Accueil > Empire et Résistance > Ces étrangers qui viennent en Argentine observer les nouveaux mouvements sociaux
Le tourisme « piquetero » participe à des barrages sur les route, prend part à des assemblées de quartier, visite des cantines populaires ou parcourt des usines récupérées. Certains sont des touristes communs qui s’intéressent au phénomène. Mais la majorité vient exclusivement pour cela. Ce sont des universitaires, militants ou sympathisants du mouvement anti-globalisation.
Par Javier Brailovsky et Romina Ruffato
Página 12, 23 de febrero 2003.
Les quarante compatriotes blonds, avec des bermudas jusqu’aux genoux et des appareils photos accrochés à leurs gros cous sont arrivés d’Allemagne et à la surprise à l’Assemblée du Cid Campeador, qui occupe une ancienne Banque Mayo, ils venaient observer l’événement : quatre membres de l’assemblée examinaient dans une ronde presque parfaite les problèmes concrets d’un quartier de classe moyenne. Les étrangers ont pris des photos, ont discuté avec l’assemblée, ils sont remontés dans le bus et ont pris une direction inconnue. "Je suis arrivée avec l’idée de passer ici l’anniversaire de du 19 et 20 décembre, un fait très important parce qu’il a marqué l’explosion d’un modèle qui a été imposé dans les dernières décennies", raconte Silvia V. une jeune belge, de 26 ans.
Carolina, en revanche, a 22 ans, est née au Connecticut, aux Etats-Unis, et a reçu son diplôme de Politique Publique à l’Université de Caroline du Nord. Elle pense faire un doctorat pour devenir professeur. C’est une petite brune, avec les cheveux au-dessus des épaules, elle passe pour une argentine : elle porte un jean, un T-shirt. Il lui reste à dire "tout va bien". Quand elle terminera son doctorat, elle veut étudier l’identité argentine, explique -t-elle. Vaste tâche. Un nouveau type de visiteur traverse la pampa, parcourant un type de pauvreté organisée. C’est engagé, c’est bien. Les nouveaux touristes militants ont découvert dans le pays un bon motif pour l’espoir (et pour effectuer un voyage bon marché) : Ils font partie d’un mouvement anti-globalisation, dont la force paraît être mieux à l’extérieur que depuis l’intérieur. Ils ont commencé, clairement, à arriver après la dévaluation, attirés par un phénomène étrange. La première saison forte a été vue après les cacerolazos, et a pris de l’ampleur après les meurtres Santillán et de Kosteki sur le Pont Avellaneda et à la fin de l’année passée ils sont réapparus pour commémorer l’anniversaire. Ils sont arrivés attirés par des nouvelles virtuelles qui échappent au monopole informatif : Brukman a reçu déjà plus de 500 étrangers, certains piqueteros reçoivent la visites de 5 ou 6 étrangers par semaine, on y ajoute des volontaires presque permanents dans les assemblées et dans les cantines scolaires. Certains veulent mettre en oeuvre des projets auto-gérés, ils sont hébergés dans des hôtels bon marché ou dans les maisons de quartiers des militants piqueteros. Une argentine organise même depuis les Etats-Unis le premier "Piquetero Tour", de la banlieu de Buenos Aires (voir à côté). Página/12 a contacté à ces étrangers pour savoir ce qu’ils pensent de l’Argentine, pays curieux à leurs yeux. Avec le modèle des "Zapatours en Chiapas", naissent des parcours au sein des secteurs de résistance urbaine.
Les intrépides allemands
"Deux types d’étrangers s’approchent des assemblées. Ceux qui viennent une fois et n’apparaissent plus, peut-être des touristes traditionnels ; et ceux qui restent, en général, des étudiants en sciences sociales ou des activistes ", raconte Ezequiel, de l’Assemblée du Cid Campeador. Herman, par exemple, a 24 ans. Il est suédois. Il est arrivé le 19 janvier et il reste jusqu’au 10 avril. Il est venu avec une bourse accordée par son université où il étudie les Sciences Politiques et il lui est impossible de dissimuler ses cheveux blonds à la coupe rasta qui ceinture ses yeux clairs. Il détonne dans le paysage. "J’ai décidé d’écrire ma thèse sur les assemblées de quartiers - explique- t-il. Je veux analyser les nouvelles formes de démocratie, la crise des partis politiques traditionnels. Je pense que la société doit être organisée comme les assemblées ". Son premier contact avec l’Argentine s’est fait à travers une amie qui est arrivée en mai passé et qui a connu un membre d’une assemblée. Yeah, man ! Herman a voyagé d’abord au Forum Social de Porto Alegre et là il a rencontré d’autres militants. "Maintenant ma tâche est de prendre part à la plus grande quantité possible d’activités et d’effectuer des entrevues avec différentes personnes", poursuit-il. Herman pense que le mouvement a ici été plus loin qu’en Suède, qui est déjà arrivée assez loin. "Ils ont davantage de connaissance sur la vraie démocratie et la fausse démocratie, "assure-t-il. Le mot faux est ce qui est original. Il y a deux jeudi, en milieu d’après midi, les quatre voisins qui étaient au siège de l’Assemblée du Cid Campeador ont vu arriver un bus dont sont descendus environ 40 allemands, d’une moyenne d’âge de 60 ans. "Ils venaient du Forum de Porto Alegre et ils étaient passés par la Bolivie, le Chili et le Pérou avec l’idée d’étudier des mouvements sociaux. Ils connaissaient l’activité de notre assemblée à travers la page de www.indymedia.com dans Internet et sont arrivés sans prévenir ", raconte Carlos, représentant du bâtiment et membre de l’assemblée. "Les allemands voient les assemblées comme un phénomène inédit, et comme un possible futur. Ils sont arrivés au moment du goûter que nous donnons à 30 garçons dont plusieurs sans toit, à qui nous fournissons des boissons et de la nourriture ", dit Carlos. "Ils nous ont dit qu’ils auraient aimé que davantage de banques se transforment en assemblées." Quelque 50 étrangers de différentes nationalités sont déjà passés par le Cid. Beaucoup sont venus avant le forum et d’autres dans la semaine dernière, quand a explosé la Bolivie. L’activisme n’a pas de frontières.
I feel asambleísta
Le voyageur militant moyen a ses caractéristiques : il compte son temps, il est généralement jeune, difficile, actif, intéressé et avec des réponses chaque question. Il n’a pas généralement trop d’argent dans la poche, c’est pourquoi il cherche des destins accessibles. La majorité a un certain type d’action militante son pays d’origine : groupes anarchistes, étudiants, membres d’ d’ATTAC ou de mouvements anti-globalisation. Et l’Argentine, annonce dans ses esprits aryens, les thèses les plus audacieuses. "Durant le mai 68 français il y a eu seulement une usine occupée et, là elles font partie déjà du paysage. Quand j’ai été à Porto Alegre, un Sud-Africain m’a renvoyé une image trop grande. Il semblait que nous étions « une colonne du Che Guevara ». Pour cette assemblée ces visites tombent bien. C’est cette chose qui fait que tu fais bien quelque chose et c’est pourquoi on vient te voir. Mais d’autres assemblées sont contrariées. Vue de dehors, une assemblée de 15 personnes est étrange ", raconte Ezequiel, du Cid Campeador. Gabriela Gamez, 23 ans, mexicaine, une grande brune aux yeux noirs, étudie la Sociologie dans l’UNAM et se trouve dans le secteur de Travail Social de l’UNESCO. Bien qu’elle vienne écrire une thèse, elle s’est payée son voyage pour passer 15 jours au sein des asamblées, comme lui a conseillé son professeur de thèse. En outre, elle projette de visiter la Matanza et Président Perón. "Il y a un an et demi j’ai suivi une classe d’Histoire de l’Amérique Latine Contemporaine, dont l’essai final consistait à suivre les perspectives d’un pays. C’était trois mois avant les 19 et 20 décembre, mais l’essai a été transformé pour étudier les pratiques solidaires en Argentine."
Carolina, celle de Connecticut, est féministe, a travaillé dans la fondation de George Soros, elle est arrivé en septembre 2002 et pense s’aller en mai prochain. "Je suis une bestiole rare, je ne suis pas d’accord avec le capitalisme", assure t-elle. En mars 2002, elle s’est informé des nouveaux mouvements sociaux et on lui a crée une bourse pour venir. "Le monde a beaucoup apprendre de l’Argentine parce qu’au pire moment de là crise les gens ont été plus solidaires". Carolina est allée à Jujuy, Mendoza et Cordoba. "Mais je ne suis pas une touriste normale parce que je ne suis pas venu pour la faire la fête ou pour dépenser des dollars. Je suis venue à vivre d’une manière argentine, collaborer avec les assemblées et diffuser un message." Au début, elle a hésité entre aller à de plusieurs assemblées ou en intégrer une seule. Maintenant, elle travaille à la livraison de grands sacs de repas. "Et si avec mes articles je touche quelques personnes pour qu’elles sachent que Buenos Aires n’est pas la capitale du Brésil, c’est déjà quelque chose. Quand je suis venue j’étais très anti-consommation, mais maintenant je travaille avec l’économie argentine et j’achète dans les petits commerce, au lieu du supermarché."
Il y a quelque temps, Lisa Garrigues de San Francisco a été accusée par la jeune Interbarrial de Parc Centenaire d’être une infiltrée de la CIA(experience oblige). "Beaucoup de gens se demandaient ce qu’elle faisait là", on en rit aujourd’hui Garrigues, résidente depuis septembre de 2001, c’est la "première étrangère membre d’une assemblée ", selon ses camarades de collège. Garrigues est venue avec l’idée d’enseigner anglais en étant payée par le Premier Monde. Mais les choses ont changé. "Être là, c’est une expérience que tout américain devrait vivre pour comprendre le rôle de son pays. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir vécu ce processus depuis à l’intérieur : être chaque semaine, voir les luttes", raconte Garrigues, auteur qui voulait terminer son livre d’histoires, "mais la réalité s’est trouvée ensuite plus intéressante que la fiction". Aux Etats-Unis, elle prenait part à différentes actions anti-globalisation. "Au début elle était très impliquée dans l’assemblée de quartier et prenait part de toutes les activités. Maintenant, je ne me sens plus autant nécessaire : je sais que tôt ou tard arriveront d’autres étrangers ".
Wonderfull Brukman
Silvia a visité une usine « reprise ». Wonderfull. Elle a 26 ans, elle est maigre, porte des cheveux brun courts et un look alternatif. Ses yeux clairs sont nés en Belgique. Elle est arrivé en septembre 2002 et s’en va en mai de 2003. Elle a étudié le Droit Pénal. Elle est militante d’Indymedia Argentine mais non d’Indymedia Belgique. Elle a visité l’usine reprise de Zanon à Neuquén et elle projette de retourner là bas pour prendre contact avec une Communauté mapuche. Silvia est à bloc. "J’ai été plusieurs jours enfermée avec les travailleurs et les travailleuses, leur apportant mon soutien et leur demandant quel était le changement réel dans leur vie depuis l’occupation de l’usine. Et tous me disaient que maintenant aller travailler avait quelque chose à voir avec la liberté et qu’il y avait beaucoup de camaraderie", explique t-elle. L’usine récupérée de Brukman est un autre point névralgique de visite à Buenos Aires pour les touristes motivés par le changement (ce qui est social et celui du dollar). Depuis sa reprise, le 18 décembre 2001, plus de 500 personnes sont venues de toute la planète. Il a eu des australiens et des suisses qui sont venu les filmer ; des étudiants français et des journalistes ; un américain d’un syndicat "très combatif, qui a beaucoup filmé dans l’usine et nous a acheté un costume", raconte Celia Martínez, de Brukman. L’usine a reçu deux fois une jeune belge, des journalistes d’une chaîne grecque "qui étaient très touchés de savoir comment nous arrivons tenir la production". Et un autre groupe de français leur a raconté qu’il y a eu en France une reprise d’une usine d’horloges, mais que les ouvriers sont seulement parvenus à vendre le stock et n’ont jamais pu reprendre la production. Brukman a aussi reçu des syndicalistes du Vénézuéla "très intéressés par le contrôle ouvrier".
La semaine dernière, ils ont reçu la visite d’un sociologue palestinien qui venait en signe de paix. "Il a passé trois jours parce qu’il faisait une étude sur les usines occupées. Parfois les compagnons rouspètent un peu à cause de ces visites d’étrangers qui n’ont pas de caractère privé. Mais je leur dis que c’est bien parce que ainsi nous sommes installés dans le monde. Nous devons continuer à combattre parce que les gens surveillent notre lutte et espèrent que nous allons triompher ", explique Celia.
Piqueterou cam hiar
(piquetero come hear)
Le Mouvement de Travailleurs Évacués de Lanús (MTD) est déjà organisé. Le quartier est devenu un foyer supplémentaire d’attention avec le décès de Darío Santillán, qui militait là. C’est pourquoi, ils ont des délégués aux relations internationales qui se chargent de s’occuper aux visiteurs et de les orienter dans la visite. "Beaucoup se sont approchés de nous dans des marches et des barrages routiers. À partir d’Indymedia ils ont pu faire des recherches sur l’histoire du mouvement piquetero, et que notre courant cherchait l’autonomie en dehors des partis traditionnels. Pour quelques étrangers, le contact avec nous est une promenade par les quartiers pauvres pour voir comment les chômeurs s’organisent", raconte Pablo Solanas, du MTD de Lanús, qui travaille avec deux italiens d’Indymedia Italie, qui vivent dans la maison de quelque italien piqueteros. "Ils sont arrivés pour organiser un centre de communication qui permet au quartier d’avoir un accès Internet et ainsi d’accéder à la ’résistance globale".
Le tourisme militant a aussi, comme tout phénomène, ses saisons hautes et basses. La saison haute est arrivée avec l’été 2002 et a repris à partir du 26 juin, quand ils ont assassiné Santillán et à Kosteki sur le pont d’Avellaneda. Un an après le 19 et 20 décembre, l’avalanche étrangère a été nouveau présente à la Place de mai. Deux photographes néerlandais, par exemple, sont apparus depuis l’Afrique avec leurs appareils disposés à prendre un autre type de tribus autochtones. "il y a trois ou quatre visites par semaine. Ensuite, ils ont ensuite commencé à arriver avec des « références ». On a généré une espèce de réseau de contacts internationaux : ils nous ont même invité à faire des conférences en Europe", raconte Solanas. Quelques étrangers voulaient constituer un « piquetero » global et bloquer les aéroports des principales villes européennes. L’idée a été rejetée par inadéquate.