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14 août 2015


SAEB EREKAT, Secrétaire général de l’OLP, en visite en Argentine

Saeb Erekat « je suis venu à Buenos Aires pour dire merci au nom de la Palestine »

 

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L’homme au costume bleu souligne chaque idée avec la force de celui qui plante un drapeau dans une dispute, comme si la gestuelle garantissait ses concepts sur le conflit Israélo-palestinien. Saeb Erekat est arrivé au pays (en Argentine) pour décorer la présidente Cristina Fernández de l’étoile palestinienne. La plus haute distinction que remet la Palestine, cette fois, c’est pour l’appui que la Présidente a apporté à la reconnaissance l’État Palestinien quand l’Argentine fut membre non permanent du Conseil de Sécurité de Nations Unies. À un mois d’avoir été choisi par le président de l’Autorité Nationale Palestine, Mahmud Abbas, comme secrétaire général de l’Organisation pour la Libération de la Palestine, Erekat nous expose les défis que sa gestion doit affronter, parle de la relation à Israël et de son désir d’inviter Hamas et la Jihad Islámica à faire une partie d’un gouvernement d’unité.

À quoi doit-on votre visite en Argentine ?

Au nom du peuple palestinien et de son président, je suis venu à Buenos Aires, pour une journée, dire merci. Le président palestinien attribue la plus haute décoration à Cristina Fernández. L’Argentine a été parmi les peuples qui ont appelé le plus fortement à la formation de deux États. À travers de cet entretien j’aimerais remercier chaque argentin.

L’Organisation pour la Libération de la Palestine a annoncé lundi dernier son désir de reconsidérer le lien avec Israël.

C’était une décision prise par le Conseil National Palestinien (CNP) le 5 mars 2015 où on précise que si Israël continue de violer ses obligations face aux accords établis, le Comité exécutif de l’OLP doit redéfinir ses relations politiques et économiques avec Israël. Et c’est une décision qu’il faut exécuter. Pour cette raison j’ai rencontré le vice-premier ministre israélien, Silvan Shalom, et je lui ai remis un document avec ses obligations et les nôtres face aux accords. Nous avons offert de commencer des relations, mais sur la base du respect de ces obligations, parce sinon cela ne pourrait pas se faire. Israël doit arrêter la construction de colonies, organiser le retrait de la Cisjordanie, libérer les prisonniers palestiniens de ses prisons.

Selon votre opinion : quelle est la stratégie de Benjamin Netanyahu ?

Il veut une Autorité Nationale sans autorité, il cherche à maintenir une occupation sans coût et que Gaza soit complètement séparée de la Cisjordanie. Il a besoin d’exporter la crainte. Il a besoin de ce danger externe. Il ne veut pas de deux États, ce qu’il veut c’est un État avec deux systèmes : l’apartheid.

Vert et rouge prédominent dans l’imprimé de sa cravate : le drapeau palestinien est complété par le blanc immaculé de la chemise et le noir de ses chaussures. Erekat extrait de la poche intérieure de sa veste une carte verte. C’est la carte d’identité qu’il utilise en Palestine. Les Israéliens utilisent des documents d’identité bleu et conduisent des voitures avec des plaques jaune et bleue ; les plaques palestiniennes sont vertes et blanches. « Il y a des routes en Cisjordanie que, en tant que palestinien, je ne peux emprunter, seuls les Israéliens peuvent le faire – commente le secrétaire général–. Au Parlement israélien un projet de loi est en discussion dont le nom est ‘routes stérilisées’. Et il va y en avoir un se autres pour les ‘bus stérilisés’. Nous les palestiniens chrétiens et musulmans nous ne pourrions même pas nous asseoir au fond du bus », remarque-t-il.

Pour Erekat, ce sont des initiatives qui découlent d’une culture de la haine et du racisme qui a amené, il y a quelques semaines, un groupe de colons à incendier la maison de la famille Dawabash, à Duma, village situé près de Naplouse, au nord de la Cisjordanie. A l’hôpital il a rendu visite à la maman d’Alí, le bébé décédé. « Elle vit grâce aux machines, 90 % de son corps est brûlé. Quand j’ai rendu visite au père, je savais qu’il allait mourir. Il est décédé il y a quelques jours », raconte-t-il. Et il soutient que les gens qui ont mis le feu à la maison des Dawabash n’ont pas pensé au bébé de 18 mois, ni à son père, ni à sa mère. « Ils les ont brûlés pour être palestiniens. C’est une culture et c’est très dangereux parce que l’occupation corrompt », affirme-t-il et se demande : « Où cela va-t-il nous mener ? »

Comment se construit un imaginaire dans lequel les deux peuples coexistent ?

Il faut en finir avec l’occupation. En tant que palestinien j’ai reconnu l’État d’Israël sur les frontières de 1967. Ce que le Premier ministre israélien doit faire est de reconnaître l’État palestinien sur les frontières de 1967 et en terminer avec les colonies.

Le Pape François a reçu le président Mahmoud Abbas en mai au Vatican. Comment analyse-t-il la décision du Vatican de rejoindre l’Assemblée générale de l’ONU dans la reconnaissance de l’État palestinien ?

Si on me demandait quel était le meilleur moment de ma vie, je dirais que c’était le 17 mai 2015, à 11.15, au Vatican, quand j’ai vu au vent le drapeau de la Palestine à côté de celui du Vatican. Des religieuses et des curés marchant en procession, à côté du Pape. Tous portaient de petits drapeaux palestiniens. Pour notre peuple, le fait que deux religieuses palestiniennes (N.d. R. : Mariam Bawardi et Marie-Alphonsine Ghattas) ont été canonisées ce jour c’est très important. Je suis musulman et j’ai fait mes études dans une école catholique. Mes enfants ont fait leurs études dans une école catholique de Jéricho. Les chrétiens-palestiniens ne sont pas une minorité. Avant d’être chrétiens ou musulmans nous sommes palestiniens. Que sa sainteté, le Pape, se réfère à mon président (Abbas) en tant que « ange de la paix » c’était une minute d’espoir, pour ce qu’il représente : morale, justice, égalité. Le message du Pape François ce jour a été « soyez justes avec les palestiniens ». Le Pape a demandé de la patience, que nous ne perdions pas l’espoir et que nous continuions par la voie pacifique, sans violence.

Cette semaine vous vous êtes montrés partisans d’un rapprochement avec le Hamas et le Jihad Islamique. De quelle manière s’insèrent ces organisations dans le processus que vous incarnez comme secrétaire général de l’OLP ?

En Palestine il y a 26 partis politiques, Hamas et Jihad sont deux d’entre eux. Aucune force ne peut exclure l’autre. Ce que nous disons au Hamas c’est que quand nous avons des problèmes, et nous avons des problèmes, nous allons par les votes et non par les balles. Nous les invitons à rejoindre un gouvernement d’unité nationale pour organiser des élections nationales et pour reconstruire Gaza. J’attends et je souhaite qu’ils acceptent. La dernière chose dont nous avons besoin, c’est une guerre. Nous avons besoin d’un dialogue, d’un accord et d’une paix.

Cristina et le Moyen-Orient

Le Ministre argentin des affaires étrangères Héctor Timerman a remarqué hier que le lien de la présidente Cristina Fernández avec la paix au Moyen-Orient est très fort. Le ministre a fait ces déclarations à la suite de la cérémonie prévue dans à Casa Rosada, où le chef de l’État a reçu la plus haute décoration qu’octroie le gouvernement de l’Autorité Nationale Palestine, en reconnaissance à son appui devant les Nations Unies (ONU) pour le déclarer comme État national. « Ils vont reconnaître la position de la Présidente en faveur de la paix au Moyen-Orient », a expliqué Timerman. Dans une déclaration à Radio de la Plata, il a dit que c’est très important, parce que la Palestine ne donne pas en général de décorations.

Saeb Erekat

Politologue et ex-député, a été diplômé en 1977 en Sciences Politiques à l’Université du San Francisco, aux États-Unis, où il a présidé l’Association des Étudiants Arabes. Il a été professeur de Sciences Politiques à l’Université Nationale Al Nayah, dans la ville de Naplouse, en Cisjordanie. De plus, il a obtenu une bourse du Département d’Études de Paix et de Résolution des Conflits de l’Université de Bradford, au Royaume-Uni. Et il a réalisé son doctorat sur le rôle de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) dans le conflit palestino-israélien.

Il est également auteur d’éditoriaux et d’articles publiés dans le quotidien palestinien Al Quds, où il a travaillé entre 1982 et 1994, et dont il a fait partie du comité éditorial. Le président Yasser Arafat l’a désigné Ministre de Gouvernement Local au sein de l’Autorité Nationale Palestine. Il a été chef du Comité d’Observation et de Direction des négociations palestiniennes. Il a aussi été à la tête de la commission électorale qui a préparé les premières élections palestiniennes en 1996, où il a été élu député au Conseil Législatif, dans le groupe Al Fatah. Il a été nommé chef du Département de Négociations par le président Mahmud Abbas. En juillet 2015, il est devenu secrétaire général de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP). Il est auteur de plusieurs livres et de nombreux articles sur les relations internationales, la géopolitique du pétrole, la démocratisation du Moyen-Orient, la redistribution de la richesse régionale et la résolution de conflits. Il a aussi été secrétaire général de la Société d’Études Arabes et directeur de Relations publiques de l’Université Al Nayah (1982-1986). Aujourd’hui, à 16 heures, Erekat tiendra une conférence à l’Universidad Nacional de Tres de Febrero, dans le cadre du séminaire « Nouvelles réalités internationales : L’Amérique latine et l’évolution du conflit au Moyen-Orient ».

Adrián Pérez pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 13 août 2015.

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la diaspora latinoamericaine par : Estelle et Carlos Debiasi

El Correo de la diaspora latinoamericaine. Paris, le 14 août 2015

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