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Une étude de la compagnie brésilienne Petrobras démontre que l’intégration des réseaux de gaz naturel du sous-continent serait financièrement très rentable.
Por Lamia Oualalou
Le Figaro, 13 octobre 2005
Les difficultés chroniques du Mercosur, le marché commun sud-américain ont fini par suggérer que l’intégration du continent n’était qu’un délire pour doux rêveurs héritiers du leader indépendantiste Simon Bolivar. Mais avec un baril de pétrole durablement accroché au-dessus des 60 dollars, les projets les plus pharaoniques deviennent réalistes. « L’Amérique du Sud est une des régions les plus riches au monde en eau, en aliments, mais surtout en énergie », insiste Marco Aurelio Garcia, conseiller du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour les questions internationales.
Le Venezuela est non seulement l’un des principaux exportateurs de pétrole au monde - et un fournisseur stratégique des Etats-Unis - il abrite aussi le plus important gisement de gaz d’Amérique latine. Le Brésil, pratiquement autosuffisant en pétrole, est l’un des champions des énergies renouvelables, et vend au monde entier sa technologie de l’éthanol.
Potentiel exceptionnel
L’Argentine, autre pays pétrolier, est toutefois régulièrement aux prises avec une crise énergétique, contrainte d’acheter du gaz à la Bolivie. Quant à cette dernière, elle n’en finit pas de se déchirer sur l’utilisation de son gaz, refusant par exemple de construire un gazoduc vers le Chili pour cause de conflit frontalier historique. Bref, l’Amérique du Sud dispose d’un potentiel exceptionnel, mais sa répartition et la faiblesse des infrastructures de transport sont des obstacles redoutables.
C’est dans ce contexte que Pétrobras, la compagnie nationale brésilienne, a demandé à ses services de plancher sur la faisabilité d’une intégration des réseaux de gaz naturel, l’énergie du futur. Cette étude, que Le Figaro s’est procurée, démontre qu’un maillage de gazoducs comparable à celui qui existe en Europe coûterait environ 15 milliards de dollars. Une somme importante, pas démesurée pour une entreprise qui associerait les confortables capitaux de la vénézuélienne PDVSA et de Petrobras, surtout si d’autres groupes français, espagnols et américains installés dans la région participaient à cet investissement, avec une implication de l’Argentine et de la Bolivie. « Mais un tel projet dépend d’abord de la volonté politique des Etats », insiste Ildo Luis Sauer, directeur de la branche gaz et énergie de Petrobras. La balle est donc dans le camp de Luiz Inacio Lula da Silva, et de son homologue vénézuélien Hugo Chavez.
Pour le Brésil, la construction d’un réseau de gazoduc des plaines gazières du Venezuela jusqu’à Buenos Aires permettrait de dynamiser l’activité économique dans des Etats pauvres comme le Para ou l’Amazonie, riches en ressources minières (fer, bauxite, manganèse et cuivre) mais dont l’exploitation est rendue impossible par la pénurie énergétique. Même constat pour le Venezuela : le gazoduc qu’imagine Petrobras « arroserait » la région Grand Sabana dans l’Etat de Guayana, pauvre en énergie mais riche en magnésium, diamant, phosphate, sel et autres minerais. L’Argentine, le Chili et l’Uruguay se mettraient durablement à l’abri de crises énergétiques annoncées, étant donnée la forte reprise de leur économie. Surtout, pour l’ensemble de la région, le gaz, coût de transport compris, reviendrait beaucoup moins cher que le pétrole, en fait « l’équivalent d’un baril de pétrole à 20 dollars », précise Sauer. En se substituant à l’or noir dans certaines activités, il permettrait à l’Amérique du Sud d’économiser l’équivalent d’un million de barils par jour. « Cela permettrait au Brésil soit de devenir exportateur de pétrole et d’augmenter encore son solde commercial, soit de constituer des réserves stratégiques dans la perspective de pénuries futures », conclut Sauer.