulsés qui avaient été drogués et dont il estimaient les conditions de transports inhumaines. Ces pilotes ont été condamnés par la justice comme il est arrivé à d’autres cadres d’être sanctionnés pour avoir, soit disant, fait trop de zèle en matière de sécurité.

L’explosion de l’usine chimique AZF à Toulouse a mit elle aussi en exergue les alertes non prises en compte de certains membres de l’encadrement qui dénonçaient la soustraitance à tout va et l’excès de procédures normalisées qui remplacent à bon compte des dispositifs effectifs de sécurité.

En caricaturant un peu, on peut dire que les cadres avaient auparavant des responsabilités et le pouvoir, au moins une part et qu’ils n’ont plus aujourd’hui que des responsabilités mais sans le pouvoir.

Le pilotage financier qui est imposé conduit à un énorme gâchis de compétences, à un gâchis de qualifications qui vont de fait avec sens critique. Cela percute la volonté des cadres de donner un sens au travail, de développer une éthique professionnelle et une vision de l’entreprise non déconnectée de la société, intégrant des finalités sociales et
environnementales.

Les cadres sont aussi gestionnaires de lien social dans leur équipe de travail mais aussi lorsqu’ils sont à l’étranger, en déplacement, souvent point de rencontre entre l’entreprise et la localité, souvent artisans potentiels de coopérations.

Les logiques financières se moquent de la sécurité de l’emploi, comme de la moralité des affaires. Les cadres sont souvent mis individuellement dans des situations intenables, étant les premiers fusibles en cas de problèmes, les premiers exposés en cas de conflit
et les premiers responsables pénalement.

Du point de vue syndical, nous pensons qu’il y a besoin d’une conjugaison d’interventions dans et en dehors de l’entreprise pour traiter en terme de droits sociaux de la notion de responsabilité, comment elle s’exerce, dans quel sens, avec quels moyens ? Cela doit
passer par des actes concrets dès la formation en donnant une autre vision de l’entreprise dans les écoles. Cela doit passer aussi dans le travail en faisant reconnaître un droit de refus et d’alternative pour toute directive ou consigne contraire à l’éthique
professionnelle ainsi que les moyens de le faire respecter. Un tel droit individuel ne peut être opérant qu’assorti de moyens de contrôle et de garanties collectives. Les syndicats de l’UGICT-CGT portent cette revendication depuis plusieurs années et entendent
l’inscrire dans un renouveau du statut de l’encadrement, partie intégrante du nouveau statut du travail salarié pour lequel agit toute la CGT.

Je rappellerai pour terminer que le dumping social, les délocalisations ont essentiellement lieu dans les pays du Nord, en Europe et portent sur le travail qualifié.
L’encadrement est en première ligne et la création d’un mouvement d’opinion amenant des droits sociaux portant une autre logique de développement nous semble
objectivement posée.

* Secrétaire Général de l’UGICT-CGT

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