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13 octobre 2023

Les États-Unis refusent à nouveau l’extradition de l’ex-militaire Roberto Bravo

Roberto Bravo, un des auteurs du massacre de Trelew.

par Luciana Bertoia.

 

Toutes les versions de cet article : [Español] [français]

La justice argentine exige qu’il soit renvoyé en Argentine pour y être jugé pour le massacre de 16 prisonniers politiques en 1972.

Roberto Guillermo Bravo

L’ex militaire Roberto Guillermo Bravo, l’un des auteurs du massacre de Trelew, continue d’avoir de la chance devant les tribunaux des Etats-Unis. Installé dans ce pays peu après son implication dans le massacre de la base navale Almirante Zar de Trelew en août 1972, ce marin à la retraite a de nouveau obtenu le rejet de son extradition vers l’Argentine pour y être jugé pour le massacre de 16 prisonniers politiques.

La décision de refuser à nouveau l’extradition a été prise par le juge Edwin Torres le mardi 3 octobre, mais n’a été connue qu’au cours des dernières heures. Bien que le magistrat ait considéré que les preuves fournies par le gouvernement argentin étaient crédibles, il a estimé qu’il n’était pas approprié d’extrader Bravo parce qu’il était recherché pour un « crime politique », une catégorie qui n’est pas couverte par le traité d’extradition entre l’Argentine et les États-Unis. « Les faits se sont déroulés dans le cadre d’une violente rébellion politique », a-t-il déclaré dans son arrêt, approuvant la version des faits de Bravo.

Pour la justice argentine, le massacre de Trelew est un crime contre l’humanité. La marine argentine a décidé de tirer sur 19 prisonniers politiques qui lui avaient été confiés. Une semaine plus tôt, le 15 août 1972, ces 19 militants avaient réussi à s’évader de la prison de la ville de Rawson, mais, contrairement à ceux qui faisaient partie de la direction des Montoneros, des Forces Armées Révolutionnaires (FAR) et du Parti Révolutionnaire Populaire (PRT), Armée Révolutionnaire Populaire (ERP), ils n’étaient pas arrivés à temps pour embarquer dans l’avion qui partait pour le Chili de Salvador Allende.

Humiliée, la dictature d’Alejandro Agustín Lanusse les emprisonne à la base aéronavale Almirante Zar de la ville de Trelew. Une semaine après l’évasion, la marine les abat de sang-froid. Au petit matin du 22 août 1972, les militaires sont entrés, les ont forcés à sortir des cellules et ont ouvert le feu.Après le massacre, la dictature de Lanusse a présenté ce qui s’est passé comme une réponse à une nouvelle tentative d’évasion. Curieusement, les militaires s n’avaient même pas eu une égratignure et du côté des militants, on dénombrait 16 morts et trois blessés graves. María Antonia Berger, Ricardo René Haidar et Alberto Camps ont survécu et ont dénoncé le massacre.

Depuis 2008, la justice argentine réclame l’extradition de Bravo, qui a été envoyé par la marine argentine aux États-Unis dans le cadre de la protection accordée aux personnes impliquées dans le massacre.

En 2010, le juge Robert Dube a rejeté la demande des autorités argentines. Depuis, Bravo a fait valoir qu’il était accusé d’une infraction politique et que ses crimes étaient couverts par l’amnistie de 1973.

« Cette nouvelle décision démontre une méconnaissance de l’histoire argentine, du processus de mémoire, de la vérité et de la justice, ainsi que des normes applicables en matière de droits de l’homme », a déclaré le Centro de Estudios Sociales y Legales (CELS) dans un communiqué.

L’organisation, qui soutient les proches des victimes, différencie la position du juge Edwin Torres de celle du procureur de Miami, qui avait soutenu que « le massacre de Trelew était un acte barbare pour lequel le traité (d’extradition) n’offre aucun refuge sûr ».

A priori, la décision du juge n’est pas susceptible d’appel. Interrogé par Página/12, Claret Vargas, avocat au Center for Justice and Accountability, s’est dit surpris par la décision du juge Edwin Torres. « Nous sommes en train d’évaluer de quelle manière nous pouvons aider les membres de la famille pour qu’en fin de compte, ils puissent obtenir justice », a-t-elle déclaré.

« Nous avions de grands espoirs quant à l’extradition », déclare Ilda Bonardi de Toschi. Son compagnon, Humberto Toschi, était l’un des militants abattus à la base d’Almirante Zar. Ilda cherche à obtenir justice pour ces crimes depuis 51 ans. « En tout cas, nous n’abandonnerons jamais et nous ferons appel à toutes les possibilités qui nous sont offertes en Argentine et aux États-Unis », confirme-t-elle.

Participant à l’assassinat des prisonniers politiques en fuite

En 1973, le lieutenant Bravo est arrivé à l’ambassade aux États-Unis en tant qu’attaché militaire. Six ans plus tard, en 1979, il demande à sortir de la Marine. Pendant son service actif, il a profité pour nouer des liens avec les forces armées US et s’ est entraîne autant qu’il le pouvait : infanterie avancée, assaut aérien ou reconnaissance amphibie avec le Corps des Marines. Ces compétences, en général, ne conviennent pas à quelqu’un qui a raccroché les gants- ou, dans son cas, sa mitrailleuse -, ce qui a fait naître des soupçons quant à la possibilité que Bravo soit revenu pendant la dictature ou qu’il ait participé à la répression en Amérique Centrale.

Le 24 mars 1980, jour du quatrième anniversaire du coup d’État, il a reçu une bonne nouvelle : il a obtenu le statut de résident permanent aux États-Unis. En septembre 1987, il est devenu citoyen étasunien. À cette date, il vivait à Miami depuis cinq ans. Au cours de ces décennies, Bravo est apparemment retourné deux fois en Argentine : en 1985, pour des vacances, et en 1990, à la mort de sa mère.

Pendant plus de 35 ans, Bravo est resté un mystère pour la justice argentine. En 2008, une enquête menée par le journaliste Diego Martínez dans ce journal a prouvé qu’il se trouvait à Miami et qu’il s’occupait d’affaires.Il présidait le RGB Group - qui fournissait des services aux Forces [armées] US - par l’intermédiaire de RLM Services Inc et de One Fountainhead Center LLC - une entreprise immobilière - et s’occupait également de reliure par l’intermédiaire de l’entreprise Stafford Bookbinding Inc , ce que son avocat a souligné pour justifier que Bravo attende la décision d’extradition à son domicile.A cette fin, Bravo a payé une caution d’un million de dollars et, avec ses trois enfants, deux neveux et deux amis, a mis en garantie des biens d’une valeur de 4.327.000 dollars.

En octobre 2020, quatre proches des victimes du massacre de Trelew ont présenté une action civile - qui ne prévoit pas de peines de prison - aux États-Unis en vertu de la loi sur la protection des victimes de la torture (Torture Victims Protection Act), qui permet de traduire devant les tribunaux américains les responsables d’actes de torture ou d’exécutions extrajudiciaires dans d’autres parties du monde. L’année dernière, Bravo a dû se présenter - pour la première fois - devant un tribunal pour parler du massacre de Trelew. Et cela ne s’est pas bien passé : un jury populaire l’a reconnu coupable d’exécutions extrajudiciaires.

« Je n’oublie pas que nous avons réussi à le mettre sur le banc des accusés, qu’il a dû s’expliquer et qu’un jury de travailleurs l’a jugé responsable 50 ans plus tard », déclare Raquel Camps, fille d’Alberto Camps. Son père a survécu au massacre de Trelew et a ensuite été victime de la dernière dictature. Elle est encore choquée par la nouvelle du rejet de l’extradition. « Au-delà du résultat, il s’agit d’une décision différente de la précédente : les faits ont été reconnus et la sentence civile l’a pris en compte », a-t-elle déclaré à Página/12. « Pour cette raison, et parce que nous avons un engagement d’amour et d’honneur envers ceux qui ne sont plus là, nous n’abandonnerons jamais cette lutte. Nous ne cesserons jamais de demander justice pour [pour les assassinats de] Trelew ».

Luciana Bertoia* para Página 12

Página 12. Buenos Aires, 12 de octubre de 2023.

Luciana Bertoia pour Página 12

Página 12. Buenos Aires, le 12 octobre 2023.

*Luciana Bertoia) Politologue et journaliste argentin spécialisé dans la justice et les droits de l’homme

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Traduction de l’espagnol pour et par : El Correo de la Diaspora

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