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1er septembre 2008

Accord nucléaire Argentine-Brésil :
Energie ou géopolitique ?

 

Par Gerardo Honty
Alai-Amlatina
. Montevideo, le 27 Août de 2008.-

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Les présidents du Brésil et de l’Argentine annonceront le 6 septembre prochain à Recife (Brésil), la création d’une entreprise binationale d’énergie nucléaire. La nouvelle entreprise ne se consacrerait pas seulement à la production d’énergie électrique mais aussi au retraitement d’uranium, à usage médical et agricole et éventuellement de son utilisation dans des sous-marins atomiques, selon des articles de la presse argentine. Cette entreprise ne se limiterait pas à l’aire géographique de ces deux pays mais elle espère s’étendre à toute l’Amérique du Sud où selon le gouvernement brésilien entre 12 et 15 centrales nucléaires seraient construites avant 2030.

Le président d’Industries Nucléaires du Brésil, Alfredo Tranjan Filho, a déclaré au journal O Estado de Sao Paulo qu’il « serait plus efficient de créer une vaste entreprise binationale, consacrée non seulement à l’enrichissement de l’uranium mais aussi à d’autres besoins et opportunités des pays et du marché grandissant d’Amérique du Sud dans les secteurs de la santé, agricole et radiopharmacologie ».

L’entreprise se positionnerait comme l’un des fournisseurs mondiaux d’uranium enrichi, un des objectifs du gouvernement brésilien, selon Tranjan. « En plus des projets du Chili, Uruguay, Pérou et du Venezuela d’installer des centrales nucléaires, l’Argentine dispose de deux usines en fonctionnement, et cherche à finir Atucha II et projette de construire encore deux usines. Le Brésil gère Angra I, Angra II, et construira Angra III en 2014 et 6 autres usines encore d’ici 2030"

L’idée de cette entreprise binationale est née de l’un de 17 accords signés à l’occasion de la dernière rencontre des deux présidents le 22 février dernier quand le Comité Binational d’Énergie Nucléaire (Coben) a été créé. Cependant l’association ne dispose pas de l’approbation unanime des autorités brésiliennes, particulièrement de la Marine : « Il n’existe aucune directive Brésil-Argentine dans laquelle la Marine du Brésil soit impliquée » a répondu le Centre de Communication de l’institution militaire au journal O Estado de Sao Paulo. Entre les lignes, il a été aussi fait référence à l’accord que le Brésil serait entrain de passer avec les États-Unis, pour protéger les nouvelles réserves d’hydrocarbure trouvées dans l’Atlantique, par des patrouilles de nouvelles embarcations, dont un sous-marin nucléaire brésilien en phase de développement.

Le gouvernement Lula n’a pas seulement des problèmes avec la Marine sur ses projets nucléaires. Tandis que quelques états se disputent la localisation des nouvelles usines, l’IBAMA (l’Institut Brésilien de l’Environnement, l’agence chargée d’octroyer les autorisations environnementales) a communiqué que l’Angra III recevra l’autorisation - parmi d’autres conditions - quand elle aura trouvé une solution définitive pour stocker le déchet nucléaire produit dans les usines. Le ministre de l’énergie Edison Lobão a affirmé pour sa part que c’est un problème qui n’a pas été encore résolu dans aucun lieu du monde : Le ministère de « l’environnement ne peut pas demander une solution qui n’existe pas encore. Le Brésil ne fait ni plus ni moins de ce qui est fait par les 440 usines nucléaires éparpillées par le monde entier » a répliqué Lobão. C’est-à-dire : puisqu’il y a 440 problèmes sans solution, cela n’a d’importance d’en ajouter un.

La Commission Nationale d’Énergie nucléaire (CNEN) et d’Eletronuclear se sont engagés à trouver une solution avant 2010 pour stocker les déchets radioactifs de façon sûre « pour 500 ans », ce qui est insignifiant si l’on considère que les résidus restent radioactifs des dizaines de milliers d’années.

Le Ministre de l’Environnement Carlos Minc, n’a pas encore donné son accord à la solution mais tout laisse prévoir qu’elle sera acceptée. Lula a donné 60 jours pour résoudre la question de l’autorisation environnementale d’Angra III, tandis que le calendrier établi par le gouvernement indique pour 2014 sa mise en fonctionnement et les pressions sur l’IBAMA sont énormes.

En Europe entre-temps, la seule nouvelle usine en construction depuis la catastrophe de Chernobyl, Olkiluoto 3 en Finlande, affiche un retard de deux ans et on estime un dépassement de coût de 100% à celui prévu initialement.

D’autre part les accidents nucléaires - ou des « incidents » comme aiment les nommer les représentants de l’industrie nucléaire - survenus au cours de l’année ont sensiblement miné l’image de la sécurité que cette technologie essaye de promouvoir.

Le 5 avril dernier une fuite avec contamination radioactive était dénoncée dans la centrale nucléaire d’Asco (Tarragone, Espagne), elle se serait apparemment produite pendant le dernier chargement de combustible nucléaire, en octobre de l’année précédente.

Le 4 juin, la Commission Européenne a nouvellement activé le système communautaire d’alerte nucléaire, après un incident dans la centrale slovène de Krsko, au sud-ouest de ce pays, à cause d’une fuite de 10.000 litres de liquide réfrigérant, ce qui immédiatement obligé à arrêter la centrale.

Le 7 juillet à Tricastin dans le sud-est de la France, 74 kilos d’uranium ont été déversés. Onze jours plus tard, l’Autorité de Sécurité nucléaire (ASN) française a détecté de nouvelles fuites radioactives.

Le 29 juillet toujours sur cette usine nucléaire de Tricastin on rapporte la troisième fuite radioactive en moins d’un mois. Les problèmes à Tricastin ont mené le ministre français d’Environnement, Jean-Louis Borloo, à reconnaître qu’environ 115 incidents plus petits ont été enregistrés dans les 59 centrales nucléaires du pays. Pour finir le 24 août dernier dans la centrale nucléaire de Vandellós II à Tarragone, Espagne, un incendie a eu lieu, ce qui a entraîné la déclaration de pré-alerte du Plan d’Urgence Intérieure (PEI).

Dans ce contexte l’annonce réalisée par les présidents du Brésil et d’Argentine semble inquiétante. En plus à la lumière de leur propre expérience que ces pays ont eu dans la construction de leurs usines Atucha II et Angra III, qui ont été arrêtées durant plus de deux décennies.

L’unique explication plausible consiste en ce que, en réalité, le pari du Brésil est plus lié à une stratégie géopolitique, orientée à être admis au « club » des puissances nucléaires, pensant plus à des fins militaires qu’énergétiques. Ce n’est pas en vain que le Brésil inclut dans le paquet nucléaire une usine d’enrichissement d’uranium, élément nécessaire pour l’alimentation des armes atomiques.

G. Honty est analyste d’information dans les sujets d’énergie et de changement climatique au CLAES (Centre Latinoaméricain d’Écologie Sociale), Montevideo, Uruguay.

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