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9 février 2007

Mutation de notre société
Les savoirs d’interface : une histoire de Sciences Humaines et Sociales.

 

Les sciences humaines et sociales sont probablement les disciplines majeures pour permettre un meilleure diffusion des savoirs et surtout une meilleure compréhension entre civilisations. Outre cela, l’étude des savoirs d’interface peut aider à la résilience de pays qui ont eu à subir la colonisation.

Par Yannick Comenge *
Agora vox
. Paris, le vendredi 9 février 2007.

Le développement est probablement la résultante d’influences multifactorielles et à ce jour il semble que ce soit une alchimie vertueuse d’événements qui pousse un Etat à se doter des organes de recherche ou de création de savoir construisant le rayonnement de ce même Etat.

Un Etat qu’il soit puissant ou totalement réduit au minimum peut contribuer à une société de la connaissance par un maillage de systèmes qui conduisent à une conservation/diffusion des savoirs. Mais avant d’arriver à la question de la conservation ou de la diffusion des savoirs, il est crucial de se pencher sur l’apparition des savoirs et leur cohérence au sein de sociétés en mutation.

Le point important pour comprendre les sociétés en mutation par rapport à des sociétés stagnantes est de relier le développement à des notions de « savoir d’interface ». Ainsi, sachant que la connaissance entre deux sociétés peut être une « reconnaissance mutuelle et positive », il est peut être souhaitable d’analyser le point historique de contact afin d’amener des sociétés actuelles à croiser « plus » leur compétence et se développer « plus ». L’autre exemple à étudier est peut être le savoir d’interface résultant plutôt d’une friction ou d’une incompréhension.

Il est possible alors de voir plusieurs résultantes... une forme de compétition inter sociétale s’instaure et aboutit tout simple à une stagnation voire à une déliquescence de l’un des acteurs... refus psychanalytique de l’autre en raison de contextes historiques et de souvenirs collectifs difficiles... un inconscient trans-générationneltrans-générationnel s’opposerait à l’apport de « l’autre » par souvenir des guerres ou barbaries infligées par le passé. Voilà pourquoi des années après les décolonisations, des régions entières n’arrivent pas à passer le cap du développement ou de l’autosuffisance. Ainsi, ce point permet de comprendre pourquoi certaines régions préfèrent opter pour une vie traditionnelle simple par rapport à une forme de modernité retrouvée au sein de « sociétés d’apparence ».

La cellule familiale est éclatée géographiquement étant donné les politiques de l’emploi basées sur des flexibilités et des mobilités incohérentes. Les couples divorcent et l’individu meurt seul dans un appartement froid et moderne. En ce sens, on peut également se demander si les sociétés du Nord ne sont pas en train d’être confrontée à un sort terrible car elles auraient une technologie galopante et en même temps une gangue d’égoïsmes qui par concrétions les pousseraient vers une fin programmée. Ainsi, dans un rapport de 2006 sur la société américaine, la Fondation pour l’innovation politique soulignait que les individus finissaient leur vie dans une ultramoderne solitude.

En ce sens, l’intelligence collective de ces sociétés post-industrielles se dissoudrait dans une forme de fuite en avant... Leur culpabilité historique et leur cupidité les pousseraient à produire un savoir mal géré qui les étoufferait et conduirait l’individu à une condition peu désirable voire à une fin peu enviable... Outre ces considérations, il est intéressant de s’appesantir sur les conditions de l’avènement de la « société du savoir ».

Les conditions de la « résilience locale » sont à analyser finement. Pour cela, l’étude des projets qui ont donné lieu à un développement local bien implanté est importante. Prenons l’exemple d’associatifs qui ont apporté un savoir-faire à des villages déshérités... La culture maraîchère a ainsi rapidement vu le jour grâce à des transferts technologiques (pompes photovoltaïques en Amérique Latine, au Mali, MadagascarMadagascar), puis est apparue une forme de négoce pré-industrielpré-industriel avec la dissémination d’un « savoir agricole ou agraire » et d’un « savoir commercial » plus performant. On soulignera le rôle prépondérant des femmes dans la co-gestion ingénieuse de ces projets.

Par la suite, la mise en place de pôles de développement, géographiquement assez proches, produit alors les conditions d’un fleurissement de nouveaux terrains de savoir au niveau régional. A l’inverse l’arrivée de médecins, inconsciemment investis de valeurs « missionnaires » (donner le médicament comme on donnait la bonne parole ou la civilisation) peut conduire à des situations de stagnation/frustration des savoirs sans qu’il y ait prise de conscience locale ou de transmission/diffusion du savoir.

Dans un cas, on participe à une résilience des chocs de civilisations passés, dans l’autre on conduit à un mime des confrontations anciennes. En première conclusion, la Science Humaine et Sociale peut participer à une multiplication des points d’ancrage des savoirs et à une consolidation des développements vers une forme de synthèse locale, régionale, globale des savoirs et une apparition de structures plus institutionnelles.

J’insiste. L’action d’ONGs qui connaissent bien les codes du terrain permet de « passer » le fossé historique, sociologique, psychologique. Le rôle de la SHS est aussi d’analyser des éléments nécessaires à la création de ces ponts (voire de ces fondations) car sans cela, on parachute des dispositifs ou des techniques sans leurs notices d’utilisation. On inspire une incompréhension qui peut un jour se focaliser et créer des tensions. Ainsi, on peut réfléchir également au rôle des industriels qui partent « faire fortune » en Asie tout en employant des gens à bas salaire.

L’analyse de la psychologie inconsciente de ces entrepreneurs est similaire à celle de leurs ancêtres (colonisation)... en face, l’acceptation de ces développements techniques est vécu comme un accablement collectif et une sorte de cercle vicieux historique ou au contraire comme un moyen de « résistance passive » par une captation des savoirs et des techniques... en vue d’une revanche voulue ou non consciemment.

Sortir de cette logique « délocalisante et de mime inconscient » est possible par une exigence d’équité sociale. Même si on s’éloigne du sujet... les sociétés en mutation sont des sociétés vivantes qui gèrent une mémoire collective encore très marquée par des siècles d’erreurs/d’horreurs et seulement quelques expériences humainement intéressantes. Les Sciences Humaines et Sociales (sociologie, ethnologie, histoire) ont leur rôle de traitement global des erreurs du passé et de leurs explications. Cela éviterait notamment à certains de promouvoir le « rôle positif de la colonisation »...

On peut évaluer le rôle de la communication moderne dans la capacité de résilience locale. Il a été souvent abordé l’explosion de la communication dans le monde actuel et l’importance de ces techniques dans la diffusion des savoirs. Il y a quelque chose qui vient rapidement à l’esprit à ce sujet. Certaines sociétés techniquement très avancée ont adopté aisément la révolution de la communication au même titre que des sociétés en mutation parfois très éloignées de régions d’interface (ports, grandes villes). L’intérêt de ce phénomène est qu’il s’appuie probablement sur le fait que bon nombre de sociétés de nos jours ont un mode de savoir oral. Je pense parfois à ces Djiboutiens qui de mémoire arrivent quasiment à retracer plusieurs tomes de l’histoire vivante de leur localité. L’avènement de la communication de masse et de la téléphonie vient appuyer ces structures de développement du savoir tout autant au sein de sociétés qui reposent sur l’écrit que sur l’oral.

L’autre point important est que l’aspect communicant entre ces savoirs du Sud et du Nord permet des points de contact plus nombreux entre sociétés ou entre individus et participe donc à une forme d’interface généralisée grâce à des portables qu’ils soient de première ou dernière génération... Il serait utile de jouer sur cette révolution communicante... l’aide éducative et la formation à l’histoire des savoirs du Nord et du Sud pourrait aider à une meilleure compréhension de l’autre et ainsi une fraternisation de société en mutation en gommant certains aspects plus frileux. La SHS est là encore en tant que guide pour ce défi. (Il faut également mentionner les relations entre les savoirs du Nord et les savoirs du Sud dans une logique d’associativité mathématique... Les Suds échangeant entre eux, les Nords avec les Suds réciproquement).

Les sciences humaines et sociales sont autre chose qu’un dispositif de traduction mais un socle d’analyse des conditions de développement et d’acquisitions mutuelles des savoirs... La recette d’un développement durable de « société en mutation » est probablement à la convergence de l’acquisition du savoir et d’une apparition d’organismes structurée de recherche. Il est probable que l’instant fondateur de ce principe vienne d’une rencontre avec « l’autre ». La mise en place de condition de résilience est alors cruciale dans la marche vers des savoirs pérennes. Enfin, il est crucial de revoir avec l’œil des Sciences humaines et sociales notre devoir de sociétés du savoir et de la recherche vis-à-vis de ceux qui ont eu par le passé à gérer nos besoins de puissance. La résilience de ces pays face aux temps de la colonisation en dépend.


* Yannick Comenge (Paris) Jeune chercheur en Microbiologie (Docteur de l’U655). Actif au sein du Mouvement Pugwash-France depuis 1999. Proche d’Euroscience depuis 1999. Deux années post thèse ont permis d’écrire en co-auteur "Sois stage et tais toi" (Ed La Découverte) et "La science et la Guerre : la responsabilité des Scientifiques. (Ed L’Harmattan). Je suis à la recherche d’un Post doctorat dans les domaines étendus de la virologie, la microbiologie, le cancer, (...)

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