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Dernier travail journalistique de Juan Gelman décédé le 15 Janvier 2014
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Le gouvernement du socialiste Hollande ne rénove pas les vieilles formules du colonialisme que son pays a pratiquées depuis le XVIIème siècle jusqu’à ce qu’il soit contraint de quitter l’Algérie en 1962. La France sera-t-elle un « état défaillant » par manque d’imagination ? Ou bien certaines formes de domination ne changent-elles même pas alors que le changement affecte le monde entier ? S’il devait en être ainsi, ce capitalisme que l’on appelle « sauvage » ne progresserait pas beaucoup dans son projet de survie. La nation qui a été le berceau de la devise Liberté, Egalité, Fraternité a envahi le Mali le 12 janvier de l’année dernière (Opération Serval) et la République Centre-Africaine le 3 décembre (Opération Sanguinis). Selon Hollande, ce fut une « réaction humanitaire » pour sauver « un peuple qui souffre et qui nous appelle ». Mais cela ne semble pas le cas. En effet, quand Paris a contenu la rébellion au Mali (www.globalresearch.ca, 7-1-14), de nouveaux contrats de forage et d’extraction ont immédiatement été signés avec l’ aide du commando des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom, selon son sigle en anglais). Un communiqué de presse de la Legend Gold de Vancouver, gigantesque entreprise d’extraction, d’achat et de vente d’or et d’argent, a annoncé son intention d’exploiter des mines d’or dans des lieux très précis à l’ouest et au sud du pays (Marketwired, 6 janvier 2014). L’exécution de ces programmes commencera début février de cette année. Douglas Perkins, Président directeur général de Legend Gold, a informé que le contour de ces projets a été mis au point au cours du dernier trimestre.
Le 18 décembre 2013 le Fonds Monétaire International a octroyé au Mali un prêt de 46,2 millions de dollars « pour que la vulnérabilité de la balance des paiements se dissipe et pour créer les fondements d’une croissance plus rapide et plus durable » (www.imf.org/external, 18-12-13). Mais ce sont là des crédits qui obligent les pays qui en bénéficient à réduire leurs services sociaux, comme l’éducation et la santé publique, afin de payer leurs dettes. Les conséquences catastrophiques de tels accords ont été observées très clairement dans le cas de « l’expérience argentine » qui a culminé en 2001 avec l’humiliante fuite du président d’alors, De la Rúa.
Sans sous-estimer la dynamique de la mosaïque, terroriste ou non, qu’est devenu le Printemps Arabe, l’intervention militaire française au Mali a plus à voir avec les ressources naturelles de ce pays qu’avec les pénuries dont souffre sa population. Dans ce riche pays d’Afrique, Paris gère ses propres intérêts dans le cadre du Programme de relations franco-allemandes qui coïncide avec l’intérêt pour la France de s’assurer les revenus du Sahel, et tout spécialement le pétrole et l’uranium. La compagnie française Areva exploite ceux-ci depuis des décennies chez son voisin le Niger. Hollande, lui, se consacre à une autre forme d’exploitation, celle de l’hypocrisie : il affirme aux maliens que la France ne sert aucun intérêt particulier dans le pays, « nous n’en avons aucun » dit-il, « nous sommes entièrement pour le bien du Mali et de l’Afrique Occidentale » (www.anabafrance.es.org, 2-2-2013). Mais il est bien évident que oui, il sert les intérêts des coffres en banque et des jeux financiers, et non ceux des poches des simples citoyens.
« L’impératif humanitaire » de François Hollande en République Centre-Africaine, mené à bien par 1 200 militaires français, est destiné à freiner la Chine et surtout à contrôler les réserves d’or, de diamants et d’uranium, qui reposent, pas pour longtemps, dans le sous-sol d’un pays plus grand que la France et la Belgique réunies (www.michelcollon.info, 14-12-2013). Les compagnies françaises y sont hégémoniques, dans le transport fluvial, dans le sucre, dans les boissons, dans le stockage et la commercialisation du pétrole, et ce n’est pas d’aujourd’hui que ses habitants souffrent d’une situation catastrophique. Depuis 1960 ils souffrent de la répression et des abus de six présidents successifs qui ont occupé ce poste après autant de coups d’Etat.
Le ministre français de l’Economie, Pierre Moscovici, a reconnu qu’en dix ans « La France a perdu la moitié de son marché en Afrique subsaharienne ». Le coupable ? La Chine, qui a fait une entrée triomphante dans le secteur de l’or noir et a augmenté ses investissements sur le continent avec des contrôles moins rigides. En 2008 Pékin a accordé à la République Centre-Africaine quelques 4,4 millions d’euros qui ont permis de construire des écoles et des hôpitaux là où la désolation est reine.
Des groupes rebelles de différentes origines et disséminés dans tout le pays, et leur désaccord, débouchent sur des atrocités généralisées, des pillages, des viols, des assassinats en série, des activités devenues quotidiennes pour ceux qui n’ont connu que les brutalités et les tueries. Mais ceci n’est pas né aujourd’hui, et la France, comme d’autres puissances occidentales, continue d’être frappée par la crise économique mondiale. L’heure était donc venue pour elle de reconnaître ces maux afin de se garantir militairement la possession des richesses.
Juan Gelman pour Página 12
Página 12. Buenos Aires, 11 janvier 2014.
Traduction en français pour El Correo de : Paul Rouet
El Correo, Paris le 15 décembre 2014
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