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15 de marzo de 2004

A Guantanamo, les Etats Unis ont choisi d’ignorer le droit

 

Loin de rendre le monde plus sûr, le pénitencier de Guantanamo n’a eu qu’un effet tangible: l’affaiblissement des Conventions de Genève. Rencontre avec Wendy Patten, de Human Rights Watch.

Par Roderic Mounir
Le Courrier, lundi 15 mars 2004

Le 20 avril prochain sera une date cruciale pour les droits humains et pour le bon fonctionnement du système légal étasunien, dans le contexte international de guerre contre le terrorisme. Saisie par plusieurs organisations, parmi lesquelles Amnesty International (AI) et Human Rights Watch (HRW)[1], la Cour suprême des Etats-Unis se prononcera sur la légalité des incarcérations à Guantanamo. Car, malgré la libération récente d’une douzaine de ressortissants britanniques, danois, espagnols et russes, environ 640 prisonniers sont encore détenus dans des conditions controversées dans les camps de la base étasunienne de Cuba.

Considérés comme des combattants «irréguliers» par l’administration Bush, ces détenus ne bénéficient pas du statut de prisonnier de guerre, tel que défini par les Conventions de Genève. Pour HRW, Guantanamo est «la honte de l’Amérique». L’ONG ne ménage pas ses efforts pour dénoncer le «trou noir juridique» que constitue cette «colonie pénitentiaire» où les droits fondamentaux n’ont pas cours. Samedi, dans le cadre du Festival international du film sur les droits humains (FIFDH), Wendy Patten, conseillère juridique de HRW à Washington, participait à un débat après la projection de Inside Guantanamo, un documentaire britannique édifiant. Entretien.

Le Courrier: Quelle est l’action concrète de HRW concernant Guantanamo?
 Wendy Patten: L’organisation enquête, dénonce et fait pression pour assurer le respect du droit international et des procédures légales. Depuis deux ans, nous sommes très actifs sur la question de Guantanamo: nous avons écrit au Pentagone pour exiger des précisions sur le traitement des prisonniers, ainsi qu’un droit de visite -en vain. A ce jour, seul le CICR a pu communiquer avec les détenus, mais en respectant la plus stricte confidentialité, comme le veut son mandat. Pour sa part, HRW multiplie les rapports, meetings publics et entretiens avec des membres du Congrès américain. Notre action ne prend pas seulement en compte les Conventions de Genève, mais l’ensemble des textes relatifs aux droits humains.

Faut-il voir un signe positif dans les libérations intervenues ces derniers temps?
 Il n’y a pas de changement significatif. Ce n’est qu’une façon de dire: «Nous, les militaires, sommes raisonnables. Nous savons gérer ce problème jusqu’à son terme.» Or, à ce jour, seuls deux détenus ont été formellement inculpés. Quant aux libérations, elles se sont accompagnées de nouvelles justifications du processus de Guantanamo, synonyme de détention prolongée sans preuves, de restrictions graves des droits de la défense et de limitation des possibilités de recours, entre autres entorses grossières au droit international. Il faut savoir que tout appel devant une cour civile contre une sentence des commissions militaires est exclu. L’accès à l’ensemble du dossier n’est pas garanti au défenseur choisi par l’accusé -secret défense oblige-, tandis que les conversations entre l’accusé et son avocat peuvent être écoutées par l’armée. Face à de telles irrégularités, notre conclusion est sans ambiguïté: personne ne devrait être traduit devant ces tribunaux d’exception.

La torture est-elle pratiquée à Guantanamo?
 Soyons clairs: si les conditions de détention posent de nombreuses questions, juridiquement parlant il n’existe pas de preuves formelles de torture. La base de Bagram, en Afghanistan, est une autre affaire. Là, les preuves de traitements inhumains sont évidentes (lire Le Courrier du 14 janvier 2004). Elles émanent de sources confidentielles internes à l’armée, ainsi que l’a rapporté le Washington Post. Les méthodes dites de «stress et contrainte» incluent la privation de sommeil, le maintien prolongé dans des positions inconfortables, etc. A Guantanamo, le temps de promenade et l’exercice sont limités, des camps sont à ciel ouvert et la lumière des projecteurs reste allumée 24 heures sur 24. Mais ce qui provoque les dégâts psychologiques les plus importants, c’est la détention prolongée sans connaissance de son sort. Reste aussi une inconnue: le déroulement des interrogatoires. On en apprendra plus, désormais, de la part des prisonniers libérés.

Vous évoquez Bagram: y a-t-il d’autres Guantanamo, encore plus secrets?
 C’est difficile à savoir, mais il faut se poser la question. Le Gouvernement américain détient des membres haut placés d’al-Qaïda dans des lieux inconnus. Ils n’ont pas été visités par le CICR, un signe négatif. Sur eux, on en sait donc encore moins. Il est donc impératif de sensibiliser le public, qui s’est peu soucié de leur sort jusqu’ici. L’indifférence a été aggravée par les déclarations du président Bush, qui a publiquement qualifié ces prisonniers de «mauvais parmi les mauvais».

Mais je relève néanmoins des points positifs, par exemple la visite de Guantanamo par des sénateurs, en automne dernier. Bien sûr, ils se sont dits «impressionnés par le professionnalisme» de tous ceux qui travaillent là-bas. Mais John McCain, qui fut prisonnier au Vietnam, a rappelé que sans les Conventions de Genève, il ne serait pas vivant aujourd’hui. Il y a la 60e session de la Commission des droits de l’homme (qui s’ouvre aujourd’hui à Genève, ndlr). Le problème global du respect des droits humains dans la lutte antiterroriste y sera posé. Enfin, nous préparons activement notre plaidoirie devant la Cour suprême des Etats-Unis, le mois prochain, concernant deux plaintes collectives de détenus de Guantanamo. Si nous gagnons, cela constituera un précédent important.

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