Accueil > Les Cousins > Brésil > Avec plus de 60% de voix Lula réélu président du Brésil.
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a été réélu dimanche au second tour de l’élection présidentielle avec plus de 60% des voix, a proclamé officiellement le Tribunal supérieur électoral.
Par l’Agence France-Presse
Brasilia. Le dimanche 29 octobre 2006.
Sur 90% des votes dépouillés avant 23h GMT, Lula a obtenu 60,6% des voix contre 39,4% à son rival social-démocrate Geraldo Alckmin.
Dès l’annonce des résultats, les partisans de Lula ont commencé à faire la fête sur l’avenue Paulista, principale artère de Sao Paulo. Au son de percussions, les refrains de la campagne électorale — »Olé, Olé, Olé, Ola, Lula, Lula » et « Lula de nouveau avec la force du peuple »— résonnaient au milieu d’un concert de klaxons.
Lula obtient un score proche de celui qu’il avait obtenu en 2002 lors de sa première élection à la présidence : 61,2% contre un autre membre du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), José Serra, gouverneur élu de l’État de Sao Paulo.
En votant dimanche dans son fief de Sao Bernardo do Campo, banlieue industrielle de Sao Paulo, Lula s’est dit un homme « heureux ». « Je dois remercier Dieu pour ce second tour. Cela a été une sorte de moment magique où le peuple s’est levé en disant : je suis là et je veux participer », a-t-il dit en prévision de sa victoire annoncée par les sondages.
Le 1er octobre, l’ancien ouvrier métallurgiste et dirigeant syndical devenu président en 2002 avait manqué de justesse la réélection au premier tour. Il avait obtenu 48,6% des voix contre 41,6% à M. Alckmin. Ce ballottage surprise avait été provoqué par le scandale de l’achat d’un dossier anti-opposition par son Parti des travailleurs (PT), intervenu en pleine campagne électorale, à quinze jours seulement du scrutin.
Mais le président n’a cessé de progresser dans les sondages pendant la campagne du second tour et au fil des quatre face-à-face télévisés qui ont opposé les deux concurrents.
Geraldo Alckmin a concentré ses attaques sur les scandales de corruption du mandat de Lula et dénoncé la faible croissance économique du Brésil face aux autres pays émergents.
Mais le président sortant a pris l’avantage en profitant du flou du programme de son adversaire. Lula s’est positionné comme le défenseur des plus pauvres en s’appuyant sur les bons résultats de la lutte contre l’inflation, sur la hausse du salaire minimum et l’extension des programmes d’aide sociale.
Le président sortant a accusé son adversaire de mettre en péril l’emploi par des projets de diminutions draconiennes des dépenses de l’État et de vouloir remettre en cause le programme « Bourse famille », qui bénéficie à 11 millions de familles démunies.
Il a aussi accusé M. Alckmin de vouloir nationaliser les principales compagnies nationales brésiliennes comme Petrobras, Banco do Brasil, les Postes, réussissant à mettre son adversaire sur la défensive.
L’impact négatif du scandale du « Dossiergate » sur le candidat Lula a perdu de sa force en l’absence de nouvel élément dans l’enquête. La police fédérale n’a pas beaucoup avancé sur l’origine des 800.000 dollars trouvés en possession de deux proches du PT et destinés à payer un prétendu dossier anti-opposition.
Ce scandale du dossier fait l’objet d’une procédure d’annulation de la candidature de Lula déposée par l’opposition devant la justice électorale. Mais la légitimité acquise par Lula dans les urnes rend politiquement improbable une telle issue.
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Lula, un mythe populaire renforcé par la réélection
Par Jorge Svartzman
AFP. Brasilia, 29 octobre 2006.
La réélection dimanche de Lula à la présidence du Brésil va donner une nouvelle dimension au mythe populaire de l’enfant pauvre du nord-est devenu ouvrier tourneur puis parvenu à la tête de l’État.
« Si un nordestin ne meurt pas avant l’âge de cinq ans, c’est qu’il aura une longue vie », aime à répéter Luiz Inacio Lula da Silva, réélu deux jours après avoir fêté ses 61 ans.
Vaincu à trois reprises avant de remporter la présidentielle en 2002 puis celle de 2006, Lula se compare souvent à des personnalités chargées d’une mission salvatrice et souvent confrontées à l’hostilité des « élites » : Jesus-Christ, Mahatma Gandhi ou les ex-présidents brésiliens Getulio Vargas et Juscelino Kubitschek, les bâtisseurs du Brésil moderne.
L’ancien petit cireur de chaussure devenu ouvrier métallurgiste, puis dirigeant syndical, a accédé à la tête de l’État grâce à son charisme populaire et un pragmatisme politique à toute épreuve. L’homme a su tisser des alliances imprévues ou se débarasser sans hésiter d’amis devenus gênants.
« Je ne sais pas combien d’élections j’ai perdues pour arriver où je suis », a dit Lula dans une interview entre les deux tours. « Mais je sais le nombre d’infamies et de préjugés que j’ai surmontés pour arriver où je suis. C’est pourquoi maintenant mon seul objectif est de montrer que j’ai plus de compétence que beaucoup de gens qui ont gouverné ce pays ».
Lors d’un d’un meeting dans le Minas Gerais, alors qu’il était confronté au scandale du dossier anti-opposition créé par son parti des travailleurs (PT), Lula avait harangué la foule en se comparant au martyr local de l’Indépendance, Tiradentes, pendu et écartelé en 1792 par les autorités coloniales portugaises.
« S’ils me retirent les jambes je marcherai avec vos jambes ; s’ils me retirent les bras, j’agirai avec vos bras ; s’ils me retirent le coeur, j’aimerai avec le vôtre et s’ils me retirent la tête, je penserai avec la vôtre ».
En juin 2005 déjà, Lula avait été confronté à une crise grave liée à un scandale de corruption, celle du paiement illicite de députés par son parti des travailleurs (PT).
En chute libre dans les sondages, au bord de la démoralisation, Lula avait repris le
dessus à partir du mois de décembre en se lançant avec plusieurs mois d’avance dans la campagne pour sa réélection. L’erreur de l’opposition avait été d’assurer que Lula arriverait à l’élection présidentielle « vidé de son sang ». Une erreur qu’elle a payé dimanche.
Né le 27 octobre 1945, huitième et dernier enfant d’une famille d’agriculteurs pauvres du Pernambouc (nord-est), Lula a sept ans lorsqu’il émigre avec sa famille vers l’État de Sao Paulo pour échapper à la misère.
Ouvrier métallurgiste à 14 ans, il perdra un doigt - l’auriculaire gauche - dans une machine. À 21 ans, il entre au syndicat des métallurgistes et en devient le président en 1975.
Il conduit les grandes grèves de la fin des années 70, en pleine dictature militaire (1964-1985). En 1980, il fonde le PT puis participe en 1983 à la création de la Centrale Unique des Travailleurs (CUT).
Lula se présente pour la première fois à l’élection présidentielle en 1989, où il échoue de peu contre Fernando Collor, destitué en 1992. Il sera encore battu en 94 et 98 par Fernando Henrique Cardoso.
La quatrième fois sera la bonne, en octobre 2002.
À la tête de l’État, il a mis en application son pragmatisme de syndicaliste pour gagner la confiance des milieux économiques tout en élargissant son soutien populaire, base de sa réélection.